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Pourquoi Klopp s'est trompé en accusant le Bayern

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ParEurosport

Mis à jour 05/03/2013 à 10:09 GMT+1

Jürgen Klopp estime que le Bayern a copié ses méthodes pour revenir au sommet. Une erreur d'analyse et de communication, selon notre expert en Bundesliga, Polo.

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Crédit: Eurosport

Entraîneur "kult" de la Bundesliga, porte-drapeau de la nouvelle génération des coaches allemands, Jürgen Klopp a dérapé après l’élimination de son équipe en coupe d’Allemagne de mercredi dernier contre le FC Bayern (0-1), s’en prenant verbalement au club munichois et ses méthodes "chinoises". Les réactions n’ont pas tardé et un tollé d’indignations a parcouru le monde professionnel germanique.
Déjà, rappelons les faits. Alors que l’Allemagne du ballon rond se passionne pour le "Duell der Giganten" en DFB-Pokal entre le FC Bayern et le Borussia Dortmund, une passation de pouvoir se prépare. Le Rekordmeister gagne enfin contre sa bête noire des deux dernières années. Par le plus petit des scores et, au passage, sur une erreur adverse permettant un but splendide d’Arjen Robben. Si la démonstration attendue, voire espérée par certains, n’a pas eu lieu, force est de constater que le BVB ne remportera aucun titre national en 2012-2013. Klopp se lâche alors sur les méthodes du Bayern : "En ce moment, c’est comme ce que font les Chinois dans l’industrie : ils regardent ce que font les autres, les copient et puis, avec plus d’argent et de joueurs, suivent le même chemin. Et après tout cela, ils deviennent bons de nouveau". Des déclarations qui font couler beaucoup d’encre outre-Rhin.
Allofs : "J’espère que Klopp a déposé un brevet pour son style de jeu"
L’actuel manager du VfL Wolfsburg a répondu par l’humour à l’attaque de Klopp. Quel professionnel du football, aujourd’hui, ne s’intéresse pas aux méthodes d’entrainements ou bien aux différents schémas de jeu du FC Barcelone par exemple ? Qui n’a pas étudié puis copié les différents systèmes mis en place par les coaches à succès ? "Le football est fait comme ça, renchérit Klaus Allofs. On se nourrit des idées des autres, pour mieux les dépasser."
Le coach du Borussia Dortmund a toujours vénéré les deux penseurs du football que sont Sacchi et Wenger. Il s’est construit une méthode à travers eux. Notamment le pressing tout terrain, et cette capacité à récupérer le ballon dès sa perte, ce que j’appelle vulgairement "la ratisse", avant de se projeter rapidement vers l’avant. Klopp verse t-il, puisqu’il s’est inspiré de ses deux illustres prédécesseurs, de l’argent chaque année à ces deux techniciens ? Des royalties, des droits d’auteur pour avoir imité leurs idées ? Evidemment que non ! Klopp s’est trompé de débat.
Berthold : "Klopp a marqué un but contre son camp"
L’attaque gratuite de Jürgen Klopp à l’encontre de Jupp Heynckes est dérisoire. Déjà parce que l’actuel entraîneur bavarois n’a besoin de personne pour construire son palmarès. Quand il a remporté la prestigieuse Ligue des champions avec le Real Madrid en 1998, Klopp n’était alors qu’un modeste arrière-droit de seconde division à Mayence. "Le Bayern est dans le football depuis bien plus longtemps que Jürgen Klopp est entraîneur. Et nous avons toujours eu notre propre style de jeu", confirme "Don Jupp" avant d’ajouter : "Si Jürgen a la chance, un jour, d’entraîner le Bayern Munich ou le Real Madrid, alors il réalisera ce que c’est et que l’on y vit dans un monde complètement différent!".
L’explication de texte du coach bavarois est limpide. Rappelons que lors de la rencontre contre le Werder Brême, le 23 février dernier, Heynckes disputait son millième match professionnel (joueur + entraîneur). Il participait déjà à la construction de la légende du grand Mönchengladbach alors que Klopp n’était pas encore né. Ce dernier n’a pas inventé le football allemand et s’il enchante, actuellement, la Bundesliga, il n’est pas, dans la conscience populaire, l’égal des "Fohlen du Bökelberg" des années 70. On ne pourra, alors, qu’être d’accord avec l’idole de l’époque, l’unique Günter Netzer, aujourd’hui éditorialiste au journal Bild : "J’ai entendu le souffle du mépris dans les propos de Klopp". Tandis que l’ancien champion du monde 1990, Thomas Berthold, chroniqueur chez Sport1, indique que "cela lui a coûté un peu de sympathie".
