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Le spray temporaire a-t-il mis fin à l'ère des tricheurs sur coups de pied arrêtés ?

Aymeric Le Gall

Mis à jour 11/01/2017 à 15:01 GMT+1

Depuis 2014/2015, les arbitres français disposent d'une arme pour lutter contre les fortes têtes qui prenaient un malin plaisir à défier leur autorité sur coups francs en grattant sans relâche le moindre centimètre. Le spray fait aujourd'hui partie du paysage footballistique français. C'est l'occasion pour nous de dresser un bilan de ce joujou arbitral.

Le spray des arbitres

Crédit: Panoramic

“C’est un outil très intéressant, simple à utiliser, performant et relativement peu couteux. Il aurait été dommage de s’en priver”, avoue d’emblée Fredy Fautrel, le nouveau retraité de l’arbitrage français. Mais s’il semble si pratique à tous points de vue, pourquoi diable la France a-t-elle tant tardé à le mettre en vigueur ? Réponse du nouveau membre de la Direction Technique de l’Arbitrage : “C’est un outil qu’on attendait, effectivement, mais pas depuis si longtemps que ça puisqu’avant d’arriver en France, cela faisait deux ou trois ans environ qu’il était utilisé dans les championnats sud-américains.”
Sur ce point, cher Monsieur Fautrel, on se doit de sortir le carton jaune. S’il est exact de dire que le spray est né en Amérique Latine, son utilisation systématique au Brésil et en Argentine remonte déjà à 2008. Six ans plus tard, donc, la France a fini par sauter le pas. Sur le plan pratique, l’arbitre aux 236 matches de Ligue 1 ne trouve rien à redire à propos de l’objet en lui-même: “Il nous a juste fallu un petit temps d’adaptation lors des premiers matches mais c’est tout. En plus cette saison le porte-spray a été amélioré, ce qui fait que le nouveau spray ‘ballote’ moins au niveau de la hanche. Au final, on oublie très vite qu’on le porte. Et puis on a tellement d’attirail aujourd’hui, entre le bip, la montre, les cartons, le crayon, les oreillettes et les drapeaux, on est devenu des micros-machines. Alors une chose de plus ou de moins…”
Stéphane Sessegnon (Montpellier)
Quand tu prends ta course d’élan et que tu vois que le mur grappille quelques centimètres, tu peux perdre un peu de ta concentration
Et si cette chose permet de mettre fin à la tyrannie des “filous” et d’éviter à tout le monde de perdre un temps fou à chaque coup-franc, que demande le peuple ? Car c’est bien de ça dont on parle. On a tous été agacé, en regardant un match, par un mur qui avance malgré les réprimandes de l’arbitre ou par un tireur qui veut sans cesse se rapprocher des cages. “C’est vrai que c’était chiant de voir le mur avancer en permanence, acquiesce Yannis Salibur, spécialiste guingampais en la matière. Le tireur de coups francs a besoin d’une grande concentration, il essaye de se mettre dans une petite bulle au moment de frapper. Quand tu prends ta course d’élan et que tu vois que le mur grappille quelques centimètres, tu peux perdre un peu de ta concentration”.
Pour Christophe Revel, l’entraîneur des gardiens du Stade Rennais, cette nouvelle mesure “avantage effectivement le tireur. La semaine on s’entraîne avec une distance réglementaire lors des séances de coups francs donc forcément si le week-end il vous manque 50 centimètres, ça peut jouer.” Fini donc le temps où les joueurs se dandinaient tels des manchots sur la banquise pour gagner le plus de distance possible. Cette technique était pourtant allègrement utilisée par toutes les équipes ; l’adjoint de Christian Gourcuff plaide coupable : “Oui, on a toujours fait ça (rires)! On disait à nos joueurs d’essayer de gratter un petit peu dès qu’ils le pouvaient. En compétition il faut avoir un peu de malice, ça fait aussi partie du job”.
Pas mal de petits filous
Les joueurs devront désormais se passer de cette coutume ancestrale et cela n’est pas pour déplaire à Fredy Fautrel. “C’était une forme de défiance. Il y avait souvent chez les joueurs cette volonté de tricher et à la longue ça peut irriter. On perdait de l’énergie à batailler pour ça et je pense qu’on a autre chose à faire sur un terrain de football que de gratter quelques centimètres.” Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’y a pas que les gardiens et leurs murs qui profitaient de cette faille. Baptiste Reynet, le portier dijonnais, considère en effet cette nouveauté sous un angle un peu différent : “Sur le coup, je me suis dit que c’était une bonne mesure car les tireurs de coups francs n’allaient plus pouvoir mettre le ballon là où ça les arrangeait. Et comme il y a pas mal de petits filous dans le championnat…”
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Le psray, nouveau meilleur ami des arbitres

Crédit: AFP

Un point de vue partagé par celui qui a arbitré son dernier match en décembre dernier, lors de Guingamp-PSG: “Le spray est intéressant pour faire respecter la distance entre le ballon et le mur, mais c’est aussi très pratique pour faire respecter l’endroit précis du coup-franc. Avant on voyait des tireurs qui grattaient des centimètres, voire des mètres, avant de se faire rattraper par la patrouille.” A l’arrivée, tout le monde semble donc se réjouir de la mise en pratique de ce nouvel outil imaginé par un footballeur amateur brésilien, devant sa télé, un soir de Brésil-Argentine lors des éliminatoires du Mondial 2002. Lassé de voir les secondes défiler gratuitement pour quelques centimètres de discorde, Heine Allemagne a eu une illumination en se rendant dans sa salle de bain et en s’aspergeant le bras de mousse à raser. Le remède était tout bête, mais encore fallait-il y penser.

Pas plus de coups francs inscrits…

Une interrogation subsiste cependant. La mise en vigueur de cette nouvelle arme anti-fraude est une chose, son respect par les 22 acteurs en culottes courtes en est une autre. Et contre toute attente, les joueurs ont l’air d’avoir parfaitement intégré l’idée et accepté le concept. “C’est incroyable hein, mais dès qu’on matérialise la chose, les joueurs respectent le règlement, ça n’a plus rien de virtuel, se réjouit Fredy Fautrel. Autant avec l’autorité de l’arbitre, qui n’est pas perceptible, il y a toujours cette notion de défiance, autant quand la chose est marquée, claire, précise, il n’y a plus de contestation possible. Il suffisait juste d’y penser !”
Les mentalités auraient donc rapidement changé et c’est tant mieux. Mais les statistiques dans tout ça ? Là en revanche, le bilan est plus contrasté. Le Mondial brésilien de 2014 n’a pas accouché de plus de buts sur coups francs directs que ses prédécesseurs et la Ligue 1 semble partie pour suivre le même chemin. La moyenne de coups francs directs ayant fait mouche sur une saison tourne toujours autour de 10% du total de buts inscrits. Et si en Argentine on assure que le taux de réussite sur coup franc s’est amélioré depuis 2008 avec l’instauration obligatoire du spray, l’AFA avoue cependant ne pas disposer de chiffres officiels. Mais le débat n’est pas là. Grâce au spray, les matches de football auront au moins été débarrassés d’un mal récurrent, celui des vaines embrouilles pour quelques centimètres de plus ou de moins. Amis roublards, amis grugeurs, pour vous c’est la fin.
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Fredy Fautrel

Crédit: AFP

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