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Mercato - Scouting : pourquoi la Ligue 1 est à des années-lumière de ses voisins européens

Martin Mosnier

Mis à jour 25/06/2015 à 13:50 GMT+2

MERCATO - Le recrutement, ce n'est pas le point fort des clubs français. S'ils peuvent tenir la comparaison chez les jeunes avec leurs voisins, leur réussite est beaucoup plus fragile chez les joueurs professionnels. Voici pourquoi.

Scouts, un métier de l'ombre

Crédit: AFP

Ils s'appellent Samuel Eto'o, Miroslav Klose, Luis Suarez ou Robert Lewandowski. Tous ont failli atterrir en Ligue 1, dans l'ordre à Paris, Auxerre, Marseille et Lens, avant de devenir des stars mondiales et de ne plus rentrer dans les finances des clubs hexagonaux. La Ligue 1 les a ratés. Eux comme beaucoup d'autres. Les clubs français accusent un vrai retard sur leurs voisins concernant la détection des joueurs. Surtout chez les professionnels, moins chez les jeunes. Manque de moyens ou de reconnaissance, la L1 traite mal ses cellules de recrutement en règle générale.

Des effectifs très limités

A Porto, il y a près de 200 personnes dédiées au recrutement. A Liverpool, près d'une cinquantaine. En France, concernant le secteur professionnel, ils sont quatre si le club a décidé d'investir, deux en moyenne. La Ligue 1 n'a pas fait du scouting sa priorité. Et ce n'est pas qu'une question de budget puisqu'à Brighton, club de Championship (2e division anglaise), ils sont une grosse douzaine à sillonner le monde à la recherche de la perle rare. Les cellules de recrutement françaises sont beaucoup plus restreintes chez les professionnels. A quelques rares exceptions, Rennes, Lille ou Monaco, les effectifs pour recruter des joueurs professionnels ne dépassent pas, en moyenne, les deux salariés. Trois à Marseille et Paris. A Lyon, Florian Maurice doit se sentir bien seul.
"C'est un problème culturel", nous souffle un membre d'une cellule de recrutement d'un club français installé depuis longtemps en Ligue 1. "Les décideurs préfèrent mettre les moyens dans d'autres secteurs comme la communication." Les gros clubs anglais dédient, eux, 7 millions d'euros par an au scouting. "Le club n'a pas la structure nécessaire pour évaluer des joueurs qui ne jouent pas en France", dégainait Marcelo Bielsa en septembre dernier soulignant les carences de l'OM. En juin, en Nouvelle-Zélande pour la Coupe du monde U20, les scouts anglais, italiens, allemands ou encore portugais ont surveillé les meilleurs espoirs du football mondial. Un seul club français avait dépêché un émissaire : Monaco.
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Florian Maurice, recruteur de l'OL lors de l'arrivée de Gourcuff à Lyon en 2010

Crédit: Panoramic

Pas de scout "sur zone"

Les recruteurs français marchent avec des réseaux. Ceux qui les renseignent sont des anciens coéquipiers, des directeurs sportifs, des agents, des journalistes parfois. Ils ne sont pas salariés du club : "Le copinage fait beaucoup de mal au recrutement des clubs français, les agents sont plus influents que les recruteurs", nous souffle un scout d'un club français présent dans le top 10. Un système D qui n'a évidemment pas la même efficacité qu'un vrai réseau de scouts payés par le club et qui quadrille le monde comme dans la plupart des grands clubs européens.
A Liverpool, ils sont 55 à se répartir entre la section professionnelle et la détection des jeunes dans le monde entier. En Ligue 1, seul Monaco a mis en place un réseau dit "sur zone" de scouts. Rennes commence à s'y mettre. Les autres sont à des années-lumière d'une telle logique.

Des profils de scouts trop similaires

En France, les scouts sont très souvent d'anciens joueurs : Jérôme Bonnissel à Bordeaux, Jean-Philippe Durand à Marseille, Stéphane Pédron à Lorient ou Stéphane Carnot à Guingamp pour ne citer qu’eux. "C'est le principal problème des cellules de recrutement en France. Les scouts sont souvent des anciens joueurs, ça relève parfois de l'emploi fictif. Ces joueurs n'ont pas besoin d'argent et ne se défoncent pas pour trouver des perles", nous glisse un agent sous couvert d'anonymat. "Les clubs intègrent des anciens joueurs dans leur organigramme mais quels sont leurs réseaux ? Leur agent ? Et puis ?", s'interroge à voix haute Antonio Salamanca, scout pour Villarreal.
"A Tottenham, la personne qui a repéré Gareth Bale était un patron d'entreprise de cartes postales de 60 ans", se souvient Damien Comolli, ancien directeur sportif des Spurs. "Notre équipe de scouts était composée d'anciens joueurs mais aussi de traducteurs, de courtiers, etc. J'aimais varier les profils." Les clubs étrangers n'hésitent pas à donner leur chance à des autodidactes, des trentenaires formés à Football Manager et autres simulations de football aux bases de données infinies.
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Gareth Bale - Norwich City vs Tottenham - Premier League 2011/2012

Crédit: AFP

Des décideurs qui n'en font qu'à leur tête

C'est le cœur du problème. En Ligue 1, les clubs ont certes des cellules de recrutement, mais certaines manquent de poids dans la décision finale. "Les scouts français travaillent bien, ont de bonnes idées", nous raconte Gilles Grimandi, scout à Arsenal depuis douze ans. "Mais leur voix est beaucoup moins écoutée qu'ailleurs. La relation entre la cellule de recrutement et les décideurs fonctionne très mal." Même constat de l'autre côté des Pyrénées pour Salamanca qui a amené Areola à Villarreal la semaine dernière : "En France, les décideurs sont trop interventionnistes. On ne tient pas assez souvent compte des rapports des scouts. On manque de respect à leur travail.Ailleurs en Europe (Espagne et Angleterre entre autres), notre avis compte."
En France, les entraîneurs et les présidents ont tendance à n’en faire qu'à leur tête. A Saint-Etienne, c'est Christophe Galtier qui mène la danse lors du mercato, à Guingamp, c'est Jocelyn Gourvennec qui détient les clés. "Au Bayern, Guardiola délègue énormément à sa cellule de recrutement, si seulement la France pouvait s'en inspirer", témoigne un agent. Du côté de Marseille, la cellule de recrutement dirigée par Jean-Philippe Durand n'a qu'un poids mineur dans les transactions de l'OM, surtout depuis l'arrivée de Bielsa. Un exemple témoigne du travail souvent vain des scouts en Ligue 1 : à 17 ans, Cesar Azpilicueta figurait déjà sur les tablettes de l'OM qui a attendu trois saisons pour le recruter contre 7 millions d'euros…
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