Malmö - Juventus : Comment, en un an, Paul Pogba est passé du statut d'espoir à celui de mégastar

Paul Pogba est le joueur le plus cher du monde. C'est évidemment son agent qui l'affirme, ce bon vieux Mino Raiola, jamais avare de comparaisons fantaisistes (souvenez-vous de la Joconde et de Zlatan Ibrahimovic) et de guirlandes de superlatifs pour écouler sa marchandise, à savoir ses joueurs. Sauf que cette fois, Mino n'a pas tout faux. Le trait est un brin exagéré, c'est ce qui fait le charme de l'agent italien, mais, aujourd'hui, sur le marché des transferts, ils ne sont guère plus qu'une poignée à peser plus lourd que Paul Pogba. Hormis les deux extraterrestres Messi et Ronaldo, hors concours car hors normes, seul Neymar, ses dribbles de génie, ses buts à la pelle et sa belle gueule semblent beaucoup plus bankables que Pogba.

La valeur du Français n’est plus si éloignée de celles des Angel Di Maria, Luis Suarez ou Gareth Bale. Car, parmi ces stars déjà affirmées depuis plusieurs saisons, il est le plus jeune (21 ans) et, fatalement, le plus prometteur, alors que son charisme ne gâche rien à l'affaire. Si le Real, le PSG ou Manchester City doivent sortir au moins 80 millions d'euros pour s'offrir Pogba, c'est parce que son année 2014 l'a installé là, tout en haut, sur les cimes du football mondial grâce à onze mois et 56 matches (!) presque parfaits.

Après une année de découverte, il a explosé à la Juve. Dixième meilleur buteur de Serie A (7) et cinquième meilleur passeur du dernier exercice (7), il s'est affirmé comme l'un des tous meilleurs joueurs d'Italie et a participé à 36 des 38 rencontres de la Juve. Personne n'a fait mieux chez la Vieille Dame. Sa prolongation à Turin signée en octobre en a fait le joueur le mieux payé de la Juve (4,5 millions d'euros par an) et le troisième plus gros salaire en Italie derrière De Rossi (6,5 millions d'euros) et le Napolitain Gonzalo Higuain (5,5 millions d'euros) même si certains clauses de son contrat pourraient en faire le joueur le mieux rémunéré de la Botte.

Le week-end dernier, il a encore étalé sa supériorité avec un doublé. Son coach Massimiliano Allegri ne fait même plus semblant d'être surpris : "Il a fait un bon match mais cela doit être une norme pour lui", a-t-il réagi après la victoire sur la pelouse de la Lazio (0-3). "Paul peut devenir le meilleur milieu de terrain au monde." Chaque semaine, il donne la furieuse impression de dominer ses adversaires avec une facilité déconcertante. Il a bien connu un léger coup de mou à l'approche du printemps en février et en mars dernier, lui qui n'a pas pu souffler après la Coupe du monde U20 à l'été 2013. "Je serais plus surpris qu'il ne soit pas fatigué plutôt que l'inverse", l'excusait son coach d'alors, Antonio Conte. Il a rapidement réagi en inscrivant l'un des buts du titre à Bologne (1-0) en avril. Lundi, Tuttosport le comparait déjà à Michel Platini. C'est dire l'aura dont il jouit en Italie. La Serie A semble déjà un terrain de jeu trop étriqué, trop peu exposé et trop peu ambitieux pour un tel phénomène.

En 2013, Didier Deschamps a, l'air de rien, installé Paul Pogba dans son onze de départ. En 2014, il a construit tout le onze autour de lui optant pour un 4-3-3 qui a placé la crête peroxydée la plus célèbre du football français dans les meilleures conditions. L'année 2014 de Pogba en Bleu n'est pas toute rose. Il reste même quelques points noirs comme ce coup de sang et ce tacle au genou face au Honduras (3-0) qui aurait pu gâcher l'entrée en lice des Bleus au Brésil. Mais Deschamps l'a habilement recadré et Pogba a gagné en consistance au fil du Mondial au point d'inscrire le premier but face au Nigeria (2-0) et de livrer son meilleur match de la compétition face aux futurs champions du monde allemands.

Une montée en puissance consacrée par le titre de meilleur jeune de la compétition. En se penchant sur le palmarès du trophée, on imagine aisément la trajectoire de "la Pioche" (Pelé, Beckenbauer, Overmars, Owen ou Müller pour ne citer qu'eux). En 2014, il est le seul à avoir disputé tous les matches des Bleus et a débuté l'après Coupe du monde par un récital face à l'Espagne (1-0). Avec déjà 22 sélections à 21 ans, il est plus précoce que Thierry Henry, Zinedine Zidane, Michel Platini ou Raymond Kopa. Son rayonnement en sélection n'est pas encore comparable avec ceux de ses illustres aînés même s'il semble s'inscrire dans une trajectoire similaire.

Sa riche année en club et en sélection est assez logiquement récompensée par une nomination pour le Ballon d'Or. Il fait désormais partie de la crème de la crème, les 23 meilleurs joueurs du monde. Il ne disputera sans doute pas la précieuse récompense à Ronaldo, Messi ou Neuer. Mais Pogba est le plus jeune des prétendants, une façon de prendre rendez-vous pour un trophée individuel qu'il pourrait viser dans les années qui viennent.

Pogba a 21 ans et encore quelques territoires à conquérir. La Ligue des champions en est un et il n'a pas encore rayonné sur l'Europe. Mais s'il s'affirme en C1, s'il reste intouchable en Serie A et s'il continue de prendre en main le destin de l'équipe de France, il pourrait bien devenir la plus belle chose qu'il soit arrivé au football français depuis Zinedine Zidane. Mino Raiola estime déjà qu'il "est meilleur que Platini". Cette fois, Mino est allé trop loin. Ou peut-être a-t-il eu raison avant tout le monde.