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Liga : Entre polémiques et rumeurs, Ronaldo reste en position de force

François-Miguel Boudet

Mis à jour 26/06/2017 à 14:36 GMT+2

LIGA - Visé par une enquête pour fraude fiscale, Cristiano Ronaldo, vexé, aurait menacé de quitter le Real Madrid et l’Espagne dès cet été. Entre le versement des sommes dues, les rumeurs de transfert au PSG et les enjeux financiers qu’il suscite, le Portugais est définitivement un cas particulier.

Cristiano Ronaldo

Crédit: Getty Images

La Rumeur avec un R majuscule n’est pas qu’un groupe de hip-hop (majuscule lui aussi). La Rumeur est aussi le principal activateur des éoliennes du mercato. Cristiano Ronaldo n’a pas parlé publiquement mais la Rumeur lui prête des propos tenus auprès de ses coéquipiers de la Selecçao au début de la Coupe des Confédérations. Mieux que le Bescherelle, la presse sportive portugaise (A Bola) et espagnole (Marca) nous font réviser le conditionnel.
Donc : Ronaldo aurait dit qu’il pourrait partir du Real Madrid à la suite de l’enquête menée par la Fiscalía pour une fraude "consciente et volontaire" d’après les termes du juge fiscal espagnol et qui porte sur la période 2011-2014. Comme souvent, le PSG est cité parmi les potentiels clubs intéressés. La Rumeur vend du papier et des plans sur la comète mais sans les coordonnées GPS. Ronaldo le sait et il en profite, comme n’importe quel joueur de son standing.

House of credit cards

Présomption d’innocence, soit. Néanmoins, Ronaldo doit 14.7 millions d’euros au fisc espagnol. Après avoir refusé de payer, considérant qu’un tel versement constituerait un aveu de culpabilité, il réglera finalement la somme avant d’être entendu le 31 juillet prochain, afin d’attester de sa bonne foi et éviter une peine de prison. Cela dit, sa ligne de défense est mise à mal par les révélations de Der Spiegel.
Le journal allemand, qui travaille avec El Mundo en Espagne sur le dossier des Football Leaks, affirme que des documents essentiels ont été antidatés, dans le but de rendre la création d’une société offshore antérieure à son transfert de Manchester United au Real Madrid, le Royaume-Uni ne considérant pas les Îles Vierges britanniques, un territoire ultra-marin, comme un paradis fiscal.
Qu’il soit de bonne foi ou pas, les agissements du clan Ronaldo, complexes à détailler, sont illégaux. Il n’est ni le premier ni le dernier joueur de Liga à avoir maille à partir avec le fisc espagnol. Cependant, le joueur se serait dit fâché avec l’Espagne et le Real Madrid. Il n’y est pas allé frontalement, évidemment. En fait, il a voulu tester le Real Madrid, et plus précisément Florentino Pérez. Avec un contrat jusqu’en 2021 et une clause de rescision de… mille millions d’euros, s’offrir Ronaldo est inaccessible. Mais l’espoir fait vivre et vendre du papier. Accessoirement, ce bel os à ronger permet au PSG de travailler dans le feutré, pour reprendre l’expression de Venec dans Kaamelott.
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Cristiano Ronaldo et Florentino Perez en novembre 2016, après la signature du nouveau contrat du joueur portugais.

Crédit: Getty Images

Chantage-lobby

Les choses sont vites revenues dans l’ordre à la Maison Blanche sitôt la réélection de Pérez actée (il était seul candidat à sa succession). FloPer a donc attendu la fin de la campagne pour publiquement afficher son soutien à son étoile dans les colonnes du quotidien ABC : "C’est démagogique de dire qu’en Espagne, les footballeurs ne paient pas. Ce n’est pas vrai. Pour la déclaration fiscale d’un joueur d’une ampleur planétaire comme la sienne, il y a des interprétations. L’imputation des revenus n’est pas toujours la même. On ne peut pas traiter comme un délinquant une personne qui a laissé sa vie pour promouvoir le football en Espagne. Je comprends qu’il soit fâché." Évidemment, CR7 ne l’aurait pas mauvaise contre le fisc mais bien contre "certains médias de communication". La ficelle est toujours aussi grosse mais reste efficace.
Pour autant, la pilule a bien du mal à passer. Dans les colonnes d’El País, Manuel Jabois s’emporte, d’autant qu’il s’agit d’une fraude millionnaire : "Ce serait bien de mettre les choses en perspective : si Ronaldo s’estime innocent, il ferait mieux de se défendre devant les tribunaux, avec ceux qui l’ont mis dans cette situation, plutôt qu’en menaçant de quitter l’Espagne, comme si l’Angleterre ou la France allaient lui promettre une immunité fiscale."
Ringling Bros. And Barnum & Bailey Circus est le nom que portait feu le plus grand cirque du monde. Trois pistes sous son chapiteau géant. Toujours un numéro à voir. Le nom Barnum est d’ailleurs passé dans le langage commun. Là aussi, "l’affaire" Ronaldo s’agite sur trois pistes.
Tout d’abord, en ce qui concerne les velléités de départ du Portugais, Juan Tallón d’El País résume le schéma classique du joueur qui veut renégocier à la hausse : "Dire ‘je m’en vais’ ne t’oblige pas à partir. Simplement, tu suggères que tu peux le faire. Ce n’est pas la première fois que Cristiano insinue qu’il part du Real Madrid avant de rester. Parfois, la détermination est grande. Tu dis que tu pars et, oui, tu pars. Qui n’a jamais rêvé de se lever tôt un matin et d’annoncer ‘Je m’en vais. Salut. Allez vous faire voir’ ? Quelques adolescents fuient ainsi de chez eux. Ils font leur baluchon, enjambent leur bicyclette et après quelques kilomètres, face à une route immense, font demi-tour juste à temps pour revenir dîner à la maison. Et il n’y a même pas besoin d’être un ado. Voici quelques semaines, Griezmann est parti sans partir. Sa valise était prête. Quelques jours plus tard, le club a renouvelé son contrat. En certaines occasions, ‘je m’en vais’ est utilisé comme une métaphore de ‘aimez-moi’ ou ‘payez-moi’, expressions à la fois très brèves mais significatives."
Un comportement cupide mais qui est néanmoins accepté, voire défendu par les supporters eux-mêmes ! "L’erreur, c’est d’extrapoler ses problèmes à une cause, celle du Madridisme, et vouloir tous nous embarquer dans une défense populaire comme l’a fait le FC Barcelone avec Messi et dont le résultat fut la campagne ‘Yo soy Messi’, c’est-à-dire utiliser son image idyllique de footballeur pour blanchir son image écornée de citoyen. Quel besoin ?"

