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L'approche tactique de Pep Guardiola à City remise en cause ? Un faux débat

Bruno Constant

Mis à jour 26/10/2016 à 14:57 GMT+2

Dans la foulée de la défaite à Barcelone (0-4), et un peu plus encore après la cinquième rencontre sans victoire de Manchester City face à Southampton (1-1) le week-end dernier, la philosophie de jeu de Pep Guardiola a été questionnée, outre-Manche et un peu partout en Europe. Pourquoi devrait-il changer ?

Pep Guardiola - Manchester City

Crédit: AFP

Le pouvoir de fascination a une durée limitée. Soixante-huit jours exactement. Soit le temps écoulé entre le premier match de Pep Guardiola à la tête de Manchester City et sa défaite à Barcelone (0-4) en Ligue des champions, le 19 octobre dernier. Soit un peu plus de deux mois pour entendre un et même plusieurs journalistes britanniques - mais pas que - poser LA question à l'un des meilleurs techniciens de la planète : "Pep, devriez-vous changer votre approche tactique ?" Avouez qu'il fallait oser. Mais, après tout, pourquoi pas.
Une question, mauvaise ou arrogante, conduit parfois à une réponse intéressante. Le Catalan commença par pousser un énorme soupir. "J'y pense... puis je me dis que la solution n'est pas meilleure que ce dont en quoi je crois. Vous voulez savoir l'autre raison ? Parce qu'en sept ans, j'ai remporté vingt-et-un trophées. Je suis désolé les gars. Vingt-et-un trophées en sept années. Trois par an."
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Guardiola : "Désolé, mais j'ai gagné 21 titres en 7 ans"

Quatre rencontres sans victoire, et même cinq depuis la visite de Southampton (1-1) le week-end dernier, au bout d'une formidable série de dix victoires de rang toutes compétitions qui a envoûté tout le royaume et fait des Citizens le candidat désigné à l'unanimité au trône, suffiraient donc à tout remettre en question ? A cause d'une mauvaise série passagère ? A cause d'une claque sur la pelouse du Barça de Messi, Suarez et Neymar ? Un peu fort, vous ne trouvez pas ?
Manchester City ne sait plus gagner depuis cinq matches ? Ok. C'est la plus longue série de Guardiola depuis février 2009 ? Ok. Et alors ? City n'est-il pas toujours en tête du championnat d'Angleterre ? City n'est-il pas toujours en course pour une qualification en Ligue des champions dans un groupe où Barcelone était logiquement favori ? Le débat, s'il doit exister un jour, est aujourd'hui un faux débat. Et ce pour trois raisons.

1. Il est (beaucoup) trop tôt

Peut-on se poser cette question après seulement deux mois de compétitions au sujet d'un entraîneur qui vient d'arriver dans un nouveau club et un nouveau championnat ? Hormis José Mourinho à son arrivée à Chelsea en 2004, tous les entraîneurs étrangers ont eu besoin d'un temps d'adaptation à la Premier League. Encore aujourd'hui, Jürgen Klopp à Liverpool et Antonio Conte à Chelsea se disent surpris par le caractère imprévisible des rencontres anglaises jusqu'à la dernière seconde. Certains d'entre vous me reprocheront de défendre Guardiola et pas Mourinho. Mais Mourinho ne vient pas de débarquer en Angleterre. Mourinho connait la Premier League, et plutôt bien même depuis ses deux passages à Chelsea (2004-septembre 2007 et 2013-décembre 2015).
En y regardant de plus près, les cinq sorties sans victoire des Citizens ne sont pas toutes à mettre dans le même panier. Hormis la défaite à White Hart Lane face à Tottenham (0-2), Manchester City a toujours dominé ses adversaires. Et je dis bien tous. Même Barcelone. Ça peut paraître présomptueux. Mais ceux qui ont regardé la rencontre en intégralité, et pas simplement les highlights, ont vu une équipe anglaise poser d'énormes difficultés aux Catalans en première période et en début de seconde.
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Pep Guardiola, lors de la défaite de Manchester City au Camp Nou, face au Barça.

Crédit: AFP

La soirée a basculé sur deux faits de jeu majeurs : une glissade de Fernandinho dont a profité Lionel Messi et l'expulsion de son gardien Claudio Bravo après une énorme erreur de relance de ce dernier. Mais la principale différence entre les deux équipes avait un nom : Messi. L'un des trois ou quatre meilleurs joueurs de tous les temps dont le talent changerait littéralement la face de toute équipe. Au lendemain de la rencontre, même le Daily Mail, qui n'a pas l'habitude de prendre de gants dans ses analyses, reconnaissait le tour de force réalisé par les Citizens : "C'est peut-être étrange mais la performance de Manchester City était l'une des meilleures que vous verrez et qui finit par une raclée 4-0."

