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Formateur parmi les entraîneurs, Bielsa n’a besoin que de temps pour réussir : accordons-lui !

Ilyes Ramdani

Mis à jour 14/10/2017 à 14:25 GMT+2

LIGUE 1 – 18e du championnat, le LOSC de Marcelo Bielsa est l’objet de tous les scepticismes. Si lui et ses dirigeants ont pu commettre quelques erreurs, l’Argentin est dans les clous du projet qu’il s’est fixé. Monter un effectif jeune et le faire progresser pour installer Lille dans le top 5 français. Dans l'intérêt de la France du foot, laissons-lui le temps de travailler.

Marcelo Bielsa

Crédit: Getty Images

Déjà, les critiques pleuvent. Les mots d’un consultant vedette du PAF, Pierre Ménès, sur Canal+ : "Le mec est censé être un génie de la tactique, il fait n’importe quoi ! N’importe quoi !" Habib Beye, pourtant pas connu pour sa démesure, dénonçait la même semaine "l'incohérence tactique" du LOSC de Marcelo Bielsa. En conférence de presse, un journaliste de L’Equipe évoque l’hypothèse d’une démission. Dans la foulée, les talk-shows des chaînes sportives se demandent si Bielsa "passera bien l’hiver".
Et puis, il y a ces résultats, tangibles, incontestables, si décevants. Lille est dix-huitième de Ligue 1, avec une victoire seulement en sept matches, quatre buts marqués, onze encaissés. Sans compter quelques gifles, comme à Monaco (4-0) ou Strasbourg (3-0). Bref, Lille va mal, quelques mois seulement après son ambitieux rachat par Gérard Lopez. Pour autant, ceux qui souhaitent jeter le bébé avec l’eau du bain se trompent lourdement. Précisément parce que la France du football a tout à gagner à voir ledit bébé grandir.
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Marcelo Bielsa et Gérard Lopez face à la presse

Crédit: Getty Images

Il n’est pas question ici de défendre bec et ongles Marcelo Bielsa au nom d’une quelconque lubie pour l’entraîneur argentin. Mais il faut juger le plan du LOSC pour ce qu’il est : un projet sur le long terme. En France, ce n’est pas le cas partout. Ailleurs, à Guingamp, à Toulouse ou à Nantes par exemple, l’objectif est bien plus clair : maintenir le club dans une Ligue 1 de plus en plus concurrentielle, année après année, en s’auto-finançant par quelques plus-values sur le marché des transferts et en tentant, par-ci par-là, un parcours en coupe ou un exploit sportif à même de renforcer l’attractivité du club.

Faire grandir Lille, cette mission qui profitera à tout le foot français

La mission est difficile et il serait stupide de la mépriser. Mais c’est d’autre chose dont il s’agit à Lille. Marcelo Bielsa est dans le Nord pour faire grandir le LOSC. L’objectif est clair autant qu’il est ardu : faire passer le club dans une autre dimension, lui faire gravir des échelons sportifs année après année pour lui donner la place que ses propriétaires souhaitent le voir occuper. Pour la Ligue 1, c’est une aubaine. Après le PSG, Monaco, Nice, Marseille et d’autres, voilà un nouveau club ambitieux et conquérant. Tout bénef’ pour le football français.
C’est à cette aune qu’il faut juger l’Argentin. Il y a, bien sûr, dans sa fiche de poste une réalité économique : Lille doit valoriser des jeunes joueurs talentueux pour réaliser, sur les meilleurs d’entre eux, des plus-values en les revendant à de grands clubs européens. Mais l’horizon de Bielsa, lui, est sportif. Puisque le LOSC ne peut pas construire une grande équipe en s’offrant des stars façon PSG ou ASM, "El Loco" va la façonner lui-même. Acheter des jeunes joueurs à fort potentiel, les faire progresser, retoucher l’équipe à chaque fenêtre de transferts jusqu’à toucher du doigt les automatismes, la qualité et l’exigence souhaités.
Un coup d’œil aux statistiques de l’effectif lillois suffit à le démontrer. Malgré les résultats fluctuants, pour ne pas dire plus, Bielsa a maintenu sa confiance à la jeunesse. Anwar El Ghazi (22 ans), Luiz Araujo (21 ans), Mike Maignan (22 ans), Thiago Maia (20 ans), Yves Bissouma (21 ans)… Tous sont des titulaires lillois. Imad Faraj, 18 ans à peine, est entré trois fois en jeu en L1 cette saison et a même joué une mi-temps face à Monaco. Boubakary Soumaré et Benjamin Vérité, 18 ans eux aussi, ont tous les deux connu leurs premières convocations en pro ces dernières semaines.
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Anwar El Ghazi (Lille)