Tolérer l’intolérable… jusqu’à quand ?

Au-delà du cas personnel de Ronaldo, c’est aussi le fonctionnement de la Gestifute de Mendes qui est mis en lumière. Autrement dit, de l’entreprise numéro un dans le business du football : deux cents joueurs sous contrat, une participation active dans la politique de recrutement des clubs les plus huppés d’Europe (Real Madrid, Atlético de Madrid, Manchester United, Paris SG, Monaco) et un rôle d’intermédiaire entre des clubs et des millionnaires russe (AS Monaco), singapourien (Valencia CF) et chinois (Wolverhampton ; son premier client, Nuno Espirito Santo, vient d’ailleurs d’y être nommé coach).
Des sociétés écrans dans des paradis fiscaux pour dissimuler les bénéfices et échapper à la fiscalité locale, c’est intolérable. L’UEFA et la FIFA pourraient bien sévir mais vu qu’elles-mêmes bénéficient d’avantages fiscaux tout aussi scandaleux dans les organisations de compétitions… Et finalement, c’est Florentino Pérez lui-même qui opère le grand ménage puisqu’avec les départs de Coentrao, Pepe et probablement James, Ronaldo a de fortes chances d’être le seul joueur étiqueté Mendes pour la saison 2017-2018.
Car ce n’est pas la première fois qu’un joueur de la puissante Gestifute est au centre d’une affaire de fraude fiscale en Espagne. Coentrao, Pepe, Carvalho, Mourinho, Di María et Falcao ont également été visé. Mais promis, il n’y a pas de système Mendes en la matière !
Et si c’était tout ce remue-ménage qui avait refroidi Kylian Mbappé, LE joueur bankable du moment, de confier ses intérêts à Mendes, rembarré catégoriquement par le père de la pépite monégasque ?

L’assurance survie de la Liga

Enfin, l’inénarrable Javier Tebas, le président de la Ligue Professionnelle, s’est également prononcé, exonérant (sic) Ronaldo. Tebas est certes Madridiste mais sa déclaration dépasse ce cadre partisan. Ronaldo, c’est la tête de gondole de la Liga en Asie. 90% de ses followers ne proviennent pas d’Espagne et ce n’est pas un hasard si CR7 a vendu la moitié de ses droits d’image au Singapourien Peter Lim.
Le championnat se vend mal en Espagne et réalise des recettes plus importantes à l’étranger. Le Portugais est une figure marketing plus importante que Messi et le duel qu’il livre à l’Argentin est une exposition indispensable pour diffuser du football espagnol dans le monde. La Liga à l’étranger, c’est Real Madrid v. Barça mais c’est aussi (surtout ?) Ronaldo v. Messi. Perdre le Portugais c’est perdre en visibilité et Tebas n’en veut pas alors que l’appel d’offre d’achats des droits TV démarrera en 2018-2019.
En 2015, il déclarait : "Nous parions sur le fait que, dans quatre ans, les 1.663 millions d’euros annuels que nous touchons grâce aux droits TV se transforment en 2.300 millions. Quand tu vas en Asie, on te montre les audiences et si tu ne prends pas soin de ce marché, tu ne peux pas améliorer les contrats."
Quand la presse a fait ses gros titres avec l’affaire Ronaldo, le Real Madrid a demandé aux media de ne pas faire apparaître le Portugais avec le maillot merengue. C’était dans son intérêt mais aussi dans celui de la Liga. Contrairement aux apparences, c’est bien Cristiano Ronaldo qui est en position de force.
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Cristiano Ronaldo (Real Madrid)

Crédit: Getty Images

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