Loin de Manchester United, Bebé a bien grandi

La carrière de Bebé devait se dérouler comme dans un joli petit conte de fée. Elle vira à une affaire de grands comptes. A l’été 2010, Manchester United annonce l’arrivée de Tiago Manuel Dias Correia. Cet attaquant anonyme est arraché au Vitória de Guimarães pour près de 9 millions d’euros. "Bebé", c’est ainsi que le surnommait son grand frère, n’a pourtant disputé qu’une demi-douzaine de rencontres de présaison avec le club du Minho. Son expérience du haut niveau se résume alors au néant. Mais Carlos Queiroz et Jorge Mendes réussissent à convaincre Sir Alex, qui confiera dans son autobiographie : "Nous avons vu Hazard mais nous avons recruté Bebé. Qui aurait pu dire que le pari n’allait marcher ?" Il était en tout cas osé.

Bebé, c'est une histoire pas comme les autres. Conditionnée par le dénuement de ses parents débarqués du Cap-Vert et qui le confient à un centre social (Casa do Gaiato) situé à Loures, l’un des quartiers pauvres de Lisbonne. Tiago a dix ans. Le ballon devient son meilleur ami. En 2009, il est invité à participer à un festival international de foot de rue, destinés aux plus démunis et aux sans-abris, en Bosnie. Il y enquille une quarantaine de buts et se fait repérer par l’Estrela da Amadora. Bebé semble être né sous une bonne étoile. Il bossera ses gammes à l’Estrela deux ans durant, en D3 (IIa b) avant d’effectuer le grand saut. "Trop tôt", il l’avoue lui-même. Bebé a grandi trop vite. A peine utilisé à ManU (7 matches avec l’équipe première, 2 buts en 2010/2011), il va traîner son imposante carcasse (1,90m, 82kg) au Besiktas (4 matches en 2011/2012) et au Rio Ave (2012/2013) où il sera prêté. Avant son boom : 2014 semble marque l’année de sa (re)naissance.

Avec 7 pions inscrits depuis le début de l’année civile (sur 11 matches), Bebé est actuellement le Portugais le plus prolifique dans son championnat après Cristiano Ronaldo (10 buts dont un penalty sur 11 matches) et Edinho (8 buts dont 2 penalties en 8 matches, en Turquie). En démoulant son "pastel" (gâteau typique de Bélem) au Belenenses le weekend-dernier (1-1), il est même devenu le meilleur réalisateur lusitanien de la Liga de cette saison (8 buts). Et ses œuvres sont réussies. La semaine précédente, il avait inscrit un doublé contre Arouca (3-1). Un succès importantissime en vue du maintien.

L’un de ses buts – il s’amène le ballon d’une aile de pigeon et enchaîne une volée sous la barre - a fait le tour du monde. Même Manchester United l’a relayé sur son site officiel. Selon Sir Alex, "avec ce qu’il a dans les pieds, Bebé pourrait marquer 20 buts par saison." Celui qui aura 24 ans en juillet prochain se met à fantasmer : "La Seleção, j’en rêve (…) Je vais bien terminer la saison et, ensuite ce sera à Paulo Bento de décider."

Pour son coéquipier Tony, peu de doutes : "Bento devrait l’emmener au Mondial. Nani n’a pas beaucoup joué et il faut profiter de son boom !" "Il a énormément progressé, poursuit l’ancien latéral du CFR Cluj. Il est bien physiquement et mentalement." "Vu le groupe du Portugal, il ne serait pas de trop", renchérit son coéquipier français Bédi Buval. Bebé est donc l’un des prétendants à une place dans un couloir. "Il joue toujours sur les ailes", précise le Franco-Portugais. Sa technique et surtout sa vitesse en font un contre-attaquant redoutable. Tony ose : "Il a des qualités qui ressemblent à celles de Cristiano Ronaldo." Comme un Quaresma à la relance en Liga (FC Porto) - et avec qui il partage le même agent -, il se verrait bien au Brésil. Les deux hommes se sont d’ailleurs côtoyés en Turquie. "Quaresma est un grand joueur. Il est un peu comme moi : foufou !", se marrait Tiago il y a quelques mois sur maisfutebol. Aujourd’hui à Paços, l’ancien Auxerrois Yonathan del Valle partageait déjà le vestiaire de Bebé au Rio Ave, la saison dernière : "Bebé a quelque-chose de spécial, tente d’expliquer le Vénézuélien. C’est un joueur différent." Son parcours l’atteste. Les chiffres aussi.

Avec ces stats et cette nouvelle notoriété – plus légitime - grandissante, Bebé tente d’effacer peu à peu l’étiquette d’arnaque à 9 millions d’euros qui lui a été collée il y a quatre ans. En ce jour d’août 2010, Jorge Mendes lui annonce qu’il décolle pour Old Trafford. Le président du Vitoria refuse de révéler le montant de la transaction mais assure qu’il s’agit d’un "record dans l’histoire du club". Un transfert à la va-vite. Flou. Soucieuse d’éclaircir les contours de cette affaire, la Police Judiciaire ouvrira une enquête deux ans plus tard. A cette époque, Bebé patauge. Bientôt, d’autres rumeurs s’ajoutent à son compte.

Le joueur tarderait à régler ses factures… Son inexpérience et sa candeur en font une proie facile. "C’est un mec tranquille, humble… peut-être même un peu trop !", assure Tony. Mendes active alors ses réseaux au Portugal et le cède à un Paços qualifié pour l’Europe. Costinha, l’un de ses hommes de confiance, vient d’être nommé entraîneur. Le début d’exercice est une cata. Les Castors ont raté le coach et leur saison. Mais Bebé va bientôt se réveiller, réanimé par la nomination de Jorge Costa. Ce samedi, il espère planter face au club qui a formé son idole, Figo, et auquel il dit s’identifier: le Sporting. "Je sens que j’ai la qualité pour jouer dans un grand club", clamait-il la semaine dernière. Sous contrat avec Manchester United jusqu’en 2015, Bebé, le tube de ce début d’année pourrait bien être l’une des affaires de l’été. "Manchester devrait lui donner sa chance. Il le mérite", conseille Buval. Le conte n’est pas encore bon mais la fin est encore loin…