Aux racines du LOSC (1/2)

"Dans ses premières années, c'était le club phare du football français. A l'époque, il n'y avait que le football qui comptait. Il faut dire que l'on sortait d'une période de guerre. Il n'y avait pas tellement de divertissements. Le LOSC dominait le championnat. Ils remportent deux titres en 1946 et 1956, dont un doublé (1946), ils sont cinq fois deuxièmes, une fois troisièmes et deux fois quatrièmes. Et quand ils terminaient à la deuxième place, c'était souvent à un point ou à la différence de buts. Il y avait un nombre incroyable d'internationaux et beaucoup de joueurs originaires de la région. Des gens comme Marceau Somerlinck ou Jean Baratte feraient fortune aujourd'hui. Malheureusement, à l'époque, ils terminaient tous propriétaires de cafés. Ils ne gagnaient pas leur vie avec le football. Pour le coup, ils jouaient vraiment pour le maillot.

Lille était la plaque-tournante du football à cette époque. C'étaient eux les maîtres, aussi bien en championnat qu'en Coupe de France. En dix ans, ils ont disputé sept finales de Coupe dont cinq consécutives entre 1945 et 1949. Et même une demi-finale en 1952. D'ailleurs, lorsque les supporters prenaient leurs abonnements en début de saison, ils achetaient tout de suite leur place pour la finale. C'était devenu une habitude. Il y avait seulement notre bête noire qui était le Racing Club de Paris. Ils nous ont battus deux fois en 1945 et 1949 et une fois en 1939 sous le nom d'Olympique Lillois. Le palmarès du club vient de ces années-là. Après, ce seront les vaches maigres."

"Cette période de succès a duré dix ans. Ensuite, il y a eu une cassure. C'est comme Reims. C'est bizarre, ce sont des équipes qui dominent le football mais la génération se termine et plus rien ne va. Tout s'est arrêté pratiquement d'un seul coup. En 1955, on joue la finale de la Coupe de France et on la gagne. La semaine suivante, on joue les barrages contre Rennes. On risque de descendre et on se sauve. Mais l'année suivante, il n'y a pas de pardon. On est à nouveau barragistes et Valenciennes nous envoie en seconde division. A partir de ce moment, on a commencé à faire l'ascenseur entre la première et la deuxième division. Le président Louis Henno, qui était en place depuis la création du club, s'est cru supérieur en raison des excellents résultats. Il y a aussi eu des mauvais recrutements qui ont affaibli l'équipe. D'ailleurs, lorsque l'on descend en deuxième division, beaucoup de joueurs s'en vont comme Jean Vincent (à Reims en 1956, ndlr). On a perdu du monde.

Et en 1954, il y a eu l'affaire József Zakarias, un membre du "Onze d'Or hongrois" finaliste de la Coupe du monde 1954. Le LOSC a cru faire une belle affaire mais n'avait pas vérifié l'identité du joueur (il s'agissait en réalité d'un ancien légionnaire tchécoslovaque récemment revenu d’Indochine, ndlr). Là encore, le président s'est cru au-dessus des autres et ne s'est pas renseigné. Le gars ne savait même pas lacer ses chaussures... Le déclin est aussi venu d'une histoire d'argent. Une bêtise. On avait un super demi-centre qui s'appelait Cor van der Hart, un international hollandais. Il avait gagné la Coupe de France en 1953 puis a remporté le championnat en 1954. Il a alors demandé une augmentation mais on lui a refusé. Donc il s'est dit : 'je ne resigne pas'. Au club, on s'est dit qu'il allait finalement revenir mais il n'est jamais revenu. Beaucoup d'anciens disent que c'est le début et la cause du déclin."

Mémoire vivante du LOSC, Jacques Verhaeghe a publié plusieurs ouvrages sur le sujet, notamment "Lille Olympique Sporting Club : 1944-2004, le soixantenaire", publié en 2004 en collaboration avec Paul Hurseau aux éditions Alan Sutton.