La Liga, un peu déprimante

Pour la première fois depuis des lustres, on s’ennuie un peu en Liga. Les cotillons et le cava (le champagne espagnol) de l’Euro sont déjà bien dissipés. La crise économique locale et les coupes sombres dans les budgets se font chaque jour plus ressentir. Et même le foot, qui servait jusque-là antidépresseur à la population, tombe dans la sinistrose.

Un exemple qui en dit (très) long : les "Une" des journaux. Depuis une semaine, Sport et Mundo Deportivo - quotidiens de Barcelone - font leur première page sur… Javi Martinez (Bilbao). Un excellent joueur mais :

1- Il ne viendra pas, sauf miracle

2- Il n’est pas proprement parler l’homme qui fait remplir les stades, ni rêver les socios.

Quand ils ne sont pas attachés à décrypter les moindres gestes du Basque, les deux quotidiens catalans se torturent l’esprit pour remplir les pages. Un jour, c’est le mariage d’Iniesta. L’autre, c’est la possibilité de voir Gerard Deulofeu (qui ça ?) d’intégrer l’équipe première.

Du côté de Madrid, c’est à peine mieux. Certes, il y a Luka Modric, qui fait saliver les supporters en manque de biscuits. Mais en attendant l’arrivée du Croate, les fans du Real se tapent tous les matins "Iker, Ballon d’Or" ou la déclaration d’amour de Jese…. attaquant du Real Madrid B, à son club formateur. Plus de "Agüero, ça brûle" ou "Thiago Silva : le Barça est mon club de rêve" pour faire exploser les ventes. Deulofeu et Jese.

La réalité, c’est que tous les clubs se serrent la ceinture.

Le plus gros mouvement jusqu’à présent ? Jordi Alba, de Valence à Barcelone pour 14 millions d’euros. Plus inquiétant : seules six équipes ont réalisé des transferts jusqu’à présent. L’Athletic Bilbao (pour 2,5 millions), Seville (4,7), La Real Sociedad (5), Valence (6,1), Grenade (5M, merci l’Udinese) et donc Barcelone. Le reste : joueurs gratuits et prêts. Les clubs espagnols, qui ont dépensé sans compter pendant des années, ont du mal à se faire à la rigueur. La plupart ont des arriérés de salaire terribles. Même le Real Madrid compte ses sous : il y a deux ans, à la même date, Modric serait déjà madrilène, tout comme l’Intériste Maicon…

Cette morosité ambiante n’aide forcément pas les clubs. Victime de sa réputation de mauvais payeur et de sa faible économie, la Liga attire moins de joueurs étrangers. Un agent me disait qu’Osasuna avait fait une offre pour un de ses joueurs, qui évolue à Valenciennes. Offre refusée par le joueur.

Osasuna, ça peut prêter à sourire maintenant. Mais il y a encore trois ans, la moitié des joueurs de Ligue 1 seraient venus dans ce type de clubs (comme Plasil, en son temps). Simplement, là, il y a une famille à entretenir, un projet sportif pas forcément emballant et la sensation que ce n’est pas prêt de s’arranger…

Voilà, cette pré-saison en Liga n’est pas très emballante. Les joueurs ont repris dans un quasi anonymat, loin du public et des yeux indiscrets. Tous les champions d’Europe sont encore en vacances. Un éditorialiste du Barça disait il y a deux jours que "cette intersaison, sans recrues star à présenter, avec la moitié des effectifs disponibles, sans public donc sans joie, manque cruellement de quelque chose. De sourires, d’excitation, de joie d’en découdre avec la terre entière. Là, c’est comme si on avait ouvert les yeux après avoir longtemps rêvé." Un peu dépressif, mais pas si loin de la réalité. Heureusement, en Liga, il reste ça : le jeu. Le beau jeu. Celui que les Espagnols ont dans leur ADN et qui font d’eux les Brésiliens d’Europe. Cette année, l’emballage sera sûrement moins beau, mais le contenu restera le même. En revanche, j’ai très peur pour la saison prochaine.