2. Manchester City n'est ni Barcelone ni le Bayern

A Barcelone, Guardiola connaissait chaque recoin du club après y avoir passé vingt-deux ans comme joueur puis entraîneur et dont il a révolutionné le jeu. A Munich, tout juste sacré champion d'Europe à son arrivée en 2013, l'organisation et la puissance financière du club allemand lui offraient une domination sans partage en Bundesliga. Deux ogres, deux "historiques" de l'échiquier européen - avec le Real Madrid, la Juventus, l'AC Milan, Liverpool - à la tradition et l'identité bien établies. A côté, Manchester City fait encore office de "petit club". Un nouveau riche qui tente de se faire une place à la table des grands sans l'expérience ni le poids du glorieux passé de ces derniers.
En débarquant dans le nord de l'Angleterre, Guardiola a découvert un club qui venait de mettre plus de quarante ans pour reconquérir le titre sur ses terres (2012, 2014 après 1968) et qui n'a atteint le dernier carré de la Ligue des champions qu'une seule fois dans son histoire, en... avril dernier. Un club dont il est en train d'inculquer une nouvelle identité de jeu et dans une ligue où la volonté de repartir de derrière depuis le gardien est un véritable choc culturel. En Angleterre, un gardien doit être grand et se faire respecter dans une surface où ils sont bombardés de centres, ne sont pas protégés par les arbitres et ne sortent que très rarement sur les ballons aériens.
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La joie de Sergio Agüero face à Swansea

Crédit: Panoramic

A Barcelone, Guardiola a révolutionné le jeu catalan et créé un monstre. A Munich, il a été accusé de dénaturer l'identité du jeu bavarois, plus directe. A Manchester, il doit écrire une nouvelle page. Il serait faux, néanmoins, de dire que Guardiola part d'une page blanche. Il y a quelques années déjà que les dirigeants mancuniens rêvent de reproduire ce qui a fait le succès et la réputation de Barcelone, depuis l'arrivée de deux autres anciens blaugranas, Txiki Begiristain et Ferran Soriano, en 2012 et la mise en place d'un recrutement très hispanophone (Silva, Agüero, Zabaleta, Navas, Otamendi et bien sûr Pellegrini). Mais la mission de Guardiola est la plus difficile : faire de City est un prétendant sérieux en Ligue des champions.

3. Défendre les créateurs

Après Barcelone, l'ancien Red Devil Roy Keane, dont les brèves expériences de manager principal à Sunderland (2006-2008) et Ipswich Town (2009-2011) parlent pour lui, avait qualifié l'approche de Guardiola de "courageuse mais stupide". Comme lui, beaucoup ont vu dans cette défaite une réminiscence de son échec avec le Bayern Munich (0-3) lors de sa précédente visite au Camp Nou en 2015. Son approche pour battre Barcelone chez lui n'est peut-être pas la bonne, certes. Peut-être devrait-il s'inspirer de l'Atletico Madrid de Simeone (2014 et 2016), du Chelsea de Di Matteo (2012) ou de l'Inter Milan de Mourinho (2010) qui consistaient ou consiste encore principalement à réduire les espaces avec un bloc bas. Mais peut-être aussi qu'il n'y pas qu'une seule manière de battre Barcelone. Peut-être aussi qu'on n'a pas envie de voir autre chose que des équipes qui défendent à dix devant leur but.
Je défendrai toujours ceux qui créent à ceux qui détruisent, ceux qui prennent des initiatives à ceux qui sont attentistes, ceux qui jouent à ceux qui cherchent à faire déjouer leur adversaire, ceux qui attaquent à ceux qui se contentent de défendre. Personne ne dit - et moi le premier - qu'il est facile de défendre. Mais il sera toujours plus difficile de faire gagner une équipe en attaquant, en produisant du jeu, du mouvement, des décalages et plus encore en restant fidèle à une identité de jeu. C'est sans doute risqué, suicidaire pour certains, mais c'est exaltant et beau à voir.
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Pep Guardiola, new coach of Manchester City and Bayern Munichs Thiago

Crédit: Imago

En ça, Barcelone reste le plus beau modèle du football mondial à travers les âges et les époques, de Romario à Ronaldo, de Ronaldinho à Messi. Ce sont ces équipes qui nous ont fait rêver petit, celles qui ravivent nos souvenirs. Quel a été le meilleur match de Ligue des champions la saison passée ? Peu d'entre vous me contrediront si je dis la double confrontation entre la Juve et le Bayern (2-2, 4-2). Une opposition de style et une empoignade formidable.
Après la défaite des Citizens à Tottenham (0-2), j'ai discuté avec Hugo Lloris. Malgré le succès des siens, le gardien français était en admiration devant la philosophie de jeu des Mancuniens, celle de continuer à repartir de derrière, au sol, depuis leur gardien, malgré le pressing très haut et agressif des siens. C'est ce qui s'appelle vivre et mourir avec ses idées. A la question qui lui était posée, Guardiola a conclu : "Jusqu'au dernier jour de ma carrière (d'entraîneur), je ne changerai pas ma philosophie."
C'est dans ce climat que s'avance le Catalan vers son second Manchester derby en quarante-sept jours, ce mercredi à Old Trafford. Et la dimension des retrouvailles entre son équipe et le United de Mourinho va bien au-delà d'un simple huitième de League Cup. Si une élimination allongerait la mauvaise série des Citizens et renforcerait les questions autour de l'Espagnol, elle serait, néanmoins, beaucoup moins dramatique que pour le Portugais après sa débâcle à Chelsea (0-4).
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Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1, Rfi et i-Télé en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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