"Il s'en va, c'est ça ?" : la démission de Bielsa vécue de l'intérieur

Mené 1-0 par Caen, l'OM s'achemine vers une défaite inaugurale dans son stade Vélodrome. Il ne reste alors plus qu'une minute à jouer dans le temps réglementaire de la rencontre. Les supporters entonnent alors un vibrant hommage à... Marcelo Bielsa. Des deux virages descendent une assourdissante exclamation du peuple marseillais : "Bielsa, Bielsa, Bielsa" reprennent en cœur les fans olympiens. Ces derniers sont loin de se douter que la triste défaite face à Caen va se transformer en soirée cauchemardesque pour eux.

Moins d'un quart d'heure après la fin du match, Marcelo Bielsa apparait en conférence de presse. Le coach olympien n'a pas pour habitude de s'exprimer aussi vite. Et le protocole de la Ligue 1 désigne normalement l'entraîneur de l'équipe visiteuse pour parler en premier. Diego Reyes, le fidèle bras droit de Bielsa, est allé voir la responsable de presse de l'OM dès la fin de la rencontre. "Marcelo veut parler tout de suite, lui explique-t-il. Il ne veut pas attendre." Devant l'insistance du jeune Chilien, la préposée aux relations avec les médias donne priorité à son entraîneur.

Bielsa tend alors un document écrit au nouveau traducteur du coach argentin. Celui-ci saisit le document. Et il comprend tout de suite de quoi il s'agit. Le coach de l'OM lui demande alors s'il est capable de traduire rapidement le texte pour le lire en conférence de presse. Nicolas Faure répond par l'affirmative. Interloquée par le dialogue, l'attachée de presse du club olympien pose la question à l'interprète pour savoir ce qu'il y a sur sa feuille A4. "Il s'en va, c'est ça ?" demande-t-elle. Et Faure de répondre positivement en hochant la tête...

Commencent alors les questions des médias portant sur le premier match, raté, de l'OM. Bielsa ne cache qu'il est déçu de son équipe. Il regrette avant tout le grand nombre d'occasions manquées. "La semaine prochaine, nous allons travailler la finition devant le but", explique-t-il. Ce sera sa dernière réponse avant... l'annonce de sa démission. Deux minutes après s'être projeté sur son travail des jours à venir, Bielsa annonce qu'il ne continue pas l'aventure avec l'OM. "Je viens de donner ma lettre au président, décrit-il. Les joueurs ne sont pas encore au courant. Je leur parlerai après avoir rendu publique ma lettre."

Dès que Bielsa a commencé sa conférence de presse, Reyes est allé à la rencontre de Vincent Labrune. Il lui a remis en mains propres la missive. Le président de l'OM, extrêmement surpris, a lu la lettre avant d'aller dans les vestiaires des Olympiens. C'est lui qui a annoncé aux joueurs le départ de leur entraîneur. Abasourdis, les Phocéens sortent au compte-goutte... pendant que Bielsa continue d'expliquer les raisons de sa démission devant les journalistes.

Alors que l'entraîneur argentin souhaitait parler aux joueurs juste après son passage devant les journalistes, les Olympiens quittent tout de même les vestiaires. La responsable de presse voit ainsi Mendy venir parler à la presse. Elle se rapproche d'El Loco pour lui dire d'abréger son discours. Mais Bielsa continue son récit sur les causes de son départ sans se soucier de ce qui l'entoure.

Les scènes surréalistes se succèdent alors. Benjamin Mendy ne veut pas évoquer cette démission mais uniquement la défaite face à Caen (0-1). Michy Batshuayi sort en trombe sans répondre aux sollicitations de la presse. Seuls Steve Mandanda, en capitaine exemplaire devant la situation ubuesque, Romain Alessandrini et Florian Thauvin auront le courage d'affronter les micros.

Présents en tribunes pour assister à la rencontre face à Caen, Abou Diaby et Lassana Diarra quittent le Vélodrome. On essaie de leur arracher une réaction. Mais les deux compères ne détournent pas leur visage de la porte de sortie du stade... Nouveau venu également, Yohann Pelé, hébété, sort du vestiaire, passe devant les médias puis fait demi-tour et retourne dans les couloirs du Vélodrome. Plus personne ne sortira par la porte officielle. Bielsa a (enfin) terminé sa conférence de presse. Il s'explique maintenant devant les joueurs encore présents. Vincent Labrune, qui cherche toujours à comprendre les vraies raisons du départ de son coach, ne souhaite pas venir devant les médias. Le président de l'OM réagira très tard dans la nuit sur le site officiel du club.

Dans cette ambiance de chaos général, les journalistes encore présents en salle de presse se voient signifier qu'ils devront quitter l'enceinte à 1h du matin. Il ne reste alors que quinze minutes pour boucler les articles à envoyer aux rédactions. Devant l'insistance des rédacteurs, la sécurité repousse la deadline d'une demi-heure... Il s'est écoulé deux heures après l'annonce du départ de Bielsa. Et le temps semble s'être arrêté.

Les questions tournent autour des raisons qui ont pu pousser Bielsa à un tel acte de folie. Selon le coach argentin, c'est une modification du contrat intervenue mercredi qui l'a poussé à démissionner. Ce changement, qualifié de "broutille" par plusieurs membres haut placés de l'organigramme du club, a finalement rompu le lien de confiance entre l'entraîneur et sa direction. Les joueurs sont les victimes collatérales de cette décision. Tout comme les supporters qui auront bien du mal à se remettre de cette folle soirée qui a vu leur idole quitter le navire...