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C'est en Europe que s'écrit l'histoire du Chelsea FC

Philippe Auclair

Mis à jour 08/04/2014 à 14:02 GMT+2

L'histoire de Chelsea, c'est celle d'un club souffrant d'un déficit d'image, désormais reconnu grâce à son histoire européenne. Ça pourrait inspirer quelqu'un, non ?

Chelsea Auclair

Crédit: Eurosport

Voici un chant populaire dans les tribunes anglaise quand les Blues sont de visite.
Fuck off Chelsea, you ain’t got no history!
Besoin de traduction? Non? C’est bien ce que je pensais.
C’est étrange, tout de même, qu’un club né il y aura bientôt 109 ans (*) n’ait ‘pas d’histoire’. Un club qui fut sacré champion d’Angleterre un demi-siècle avant que José Mourinho lui donne un second titre, et qui avait déjà trois trophées européens à son palmarès (deux Coupes des Coupes, une Supercoupe), plus trois FA Cups et deux Coupes de la League avant que le Portuguais ne propulse les Blues dans le gotha du football européen pour de bon. Mais c’est ainsi: Chelsea, pour le reste du monde, n’avait ‘pas d’histoire’. Vous noterez l’imparfait.
Cela était peut-être dû aux circonstances très particulières qui avaient entouré la création du club. Le businessman Gus Mears, son fondateur, avait fait l’acquisition de Stamford Bridge en 1896, espérant pouvoir convaincre Fulham, doyenne des équipes londoniennes, d’y emménager. Quand le directoire des Cottagers s’y opposa, Mears décida de créer sa propre équipe, Chelsea FC, qui entra aussitôt dans le giron de la FA – beaucoup trop vite au goût de certains, posant la base d’inimitiés qui n’ont pas disparu, loin de là. Chelsea était un club d’arrivistes. Un club qui n’existait que par et pour l’argent. Un club qui se voyait trop beau, alors que, franchement, ses résultats ne lui en donnaient pas le droit.

La victoire enfin, l'étiquette de parvenu toujours

Et, de fait, malgré le titre miraculeux des Drake’s Ducklings (*) en 1954-55, Chelsea a longtemps végété avant de connaître une vogue éphémère à la fin des années 1960 et au début des années 1970, quand Raquel Welch croisait le futur Lord Attenborough (toujours président à vie du club) dans les terraces, et que les filles en mini-jupe de King’s Road venaient s’acoquiner au Bridge le temps d’une après-midi. Mais l’histoire ne s’écrit pas ainsi; elle s’écrit d’elle-même. Même les trophées ne suffisent pas. Les équipes de Gullit, Zola et Vialli en avaient pourtant gagné quelques-uns à la fin des années 1990. Il manquait la part du mythe, qui s’acquiert dans le triomphe – Nottingham Forest -, la tragédie, ou les deux – Manchester United et Liverpool. Chelsea gagnait, mais l’étiquette de parvenu lui collait au maillot.
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FOOTBALL 200 Chelsea - Zola et Dennis Wise

Crédit: AFP

En 2014, pourtant, ceux qui chantent encore no history savent très bien que le refrain a vécu. Chelsea a désormais une histoire, une identité qu’on a le droit de ne pas aimer, mais dont il serait absurde de nier l’existence. Et cette histoire, c’est en Europe, pas en Angleterre, que les Blues ont eu rendez-vous avec elle. On appelle toujours Benfica, l’Ajax, le Dynamo Kiev, le Celtic de ‘grands clubs’, et davantage de gens connaissent le nom du Stade de Reims (oui, même aujourd’hui) en Angleterre que celui des Girondins de Bordeaux. L’Europe, la vraie, celle de la C1, est le creuset dans lequel un club grandit, au sens de ‘devenir grand’.

Souvent tombés avec un sentiment d'injustice

Ce Chelsea ‘historique’ a pris forme sur le tard. Les étapes, tout fan des Blues les connait par coeur. Le 3-1 contre Barcelone en 1999-2000, avec Chelsea en route pour le dernier carré jusqu’à la 83e minute du match retour au Camp Nou; la qualification pour les demi-finales de 2003-04, arrachée contre toute attente face aux ‘Invincibles’ d’Arsenal dans leur jardin de Highbury; la saison suivante, des duels homériques contre le Barça (but de Terry à la 76ème pour l’emporter 5-4 sur les deux matchs) et le Bayern (doublé de Lampard dans un 4-2 épique au Bridge), suivis du fameux ‘but-fantôme’ de Luis Garcia en demi-finale, la première des luttes au rasoir contre le Liverpool de Benitez auxquelles il sembla un temps être impossible d’échapper; la finale de Moscou, Terry qui glisse, Terry qui pleure; 2008-09: un arbitre nommé Tom Henning Øvrebø, le but d’Iniesta, Drogba qui hurle sa fucking disgrace face aux caméras de Sky; Drogba, encore lui, trois ans plus tard, le coup de tête à l’Allianz Arena, et la séance de tirs au but qui offre aux Blues ce titre auquel personne ne leur donnait le droit de croire (mais que Petr Cech avait dit être ‘leur destin’). No history, Chelsea? A d’autres!
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FOOTBALL 2012 Chelsea - Drogba et Malouda

Crédit: AFP

Le PSG, dont le déficit d’image dans le reste de l’Europe n’est pas une invention d’anti-Qatari primaire, a encore beaucoup à faire pour en arriver là; mais Chelsea peut servir d’exemple aux Parisiens qui, eux aussi – que ses fans me pardonnent s’ils le peuvent – courent après une histoire, une légitimité, et ne l’acquerront pas en deux saisons. Cette légitimité, au passage, est fréquemment la récompense de l’échec. Relisez cette liste des matchs qui ont ‘fait’ Chelsea. Vous verrez que, bien souvent, les Blues sont tombés avec le sentiment d’avoir été la victime d’injustices. Voilà pourquoi le PSG a davantage accompli pour sa ‘légende’ à venir en étant éliminé de la manière dont il le fut par Barcelone l’an passé qu’en blitzant tous ses adversaires cette saison; c’était la première marche à gravir. Beaucoup d’autres devront suivre pour que le chant qui accompagnait Chelsea ne puisse plus s’appliquer au PSG. Les Blues ont montré l’exemple, aux Parisiens de le suivre.
(*) Pour les amateurs d’histoire qui se rendraient à Stamford Bridge, un tout petit détour s’impose; en fait, il suffit de traverser Fulham Road en face de la plus grande des entrées du stade pour se retrouver face au pub où l’acte de naissance du club a été rédigé: The Butcher’s Hook, qui s’appellait alors The Rising Sun. Endroit à éviter les jours de match quand on est venu soutenir l’équipe adverse, cela va de soi.
(*) Référence aux ‘bébés de Busby’, duckling signifiant caneton, et le nom du manager du Chelsea d’alors, l’ancien héros des Gunners Ted Drake, étant employé pour désigner le mâle du canard.
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