Juventus : l'heure de vérité face au Bayern Munich

Largement en tête de Série A, la Juventus va redécouvrir la sensation des matches à très grand enjeu à l'occasion du déplacement à Munich ce mardi soir. Le club a certes bien répondu cette saison dans les rencontres à pression, comme la double confrontation contre Chelsea, le déplacement à Donetsk et les deux matches contre le Celtic, mais plus les tours passent et plus la boule au ventre devient grosse. Et puis, ce quart de finale de Ligue des champions marque, en plus d'une importance sportive, une bonne tentative de réhabilitation de la Juve en Coupe d'Europe. Toujours meurtris par le Calciopoli et même en colère par rapport à ce qui représente pour eux un complot anti-Juve, les tifosi et dirigeants veulent se refaire une réputation en Europe. Et quoi de mieux que d'éliminer ce qui se fait de mieux actuellement sur le Vieux Continent pour y parvenir ?

Alors qu'il ne faisait pratiquement pas tourner son effectif en début de saison, Antonio Conte applique un véritable turn-over depuis janvier. Là où les remplaçants avaient plus de mal à faire la différence en jouant peu jusqu'à la trêve, ceux-ci se révèlent décisifs depuis un peu plus de deux mois. L'entraîneur de la Juve a vite compris que son effectif s'essoufflait, tant physiquement que mentalement. Il a alors injecté du sang frais et a permis à plusieurs joueurs de se relancer. À tel point qu'aujourd'hui, les certitudes du début de saison ont été un peu bousculées et certains joueurs obtiennent beaucoup plus de temps de jeu.

Le premier à bénéficier de ce turn-over n'est autre que Paul Pogba. En deux mois, il a été titulaire à huit reprises contre cinq lors des quatre premiers mois de compétition. Le milieu de terrain français se montre décisif et apporte en plus une vraie dimension physique au milieu de la Juve, et permet, lorsqu'il est associé à Pirlo, de mieux protéger le « regista » italien. Sur les côtés du 3-5-2, les choses ont aussi évolué. Le Suisse Lichtsteiner n'est plus un titulaire indiscutable, et si Isla n'a pas retrouvé son niveau de l'Udinese, l'affaire profite à Simone Padoin, qui découvre un nouveau poste et de nouvelles possibilités. Côté gauche, même évolution. L'indéboulonnable et increvable Kwadwo Asamoah a vu arriver Federico Peluso lors du mercato hivernal. L'international italien a joué autant de matches titulaires que le Ghanéen sur les huit dernières journées : quatre chacun. Le profil est différent : Asamoah est explosif et technique, Peluso contrôle mieux les adversaires et est meilleur dans le jeu aérien.

Devant, les tifosi de la Juve ont assisté à la renaissance d'Alessandro Matri. Au fond du trou jusqu'à la dernière journée avant la trêve hivernale, l'attaquant bianconero a depuis marqué huit buts toutes compétitions confondues, dont deux contre le Celtic au tour précédent et deux autres importants contre la Fiorentina et contre l'Inter pas plus tard que samedi dernier. Fabio Quagliarella est lui aussi en forme et l'a montré à Milan samedi avec un superbe but. Il a inscrit trois buts sur les sept derniers matches et trois lors de ses trois titularisations dans cette même période.

La force de la Juve actuellement, comparativement à celle du début de saison, est que tout l'effectif tourne à plein régime et que les remplaçants sont à la hauteur des titulaires. La théorie des vases communicants vaut aussi bien pour les performances titulaires-remplaçants que pour la confiance de tout l'effectif. Une confiance contaminatrice qui réjouit Antonio Conte et lui offre des perspectives intéressantes.

Ce n'est un secret pour personne, le schéma tactique de la Juve s'articule autour d'une 3-5-2 avec une forte possession de balle, mais aussi une capacité à se projeter très vite vers l'avant à la récupération du ballon. Or, le Bayern Munich offre également cette polyvalence et il se murmure qu'Antonio Conte pourrait sacrifier l'un de ses deux attaquants afin d’aligner Paul Pogba dans l'entrejeu. Le but ? Ajouter de la puissance, une couverture sur le côté gauche du milieu (Marchisio passant derrière l'attaquant) et une capacité de frappe aux abords de la surface. En gros, ajouter encore plus d'équilibre dans une équipe déjà très bien équilibrée. C'est ce qu'a laissé entendre Conte dès samedi : "le Bayern est une équipe très physique et on va essayer d'ajouter du répondant. Mais même si on 'sacrifie' un attaquant, on ne renoncera pas à notre jeu qui fait notre force."

Cette nouvelle disposition tactique probable pourrait se renforcer avec la condition physique de deux attaquants de la Juve : Sebastian Giovinco s'est fait découper par Cambiasso à la toute fin du match contre l'Inter et sa cheville reste douloureuse. Il ne s'est pas entraîné dimanche, pas plus que Mirko Vucinic, fiévreux et ayant déjà raté le derby d'Italie samedi. Si ces deux absences venaient à se confirmer, Matri pourrait prendre le poste d'attaquant central, vu que Quagliarella est plus un second attaquant très mobile.

Samedi, on a assisté à la traditionnelle déclaration sur le favori du match. En effet, Conte a expliqué que le Bayern était le grand favori de ce quart de finale de Ligue des champions et rejette ainsi la pression sur les épaules de l'ogre bavarois. Pour l'entraîneur de la Juve, ce match va permettre de voir si le club italien est loin des plus gros clubs européens après plusieurs années d'absence dans cette compétition reine. Conte s'est même payé le luxe de tenter une comparaison de la puissance financière des deux équipes en rappelant le montant du transfert de Javi Martinez. Une attitude de Caliméro qui fait sourire quand on se souvient des lourds investissements de la famille Agnelli lors des deux dernières fenêtres estivales du marché des transferts.

Ce week-end, aussi bien le Bayern que la Juve ont souffert sur coups de pieds arrêtés. Les Munichois ont encaissé leurs deux buts contre Hambourg sur cette phase de jeu, tandis que Palacio a fait briller Buffon à deux occasions dont une, non pas sur coup de pied arrêté direct mais sur un centre après une action placée. N'oublions pas non plus l'erreur de jugement de la charnière Bonucci-Barzagli avec l'Italie contre le Brésil (2-2), toujours sur un centre venu de la gauche vers la droite. Les deux équipes ont des lacunes défensives sur ces phases et dans un si grand match, chaque détail compte.

Ce choc entre le Bayern Munich et la Juventus est extrêmement intéressant et oppose deux équipes si proches : le club le plus puissant financièrement dans leur pays respectif, un matelas confortable en championnat, deux équipes aimant avoir le ballon pour contrôler les matchs, des contre-attaques redoutables, deux défenses de fer mais des lacunes sur coups de pieds arrêtés, un équilibre parfait sur le terrain et une impression que rien ne peut leur arriver. Pourtant, l'un des deux restera sur le carreau. Cela nous promet une double confrontation passionnante…