Le Barça pour l'éternité

Cette fois, c'est clair, non? Avant le Clasico de printemps, la différence de quatre points au classement entre le FC Barcelone et le Real Madrid traduisait finalement bien mal ce qui séparent les deux équipes cette saison. Les chiffres ne rendaient pas compte du gouffre existant entre ce Barça enchanteur, l'un des plus brillants de l'histoire, et un Real certes plus beaucoup plus fringant ces dernières semaines, mais qui n'arrive pas à la cheville de son éternel rival. La démonstration catalane de samedi, et ce score surréaliste de 6-2 sur la pelouse des Merengue, n'a pas seulement tué tout suspense dans la Liga. Elle a traduit de manière concrète la différence entre une très grande et une bonne équipe.

Evidemment, à chaud, l'essentiel pour les Barcelonais était ces trois points acquis chez le dauphin. Ils étaient venus pour ça. "Nous avons fait un très, très grand pas vers le titre de champion. C'est un grand soir", souligne ainsi un Josep Guardiola aux anges. Avec sept longueurs d'avance à quatre journées de la fin, l'affaire est presque dans le sac. D'ailleurs, les Madrilènes ont sorti le mouchoir blanc après cette gifle monumentale. "Il faudrait qu'ils perdent trois fois, c'est de l'ordre de l'impossible ", confie Lassana Diarra. "Pour le titre, c'est fini, tranche de son côté Iker Casillas, qui a passé une de ses pires soirées à Santiago Bernabeu. De toute façon, le Barça mérite d'être champion cette année. Aujourd'hui (NDLR: samedi), on a perdu face à un rouleau compresseur. Il n'y avait rien à faire ce soir contre ce super Barça".

Casillas a raison. Plus encore que par ses résultats, Barcelone enchante par son jeu sans égal actuellement. C'est une vraie toile de maître que les Catalans ont dessiné à Bernabeu. Ils en arrivent presque à se bluffer eux-mêmes. "C'est vraiment incroyable, tout nous a réussi. Le jeu, les buts, impressionnant! Nous avons démontré pourquoi nous devons être champions ", note Lionel Messi, auteur d'un doublé, tout comme Thierry Henry. "On a fait ce qu'on essaye toujours de faire, explique l'attaquant français. Tout le monde attaque, tout le monde défend. Quand le groupe est comme cela, ce n'est pas évident de nous prendre ."

En l'occurrence, pas évident s'apparente à un euphémisme. Quand il évolue à ce degré de précision et de vitesse, le Barça est presque inarrêtable. Mais en vieux sage, Thierry Henry rappelle que, en dépit de cette belle soirée, tout reste à faire. "On est content mais on a toujours rien gagné", martèle l'ancien Gunner, limite rabat-joie quand même. Car Barcelone peut encore réussir un triplé semblable à celui de Manchester United il y a 10 ans. Finalistes de la Coupe du Roi, demi-finalistes de la Ligue des champions, leaders plus que solides de la Liga, les joueurs de Pep Guardiola sont en route pour une moisson historique.

Quand bien même, par la plus grande des inepties, il ne remporterait pas le moindre titre, ce Barça là est appelé à rester dans les mémoires. Un dicton absurde soutient que, dans le sport, on ne se souvient que des vainqueurs. Il n'y a rien de plus faux. La Hongrie de Puskas a perdu la finale de la Coupe du monde 1954 face à la RFA, mais elle a laissé une trace indélébile dans l'histoire du football. Bien plus que son bourreau. Idem pour les Pays-Bas de Cruyff 20 ans plus tard. Dans les livres, les palmarès, dans toute leur froideur, retiennent les vainqueurs. La mémoire, elle, n'oublie pas ceux qui ont donné du bonheur. Et ils sont tellement plus rares. Le Barça de Guardiola est de cette trempe. Quoi qu'il advienne d'ici la fin de la saison, on se souviendra donc de lui. Quelque chose nous dit que le Real aussi...