Munich, 28 ans après Rome

28 ans. Cela faisait donc 28 ans qu'une finale de Ligue des champions ne s'était plus tenue sur la pelouse de l'un des deux protagonistes de ce sommet du football européen. Il y a dans cette longue parenthèse une part de hasard. Elle aurait pu se terminer plus tôt. Ces dernières années, certains clubs ont loupé le coche, comme le Real Madrid en 2010, Manchester United en 2003 ou l'AC Milan en 2001. Il y a aussi, bien sûr, les éditions où une finale à domicile est impossible, en raison du lieu choisi, comme le Stade de France (2000, 2006) ou Wembley (2011), qui ne sont l'antre d'aucune équipe.

Mais s'il a fallu attendre si longtemps, c'est aussi parce que la dernière finale maison s'était particulièrement mal passée. Rome, 30 mai 1984. La capitale italienne est en ébullition. L'AS Roma, championne d'Italie en titre, s'est hissée pour la première fois de son histoire en finale de la plus prestigieuse compétition européenne. Face aux Giallorossi, une montagne. Liverpool, lauréat de l'épreuve à trois reprises depuis 1977. Au terme d'un match décevant mais d'une séance de tirs au but devenue mythique grâce au "jeu de jambes" du gardien de but des Reds Bruce Grobelaar, le club de la Mersey s'offre un quatrième sacre.

L'après-match se passe très mal. Des bagarres éclatent dans les rues de Rome. Les supporters de Liverpool sont agressés. Beaucoup se réfugient dans leurs hôtels et même à l'Ambassade de Grande-Bretagne. Une réaction de frustration à la défaite? Pas seulement. Les Carabinieri découvrent lors des arrestations que certains fans de la Roma avaient emmené des couteaux et des armes au stade. Ce soir-là, par chance, on ne déplorera aucun mort. Juste des blessés. Le pire a été évité. Après ces évènements déplorables, l'UEFA prend une mesure forte: il n'y aura plus de finale à domicile. Les saisons suivantes, l'instance dirigeante du football européen attendra de connaitre le tableau des quarts de finale pour désigner le lieu d'accueil de la finale. Il faudra patienter près de quinze ans pour que l'UEFA envisage à nouveau la possibilité de finales à la maison.

Paradoxalement, cette mesure de précaution n'empêchera pas, un an plus tard, de vivre le plus insupportable drame de l'histoire du football, à Bruxelles, au Heysel, à l'occasion de la finale entre Liverpool et la Juventus Turin. Une boucherie inhumaine. 39 morts, 600 blessés et une finale jouée dans un cimetière. Ce qu'on oublie trop souvent, c'est que le Heysel prend, notamment, ses racines à Rome. Les blessés de Rome portaient déjà en eux les morts de Bruxelles. En quittant la capitale italienne, les supporters des Reds se sont promis de ne pas laisser ces évènements impunis. Aussi, lorsque, douze mois plus tard, leur équipe se hisse à nouveau en finale, qui plus est face à un autre club italien, ils sonnent l'heure de la vengeance. Les autorités sportives n'ont rien vu venir. Pourtant, les hooligans s'organisent, et pas seulement ceux de Liverpool. Des voyous d'autres clubs, notamment les Bushwackers de Milwall, viennent prêter main fortes à ceux la Mersey. La catastrophe est en marche. On connait la suite et la fin.

Près de trente ans après ces sinistres évènements, le football européen a largement purgé le hooliganisme de clubs qui le minait de l'intérieur. C'est tout particulièrement vrai en Angleterre. La sécurité des grandes enceintes est également incomparable par rapport à ce qu'elle était dans les années 80. Le Heysel, c'est le Moyen Âge à côté de l'Allianz Arena. Le risque zéro n'existe jamais, et l'absence de vigilance est souvent la source des pires catastrophes. Néanmoins, la crainte d'assister à de tels drames est aujourd'hui mineure. Du coup, il est probable qu'il ne faudra pas attendre trois décennies de plus pour qu'un club bénéficie de la chance de vivre une finale sur ses terres.