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Il est temps de tourner la page : la FIFA a besoin de sang neuf

Philippe Auclair

Mis à jour 14/10/2015 à 10:48 GMT+2

La Commission d'éthique de la FIFA a suspendu à tour de bras ces derniers jours, notamment Sepp Blatter et Michel Platini. Pour Philippe Auclair, il est vraiment temps de passer à autre chose et d'injecter du sang neuf dans l'institution.

Michel Platini et Sepp Blatter en 2011

Crédit: Panoramic

A quel saint se vouer ? Saint Michel, l’archange qui se plaça à la tête des armées célestes pour défaire celles de Satan dans la Bible ? Saint Joseph ? Non, sûrement pas. Qu’est-ce qu’un "Joseph", dans la langue des bourgeois balzaciens et de leurs héritiers, sinon un impuissant ? Et impuissant, notre Joseph l’est devenu. Cloîtré dans les bureaux de ses avocats, il contemple un champ de ruines là où se trouvait son palais. Les employés de la FIFA expédient les affaires courantes sans plus en référer à l’ancien président de l’Association des amateurs de porte-jarretelles. Il n’est encore que suspendu, à titre provisoire, mais on se presse pour pousser à la roue du tombereau qui l’amènera sûrement à la potence. Ce n'est pas un spectacle des plus ragoûtants. Beaucoup des valets du bourreau se sont goinfrés à la table du condamné. "Je suis de tous les partis, je suis de toutes les partys", chantait Dutronc. Et si on faisait de L’Opportuniste l’hymne de la FIFA ?
Michel Platini, membre du sérail blatterien depuis 1998, figurant puis metteur en scène des comités exécutifs de l’UEFA et de la FIFA depuis treize ans, s’est toujours défendu d’être un "politicien". Ce qui est certain, c’est qu’il ne l’est plus aujourd’hui et, malgré les cris d’angoisse qu’on pousse du côté de la FFF, qu’il y a peu de chances qu’il le devienne jamais, au sens de chef, maintenant que la justice suisse, en plongeant ses gants dans les entrailles nauséabondes de la FIFA, a forcé sa Commission d’Ethique à écarter le triple Ballon d’Or des jeux du pouvoir. Non, ce n’est pas Blatter, se sentant acculé, vieux ragot au ferme, qui aura voulu que son héritier présomptif l’accompagne dans sa chute.
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Sepp Blatter et Michel Platini

Crédit: Eurosport

Le microcosme franco-français n’aide pas celui qui fut son magnifique porte-drapeau