Le 21 juillet 2011, alors qu’un nouveau Ruhrpottderby s’annonçait entre les Königsblauen et les Schwarzgelben pour le trophée des champions d’avant saison, le très sérieux journal allemand Kicker titrait : "Schalke copie le BVB". Le "Professor" Rangnick, via les jeunes issus du centre de formation, orientait la politique du club de Gelsenkirchen et se rapprochait des idées de son meilleur ennemi. Klopp a-t-il, à ce moment, râlé, exprimé son ras-le-bol du plagiat ? Non, car il avait encore "une avance technologique" pour reprendre des termes économiques adaptés à l’actualité.
Klopp : "sorry Jupp"
Plus surprenant, la sortie médiatique du coach allemand montre que le club de la Ruhr, malgré son doublé en Bundesliga et sa victoire en coupe d’Allemagne, ne se compare pas avec le Bayern Munich. Comme si les succès récents, le tonitruant jeu proposé, n’étaient qu’un épiphénomène et que la logique sportive, puis financière, allaient reprendre leur droit. Dortmund ne se considère pas au même niveau que le Verein bavarois. C’est une preuve de faiblesse voire une erreur stratégique. Les Schwarzgelben vont réaliser selon leur président, Hans-Joachim Watzke, plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012-2013, ce qui les placera dans le top 10 continental. Dortmund n’est donc pas Fribourg, Greuther Fürth ou encore Sankt Pauli. Il a vocation à concurrencer, avec ses 80.000 spectateurs de moyenne dans son antre, la référence nationale.
En ce sens le Borussia n’a pas atteint le stade de la communication des grands clubs européens. Il est encore un Aussenseiter, un outsider. Malgré leurs talents, les "bubis" (garnements) Hummels, Gündogan, Reus, Götze ne sont pas les routiniers Kohler, Möller, Sammer ou autre Riedle ! Jamais le Borussia Dortmund, victorieux de la coupe aux grandes oreilles en 1997 contre la magnifique machine turinoise, n’aurait accepté la domination munichoise. Il fallait surpasser, détruire, humilier cette Bavière catholique et conservatrice afin de proclamer la supériorité footballistique de la social-démocratie, tendance protestante, donc prussienne, bismarckienne.
La sortie médiatique de Jürgen Klopp, au-delà de la compréhensible frustration suite à l’élimination en coupe d’Allemagne, donc de la perte d’un titre, est malvenue et erronée. Le football évolue, il se nourrit tactiquement de l’évolution de la pratique. Que le jeune Klopp soit adulé, que le Borussia Dortmund soit loué pour la beauté et l’efficacité de son jeu, qu’on s’en inspire, ses ennemis aussi, est d’une logique absolue. C’est une forme de reconnaissance, la rançon du succès. Le BVB est en train de croître. Quasiment en liquidation judiciaire en 2005, il n’est pas encore redevenu membre du gotha européen, n’a pas l’habitude des codes, pas encore la peau assez burinée, assez tannée par les campagnes continentales. Jürgen Klopp non plus. Il apprend encore, commet des erreurs. Malgré sa pilosité, il est imberbe à haut-niveau ! A peine peut-on apercevoir le duvet. D’où ses excuses. Il aura le temps de s’améliorer, de mûrir. Cela commence dès ce soir, contre le Shakhtar Donetsk, par une qualification. C’est la rançon des leaders, des grands clubs, des mythiques entraîneurs. Pas des copieurs.
Polo : Chroniqueur et éditorialiste spécialiste du football allemand sur RMC, Polo a choisi son pseudonyme en hommage au grand défenseur et esprit libre Paul Breitner, buteur lors de deux finales de Coupe du Monde et meilleur joueur étranger dès sa première saison au Real Madrid. Observateur de la saga de la Bundesliga, de ses grandes et de ses petites histoires, Polo a passé une grande partie de son existence outre-rhin à y écumer les stades.
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