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Reims 78 : Quand la France était championne du monde

ParFOOT D'ELLES

Publié 21/11/2014 à 17:11 GMT+1

De notre partenaire Foot d'Elles

Eurosport

Crédit: Eurosport

L’Equipe de France féminine de football championne du monde en juillet 2015 au Canada, nous en rêvons tous. Les Bleues soulèveraient le trophée tant convoité à Vancouver, le premier de l’histoire de la discipline. Le premier ? Peut-être pas, finalement. Près de quatre décennies plus tôt, en octobre 1978, le Stade de Reims emmené par sa capitaine Renée Delahaye partait déjà en conquête à Taipei, drapeau tricolore en étendard. Celui-ci fut porté si haut, que les Rémoises achevèrent leur campagne au sommet de l’Asie, une Coupe du monde dans l’escarcelle. 
Il aura fallu attendre vingt longues années pour voir les hommes d’Aimé Jacquet remporter le second titre mondial de l’histoire du football français. Deux longues décennies avant les deux coups de boule de Zizou au Stade de France, les filles du Stade de Reims représentant la France lors du Mondial officieux organisé à Taipei en 1978. Une compétition durant laquelle les Rémoises avaient fait honneur à leur pays en repartant de Taipei avec un titre de championnes du monde en poche. Les filles de Pierre Geoffroy avaient dû partager la première place avec la Finlande certes, mais cela n’altéra en rien leur formidable performance. L’une des plus belles de l’histoire du football féminin français, l’une des plus méconnues également.
Le Stade de Reims, porte-drapeau tricolore
Comme bien souvent, les femmes ont dû se battre pour obtenir les mêmes droits et privilèges que les hommes. Alors que ces derniers virent leur première Coupe du monde officielle organisée par la FIFA se dérouler en 1930, leurs homologues féminines durent attendre 1991 pour connaître le même traitement. Pour autant, une poignée de Coupes du monde féminines officieuses  voit le jour au début des années 70, et le Mondial 1978 organisé à Taipei en fait partie. 13 participants étaient conviés en Asie du 9 au 23 octobre 1978 pour le tournoi mondial : trois équipes nationales (Australie ; Taipei chinois; Thaïlande) et dix clubs, dont le Stade de Reims, choisi pour représenter la France. Il faut bien voir qu’à l’époque, plus de la moitié de l’Equipe de France était composée de joueuses Rémoises. De par ses excellents résultats sur le terrain et l’influence considérable de son entraîneur-journaliste, Pierre Geoffroy, le Stade de Reims était régulièrement invité par les fédérations étrangères à prendre part à des tournois ayant pour but de promouvoir le football féminin. Les rencontres de ces évènements étaient alors surnommées « matches de propagande » par les Rémoises !
En 1978, il n’y avait par conséquent rien d’anormal à voir des clubs représenter leur pays lors de compétitions internationales aux quatre coins du monde.
L’invitation du Stade de Reims pour le Mondial 78 à Taipei
Invitée par la CTFA (Chinese Taipei Football Association) qui prit en charge l’intégralité des dépenses de ses convives, toute l’équipe du Stade de Reims décolla d’Orly le 6 août 1978 pour arriver trois jours plus tard à Formose (ancien nom de Taïwan – NDLR)… Oui, oui, trois jours plus tard, car les Rémoises durent faire une escale imprévue de 48 heures à Bahreïn ! Sous escorte militaire (ce sera le cas tout au long du tournoi), les filles de Reims s’installent finalement dans leur confortable hôtel du centre-ville de Taipei. Mais alors que le tournoi devait commencer le jour-même, le 9 octobre, un typhon déferla sur la capitale taïwanaise, inondant littéralement les stades et obligeant les organisateurs à repousser de deux jours le début de la compétition. Celle-ci se découpait en deux phases. Les 13 équipes étaient réparties en trois groupes, les deux premiers de chaque poule se qualifiant pour la phase finale, elle aussi sous forme de classement. Les six meilleures équipes s’affrontaient successivement et celle terminant première du groupe se voyait alors sacrée championne du monde. Reims et Helsinki – qui représentait la Finlande, ayant terminé à égalité à l’issue de la phase finale, les deux formations furent toutes deux déclarées vainqueurs. Nous y reviendrons.
Un déluge… de buts
Le groupe rémois :Butzig, Vatin, Brassart, Bassier, Dormois, Delahaye, Thomas, Moine, Roy, Pigeon, Vilarinho, Musset, Binard, Batteux, Scharo, Abar, Souef, Plantegenet
Tombées dans le groupe 3 en compagnie de la Thaïlande, d’Helsinki (Finlande), de Vancouver (Canada) et de Northwood (Grande-Bretagne), les filles de Pierre Geoffroy débutent leur tournoi le 16 octobre par une victoire retentissante face aux Thaïlandaises, 6 à 0 ! Outre le succès sans appel, la capitaine rémoise de l’époque, Renée Delahaye, se souvient de l’ambiance dans le stade : « C’était très impressionnant ! Le stade était plein et l’ambiance était extraordinaire. Il y avait bien entre 5 et 25 000 spectateurs à chaque match du tournoi. Tout était très bien organisé également ». D’un point de vue footballistique, tout ne fut pas simple pour les triples championnes de France en titre, et pour cause. « Les conditions climatiques étaient dantesques et rendaient le jeu difficile pour nous qui étions une équipe plutôt technique », reconnaissait la capitaine du Stade de Reims. « Les terrains durent être raclés par les militaires et l’eau évacuée du stade à l’aide de seaux ! Les pluies étaient diluviennes, il y avait bien 50 centimètres d’eau dans la ville ! Le typhon a provoqué un véritable déluge ». Les joueuses évoluaient dès lors sur des champs de patates qui n’avaient de pelouse que le nom…