Crédit: Getty Images

Il regarde en vidéo les séances des catégories de jeunes

Cet été, lorsqu’un jeune joueur parfaitement inconnu du grand public est arrivé au LOSC, c’est lui et son staff qui l’ont accueilli en personne pour lui faire visiter le centre d’entraînement. Et l’Argentin de recevoir l’adolescent de 17 ans dans son bureau pour lui expliquer ce qu’il attendait de lui et comment il comptait le faire progresser. Depuis le début de la saison, Bielsa fait s’entraîner avec lui plusieurs fois par semaine des jeunes joueurs de la génération 2000 qu’il a personnellement choisis : Maxime Pau, Alexis Flips, Kader Keita…
Il faut entendre les jeunes Dogues raconter la "patte" Bielsa à Luchin. Les séances et les entraînements intégralement filmés qu’il regarde en boucle, y compris lorsqu’il souhaite voir comment travaillent les U17 ou les U19, les heures passées à observer les rencontres de l’équipe réserve en National 2, l’intensité mise dans le travail… L’Argentin a plus que l’approbation de son groupe, il a son admiration. Et personne ne remet en cause la voie qu’il a tracée, ce qui représente déjà une bonne partie de la réussite.
Encore plus qu’à Marseille, Bielsa a érigé les jeunes en axe central de son projet. Avec son aval, le club nordiste a recruté quatre… recruteurs rien que pour la région parisienne : des références dans leur domaine venues de Lens, Bordeaux, Dijon et Auxerre. Et déjà signé quelques jolis coups, comme la prise de Boubakary Soumaré au PSG ou celles de Kouadio-Yves Dabila et Chahreddine Boukholda à Monaco. Tous très jeunes et attirés à moindre coût, comme des paris sur le futur.

Bielsa ne demande qu’une chose à ses joueurs : de la patience

Là est la grande force de l’Argentin. Quand ses concurrents préparent le samedi qui suit, Bielsa prépare l’avenir. Quand les autres travaillent pour être performants aujourd’hui, lui pense à demain, voire à après-demain. Alors, bien sûr, tout cela ne se passe pas forcément comme prévu. Le recrutement a, semble-t-il, connu quelques ratés, la faute à une osmose pas toujours au rendez-vous avec Luis Campos et à une greffe pas simple entre Bielsa et l’environnement lillois.
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Marcelo Bielsa sur le banc du LOSC

Crédit: Getty Images

Mais qu’importe. A Lille, Bielsa a tout ce dont un entraîneur rêve. Des moyens pour travailler. Un potentiel de qualité. Et surtout : du temps. Le LOSC n’est pas l’OM et le public lillois, exigent mais connaisseur, saura sûrement le lui laisser. Parce qu’il connaît ces quelques règles élémentaires : il est bien plus rapide d’apprendre à une équipe à défendre plutôt qu’à attaquer. Et il est bien plus simple d’avoir des résultats immédiats avec des joueurs expérimentés qu’avec des jeunes footballeurs.
En refusant l’arrivée de joueurs plus vieux comme Bony, en écartant les anciens Enyeama ou Basa, en prônant un jeu engagé et offensif, Bielsa a pris un risque. Mais il a montré aussi à quel point il croyait en son projet : celui d’un formateur. D’un artiste, presque, si soucieux de sculpter son équipe à son image. Au vu du génie de l’intéressé, cela finira forcément par prendre.
Dans combien de temps ? Nul ne le sait. Ces dernières semaines, lors de ses discours du lundi matin, Bielsa dit souvent à ses joueurs qu’ils avancent dans le bon sens et qu’il n’est pas inquiet. Il ne leur demande qu’une chose : de la patience. Accordez-lui en autant qu’il faudra. Le résultat en vaudra probablement la chandelle.
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