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Avant Atlético-Real : Pourquoi glorifier le Cholismo quand on a toujours rabaissé le Catenaccio ?

Valentin Pauluzzi

Publié 27/05/2016 à 08:55 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - Antithèse du tiki-taka prôné par Pep Guardiola et ses disciples, le style de jeu de l’Atlético Madrid récolte les éloges à travers la planète foot. Pourtant, il n’est pas bien différent des méthodes si décriées ayant construit une bonne partie du palmarès du calcio

Atletico Madrid's Argentinian coach Diego Simeone gestures

Crédit: AFP

"Il faut le dire clairement, le jeu de l’Atlético est affreux, c’est quoi cette mode du ‘Cholismo’ ? Ça fait vingt ans que l’on dit en Italie qu’on ne doit plus faire de catenaccio, de ne plus pratiquer de jeu spéculatif, que ce n’est pas vrai que seul le résultat compte. On s’auto-massacre en dénigrant ce style de jeu et maintenant, le Cholo est un grand ? Mais son jeu est horrible et ennuyant. Il fait ce que l’on a fait pendant un demi-siècle, verrou et contre-attaques. Pourquoi l’un s'appelle catenaccio et l’autre ‘Cholismo’ ?. Si l’Atlético gagne, c’est la victoire du foot italien !" Ce coup de gueule est signé Fabio Caressa, commentateur émérite et rédacteur en chef de la chaine Sky Sport Italie, et si on peut être circonspect sur la forme de ses propos, difficile de ne pas en partager le fond.

Marque de fabrique du foot italien, allégorie du peuple italien

"Commandant Simeone, le Cholismo et la révolution contre le Tiki-Taka", la une de la Gazzetta, très bien foutue au demeurant, avait fait le tour du monde il y a quelques semaines suscitant un vif débat. Diego Simeone y était grimé en Ernesto Rafael Guevara. Du Che au Cho. C’était quelques jours après la victoire 1-0 contre le Bayern en demi-finale aller de la Champions League, son Atlético avait encore empaqueté un adversaire beaucoup plus fort sur le papier, le tout avec ses armes désormais célèbres.
Des armes maniées à la perfection en Italie, défense à outrance, solidarité, grinta, contre-attaques rapides. Ce sont celles avec lesquelles se sont défendues le Milan de Nereo Rocco et l’Inter d’Helenio Herrera (quatre coupes d’Europe des clubs champions à eux deux dans les années 60) ainsi que la Juventus de Trapattoni durant une décennie (1976-1986). Des générations victorieuses qui ont à chaque fois formé l’ossature de la sélection italienne.
Selon Gianni Brera, père du journalisme sportif transalpin, le catenaccio n’était qu’une représentation du caractère des Italiens, dur, paysan, terrien, voire de leur physique, petit, râblais, résistant. Plus faibles, ou plutôt conscients d’être plus faibles sur le papier, et donc regroupés pour mieux contrer. Le palmarès se remplit, déborde même puis Sacchi et sa mentalité agressive passe par-là. L’Italie change de cap reniant presque son passé et dénigrant ceux qui s’y accrochent. L’Europe, elle, n'a jamais apprécié ce foot gagne-petit.
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Arrigo Sacchi

Crédit: Imago

Quand le Sacchisme dénigre l'Allegrisme et fait l'éloge du Cholisme

Arrigo Sacchi justement, que l’on ne présente plus, désormais consultant apprécié à la télé ou dans les journaux et particulièrement sévère quand il s‘agit de donner son opinion cette Juve qui rafle tout : "Allegri est bon tactiquement, il sait changer les choses en cours de match, mais il n’y a qu’une chose qui l’intéresse, gagner et non convaincre et divertir. En Italie, ça peut suffire parce que même Rosenborg gagne toujours le titre en Norvège, mais pas en Champions League, et ça c’est selon moi une limite". Chantre du beau jeu, son avis se tient jusqu’à ce que la Gazzetta dello Sport le questionne sur l’œuvre de Simeone : "Sincèrement, je suis enthousiaste devant la solidité de son équipe, la façon dont elle se défend, les joueurs qui s’entraident, le pressing, les marquages doubles. L’Atletico n’applique pas le catenaccio d’autrefois, non, Simeone enseigne à ses hommes à défendre en équipe et non individuellement, c'est une belle différence par rapport à ce qu’on voyait en Italie il y a des années". Un esprit de contradiction caractérisant assez bien cette tendance italienne à voir la pelouse du voisin beaucoup plus verte que la sienne.
Cholismo et catenaccio sont-ils si différents comme l’affirme Sacchi ? L’Argentin s’est avant tout inspiré des entraîneurs qu’il a fréquentés durant sa carrière de joueur dans la Botte. A Pise, à la Lazio mais surtout à l’Inter où il croise la route de Gigi Simoni, typique entraineur à l’italienne, défense verrouillée et un point de repère offensif, le grand Ronaldo en l’occurrence. Pourtant, Simeone avait bien tenté d’appliquer les idées de Bielsa en début de carrière avant de se rendre à l’évidence en débarquant à l’Atletico. C'est la naissance d'un mix détonnant, école tactique transalpine et "garra" (griffe, NDLR) sud-américaine. Attentiste dans le jeu, offensif dans l’état d’esprit avec une intensité de la 1ère à la dernière minute, un pressing de forcenés et des trames offensives simples mais efficaces pour repartir, sans oublier l’importance des coups de pied arrêtés. Rien n’est improvisé, même le vice est calculé. Hormis l'absence d'un libéro à l'ancienne, la nuance avec le catenaccio est franchement subtile.
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Diego Simeone

Crédit: Imago

Place bientôt au "Contismo" ?

Un constat qui n’enlève aucun mérité à cet Atlético dont les exploits sont à la hauteur d’un Leicester mais sur une période de quatre ans. Les Matelassiers exploitent leurs points forts et il n’y a pas qu’une seule façon de jouer au football. D’ailleurs, beaucoup d’équipes qui tentent de singer le tiki-taka sans avoir forcément les moyens techniques devraient s’en inspirer. Un exemple italien ? La Fiorentina qui s’évertue à développer un football esthétique mais qui loupe à chaque fois son objectif, une qualification en Champions League.
Toutefois, pourquoi exalter autant un style de jeu destructeur et à l'éthique parfois limite ? Simple conséquence d'une overdose de de Guardiolisme ? Empathie envers les plus "démunis" ? Effet d'hypnose dû au charisme de Simeone ? Appelons un chat un chat et le "Cholismo" le Catenaccio. Simeone ne fait que du Rocco et du Trapattoni avec sa petite touche personnelle. En leur temps, personne ne s'était dérangé pour leur forger un courant footballistique sur mesure, préférant conserver celui volontairement péjoratif de "catenaccio". Alors libre à chacun de glorifier le "Cholismo", mais vu comme c'est parti pour la Squadra Azzurra, il ne faudra pas oublier d'en faire autant avec le "Contismo" dans quelques semaines.
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Antonio Conte beim Länderspiel Deutschland gegen Italien.

Crédit: Imago

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