C1 - Bayern Munich : au pays des avant-centres, Lewandowski est roi

Robert Lewandowski fait rarement les gros titres de l’actualité. Pour s’y faire une place, il doit claquer un quintuplé en neuf minutes contre Wolfsburg (5-1) ou un quadruplé en demi-finale de Ligue des champions face au Real Madrid (4-1). La sous-exposition de la Bundesliga dans nos contrées, le caractère taiseux de l’attaquant du Bayern Munich et son profil d’un autre temps expliquent, entre autres raisons, cette indifférence chronique. Et pourtant, le principal intéressé est une espèce en voie de disparition, un joueur qui, à une époque pas si lointaine, aurait été célébré chaque semaine pour ses talents.

Lewandowski est un pur numéro 9 comme le football mondial n’en produit quasiment plus. Meilleur buteur des cinq grands championnats européens cette saison, avec 10 réalisations, il place un ballon au fond des filets toutes les 43 minutes en Bundesliga. Une moyenne stratosphérique, qui pose une question : est-il le meilleur avant-centre du moment ? Cette définition exclut de facto Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, loin d’être des attaquants de pointe au sens strict du terme. Pour évaluer la place de celui qui a tout juste atteint la barre des 100 buts en Bundesliga sur l’échiquier mondial, nous l’avons comparé, chiffres* à l'appui, à quatre de ses contemporains : Zlatan Ibrahimovic, Sergio Agüero, Edinson Cavani et Luis Suarez.

Depuis son émergence au plus haut niveau, Lewandowski n’est jamais passé sous la barre des 23 buts inscrits, en cumulé sur le championnat et la Ligue des champions. Une régularité qui dure depuis quatre saisons et qui impressionne. Suarez avait dû se contenter de 11 petites réalisations en Premier League lors de son premier exercice avec Liverpool, en 2011/2012. Sergio Agüero (14 en 2012/2013) et Edinson Cavani (20 en 2013/2014) ont eux aussi connu des exercices plus creux sur la période. Pour retrouver un Lewandowski si discret face au but, il faut remonter à 2010/2011. Tout juste débarqué au Borussia, il n’avait alors planté que 9 buts, mais il l’avait fait en 17 petites titularisations. Le natif de Varsovie savait déjà mettre à profit son temps de jeu.

Du droit, du gauche, de la tête, dans des positions académiques ou plus acrobatiques : Lewandowski maîtrise tous les gestes techniques lorsqu’il s’agit de conclure une action. La répartition de ses buts le démontre. Il sait tout faire, et très bien. Ce n’est pas le cas d’Agüero, handicapé par sa relative petite taille (1,73m) pour marquer des buts de la tête (5 depuis 2011). Exercice dans lequel le numéro 9 du Bayern brille et pointe à 17 réalisations, à égalité avec Cavani. Lewandowski a même inscrit trois buts avec d’autres parties du corps que les pieds ou le crâne. Preuve qu’il se débrouille toujours pour pousser le ballon au fond, peu importe la manière.

Non, Lewandowski n’est pas le meilleur buteur de ce club des cinq sur la période analysée. Il affiche "seulement" 116 réalisations au compteur, quand Ibrahimovic en compile 127 et Cavani en cumule 119. Mais l’ancien du Borussia Dortmund tire (et marque, par conséquent) beaucoup de moins de penalties que les deux attaquants du PSG. Si l’on enlève ces phases de jeu, alors il est le meilleur de tous. Ce qui est loin d’être anodin. A noter que Luis Suarez n’a pas inscrit le moindre penalty en club depuis quatre ans.

Dans le football moderne, un avant-centre se doit de savoir tout faire. Fini le temps où un attaquant de pointe pouvait se contenter de terminer le travail de ses coéquipiers sans participer au jeu collectif. Un virage que Lewandowski a parfaitement négocié. Avec 33 passes décisives, il se situe dans la moyenne de ses adversaires pour le titre honorifique de "meilleur numéro 9 du monde". Il est surtout loin devant Edinson Cavani, qui a délivré 13 offrandes pour ses coéquipiers depuis 2011. Ce n’est tout simplement pas son registre, qui n’est pas aussi riche que celle du Polonais.

S’il y a un domaine dans lequel Lewandowski pèche par rapport à ses concurrents directs, c’est sur les buts en dehors de la surface. Il y accuse le plus mauvais ratio de tous, avec 8 buts inscrits de loin, pour 10 à Agüero, 13 à Cavani, 15 à Ibrahimovic et 20 à Suarez. Mais le revers de la médaille, c’est que celui qui a vu sa carrière décoller au Lech Poznan a conservé l’âme de renard des surfaces qui fait les grands finisseurs. Avec 24 buts marqués dans les 6 mètres adverses, il renvoie tout le monde à ses études dans ce secteur. Alors oui, Lewandowski est certainement l’attaquant le plus complet du monde actuellement. Ce qui aurait dû lui valoir de faire les gros titres plus souvent.