Les joueuses d’Helsinki (Finlande) à la fin d’un match…
Cela n’empêcha pas les représentantes françaises de disposer de la Grande-Bretagne deux jours plus tard, le 16 octobre, sur le score de 4 à 1. Le tournoi ayant démarré avec 48 heures de retard, le calendrier durent nécessairement être resserré. Les Rémoises enchaînèrent donc deux matches lors de cette même journée du 16 octobre. Le premier à 13h00 face aux Anglaises de Northwood, le second à 19h00 contre les Canadiennes de Vancouver, qui chutèrent lourdement, 4 à 0. Les Champenoises achèveront finalement leur phase de groupe le 17 octobre sur un match-nul contre les Finlandaises d’Helsinki (0-0). « Techniquement, certaines équipes comme Helsinki et Dallas – qui représentait les Etats-Unis – étaient très fortes », nous confiait Renée Delahaye. « Ces formations avaient déjà une certaine expérience du haut niveau. En voyant jouer l’équipe de Dallas en 1978, nous nous sommes dit que si le soccer se développait aux Etats-Unis, les Américaines deviendraient très fortes ». Visionnaires, les Rémoises  
Deux champions, ou pas…
A la fin du premier tour, le Stade de Reims termine premier du groupe 3 à égalité avec la Finlande. Il en sera de même à l’issue de la phase finale, où les deux équipes auront été incapables de se départager, même si les Rémoises auraient pu être sacrées seules et uniques vainqueurs comme le précisait à l’époque le journal régional rémois « L’Union » : « Au classement général final, Reims se retrouvait à égalité complète avec Helsinki […] seul le goal-average des matches de qualification, 14-1 pour le Stade de Reims contre 13-0 pour Helsinki, aurait pu faire pencher la balance en faveur des Françaises en tenant compte de la meilleure attaque. Mais le tournoi mondial ayant été tellement pénible, les organisateurs ont préféré déclarer deux vainqueurs ex-æquo. C’est ainsi que les deux équipes firent main dans la main, un tour d’honneur triomphal ». Cet aménagement qui se voulait « fair-play » n’étant pas programmé, les organisateurs ont dû faire faire fabriquer, dans la précipitation, une nouvelle coupe ainsi qu’une vingtaine d’autres médailles pour l’ensemble des joueuses des deux équipes !
La remise de la Coupe à la capitaine Renée Delahaye (à gauche), ainsi qu’à la capitaine finlandaise
Le tour d’honneur des Françaises et des Finlandaises devant 25 000 spectateurs !
« Pour nous, nous avons terminé championnes du monde ». Renée Delahaye le sait bien, elle et ses coéquipières auraient sans doute mérité de parader seules autour du stade avec le précieux sésame en main lors de la cérémonie de clôture du 23 octobre 1978. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Rémoises ont rapporté un total de cinq trophées dans leurs bagages. La Coupe du monde bien sûr, mais aussi les récompenses individuelles de la meilleure gardienne de but (Marie-Louise Butzig), défenseure (Renée Delahaye), milieu de terrain (Véronique Roy) et attaquante (Christine Scharo). Rien que ça ! Pour la petite histoire, sachez que l’avant-centre Rémoise et internationale tricolore, Christine Scharo, a terminé meilleure buteuse du tournoi avec 7 réalisations. Celle que l’on surnommait le « général Scharo » fut rapidement comparée au footballeur argentin Mario Kempes, véritable héros du Mondial 78 en Argentine avec l’Albiceleste.
Christine Scharo (à gauche) au duel avec une Finlandaise
La Rémoise Véronique Roy, élue meilleure milieu de terrain du tournoi
Des trophées plein les valises, des souvenirs plein la tête… Les joueuses du Stade de Reims pouvaient quitter l’Asie le 26 octobre avec le sentiment du devoir accompli.
Une aventure sportive et humaine
Près de quatre décennies plus tard, les souvenirs sont presque intacts. Le typhon, les matches, les enceintes pleines à craquer, la remise de la coupe, le tour d’honneur… Interrogeons-nous. Et si l’Equipe de France féminine de football emmenée par le Stade de Reims avait réalisé le plus bel exploit de son histoire en ce mois d’octobre 1978 ? Consciente que l’époque n’était pas la même, Renée Delahaye préfère prendre du recul sur un exploit qu’aucune équipe française senior de football féminin n’a pourtant su rééditer depuis. « On ne peut pas vraiment faire de comparaison avec le football moderne. Ce n’était pas les mêmes fréquences d’entraînement, nous ne gagnions pas d’argent. Le foot n’était qu’un loisir pour nous. Il faut relativiser nos performances et garder les pieds sur terre. Nous avons été championnes du monde, c’est vrai ; mais ce n’est pas pour autant que nous devons prendre la grosse tête ».
« Nous avons vécu des choses inoubliables », nous confessait l’ancienne internationale tricolore qui, comme ses coéquipières, a vécu une incroyable expérience humaine allant bien au-delà du côté purement sportif. Grâce au football, nous avons pu vivre une véritable histoire d’amitié qui perdure aujourd’hui, puisque nous nous voyons encore régulièrement entre anciennes joueuses du Stade de Reims. Ce genre d’aventure crée des liens à vie »... Ou au moins durant les 40 années qui suivent.
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Crédits photos: L'Union
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