Il a voulu lui faire mal, lui faire du mal, personne n’en doute. Mais Blatter n’avait aucun pouvoir dans ce cas précis. Ce qui ne s’applique pas à Michael Lauber, procureur général - élu - de la Confédération Helvétique, qui a fait du héros vaincu de Séville et du triomphateur de 1984 "entre un témoin et un accusé" dans l’affaire du paiement "déloyal" de deux millions de francs suisses au début de 2011, soit neuf ans après que le membre du comité d’organisation de France 1998 avait cessé d’être le conseiller privé, et favori, de Sepp Blatter.
Vous en avez déjà tellement lu sur l’affaire. Comment la FIFA n’avait pas les moyens de payer le "solde" dû à l’agent très spécial de son président, ce qui est faux. Les comptes de l’instance font état de bénéfices plus que conséquents à l’époque. Comment ce "solde" n’avait pas fait l’objet d’un contrat écrit, mais tout au mieux d’un accord verbal que la FIFA n’avait aucune raison légale de respecter. Les textes sont formels : il y a "prescription" au bout de cinq ans; des "contrats" de ce type deviennent nuls et non avenus après ce délai; or neuf ans se sont écoulés entre la fin de la mission pour "de prétendus services" de Platini et la facture qu’il finit par présenter. La présomption d’innocence doit primer, en cette occasion comme à toute autre, évidemment. Mais là n’est pas la question. La question est que le microcosme franco-français, en resserrant les rangs autour de son idole, n’aide certainement pas celui qui fut son magnifique porte-drapeau. Que défendent-elles vraiment, ces huiles ? Platini, ou elles-mêmes ?
Samedi, on apprenait que la FFF allait déposer un recours auprès du Tribunal Arbitral du Sport, afin d’annuler la suspension provisoire du président de l’UEFA. Sauf que déposer ce recours était impossible, en ce qu’il fallait d’abord passer devant la Commission de Recours de la FIFA, présidée par le Bermudien Larry Mussenden. Qui avait vérifié ce point de procédure ? Personne, apparemment, ce qui en dit long sur le désarroi des coteries qui veillent sur le football français, ou veillent d’abord sur elles-mêmes, c’est selon. Et paniquent à l’idée de voir l’édifice qu’elles ont contribué à édifier et à maintenir en place s’écrouler sous les coups de boutoir de la justice. On perd vite la tête quand on est assiégé et que les vivres s’épuisent.
Et certains prennent déjà leurs distances, à deux jours d’une réunion du Comité Exécutif de l’UEFA au cours de laquelle le sort de Michel Platini pourrait être scellé. Le Danois Allan Hansen - membre de ce Comité Exécutif - y est allé franco. Si ce fameux "contrat" n’apparait pas dans les comptes de la FIFA, "nous ne pouvons plus soutenir [Platini]", a-t-il déclaré au journal Ekstra Bladet. Le président de la fédération danoise Jesper Moller a renchéri: "je suis profondément sceptique, et continuerai de l’être, même si on nous donne une bonne explication jeudi. Le montant, à lui seul, nous indique que quelque chose cloche. Il est également évident que nous ne pouvons pas voter pour un homme qui a été suspendu".

Un océan d’hypothèses

C’est tout un système qui est en passe de tomber, pas seulement quelques hommes qui auront essayé de le contrôler et de le manipuler pour servir leurs ambitions. Chung, le Coréen, a écopé d’un bannissement de six ans. Jérôme Valcke, secrétaire-général de la FIFA, embringué dans une histoire plus que louche de revente de billets pour le Mondial 2014, est désormais hors-jeu. L’horrible Worawi Makudi, ex-membre du Comité exécutif, partisan de la candidature de Qatar 2022, a été suspendu à titre provisoire ce 12 octobre.
Ne vous accrochez plus aux branches, messieurs, l’arbre est tombé, corrompu de l’intérieur. Ce système qui, le 2 décembre 2010, avait décidé que les Qataris accueilleraient la Coupe du monde 2022, contre toute logique, contre toute raison, mise à part la raison d’état, que Michel Platini était bien le seul à pouvoir invoquer, après avoir été mis sous pression par son président (de la République, celui-là) et ami Nicolas Sarkozy. L’idée que ce paiement de 2 millions de francs suisses soit lié à son revirement, lui qui avait promis sa voix aux USA, est absurde, au passage. Et diffamatoire. Blatter ne voulait pas d’un Mondial disputé dans le Golfe, en quelque saison que ce soit, d’ailleurs. Suggérer autrement est honteux.
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FIFA

Crédit: Eurosport

Que Platini ait abandonné l’idée de se présenter à l’élection présidentielle de la FIFA en 2011, ainsi que celle de soutenir le "rebelle" Mohammed bin Hammam, est beaucoup plus troublant. Mais là encore, nous naviguons à vue dans un océan d’hypothèses, et sans compas. Tenons-nous en aux faits, aux certitudes. Cessons de voir midi à nos portes quand il fait nuit. La FIFA a besoin d’une transfusion de sang neuf. Les Confédérations également, et peut-être surtout, ces associations bâtardes dont sont issus, à titre temporaire, Dieu merci, Issa Hayatou et Angel Maria Villar-Llona, de facto présidents de la FIFA et de l’UEFA après la suspension de leurs présidents. Ces deux-là coltinent suffisamment de casseroles à leurs redingotes pour cuisiner le banquet des 209 fédérations qui choisiront le successeur de Blatter le 26 février 2016, ou plus tard.
Mille mots, déjà. Il va falloir tourner la page. Quelle bonne idée !
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