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Gianluigi Buffon devrait faire l'unanimité, et pourtant...

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 01/06/2017 à 14:12 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - On ne présente plus Gianluigi Buffon, qui continue d'écrire sa légende avec la Juve et la Squadra Azzurra. Or, si vous êtes persuadés que tout le monde en tresse les louanges dans son pays, vous vous trompez.

Gianluigi Buffon lors de Juventus Turin - Crotone en Serie A le 21 mai 2017

Crédit: Panoramic

Un des aspects les plus déroutants du métier de journaliste est la déception que peut provoquer la rencontre avec les héros sportifs de notre jeunesse. Qu'ils soient de bons éléments, des champions, des légendes, ils ne sont pas toujours capables de contrôler leur égo, et on le serait à moins. En outre, ce sont avant tout des hommes avec leurs humeurs, leurs tracas, leurs anxiétés. A trop les idéaliser, on peut parfois tomber de haut. Lundi dernier, lors du media day de la Juve, une journée spéciale où journalistes du monde entier ont pu converser avec les joueurs avant la finale de Cardiff, j'ai naturellement croisé Buffon. Et bien c'est un des seuls que je regarde encore avec mes yeux de gamin, pour son statut de légende vivante certes, mais aussi sa façon d'être. Personne ne peut prétendre à la perfection, mais lui n'en est pas loin.

Le joueur fait toujours partie du haut du panier, l'homme aussi

Parlons de ses performances déjà, et reprenons la réponse de Chiellini à un confrère le questionnant sur les chances de Buffon de remporter le Ballon d'or : "Je crois que ce ne serait pas juste de le lui donner pour sa carrière comme j'ai pu lire, Gigi le mériterait pour ce qu'il fait et non ce qu'il a fait. Je n'aime pas l'idée de vouloir le sacrer pour l'ensemble de son œuvre et non pour la saison extraordinaire qu'il est en train d'effectuer." A 39 ans, il repousse avec énergie aussi bien les frappes adverses que les effets corrosifs d'un âge avancé pour sa profession. Que ce soit contre le Barca en quart (arrêt réflexe sur Iniesta) ou Monaco en demi (claquette sur Germain), il a été un contributeur actif du parcours de la Juventus. Sa capacité à rester concentré à un très haut niveau aussi stressant qu'épanouissant relève presque du paranormal. Buffon n'est donc pas seulement un des meilleurs gardiens que l'Histoire du foot ait connu, mais il reste encore un des meilleurs à son poste.
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Gianluigi Buffon face à Monaco

Crédit: Getty Images

Le footballeur est immense, le bonhomme, de ce qu'on en a pu voir en public, est grand. L'irréprochabilité est une chimère, le statut de "Grande Uomo" délicat à accorder, mais Buffon est sans nul doute quelqu'un de fair-play, linéaire, toujours prêt à reconnaître les mérites de ses adversaires. Savez-vous pourquoi on parle beaucoup moins des erreurs arbitrages pénalisant la Juve par rapport aux autres équipes ? Parce que son capitaine ordonne aux siens de ne pas se raccrocher à cette excuse caduque. Dans un football de plus en plus aseptisé, il réussit à ne jamais être banal quand il s'exprime. Ne pas être rébarbatif sans tomber dans les fautes de goût est chose rare de nos jours. Je n'aime pas les hagiographies mais force est de constater, en Italie du moins, que Buffon incarne le champion tous azimuts, le parfait successeur de Paolo Maldini dans ce cercle très fermé.

La mauvaise réputation

On peut tout à fait se méfier de l'excessive angélisaiton d'un footballeur ou d'un sportif et donc rester indifférent, mais que certains haïssent Buffon me surprendra toujours. En toile de fond, des faits instrumentalisés voire inventés. Les prétendus paris clandestins pour lesquels il n'a jamais été inquiété ou condamné par la justice sportive ou ordinaire. Ses soi-disant accointances avec les idéaux fascistes, par exemple, ce numéro de maillot 88 du temps de Parme qui n'avait évidemment rien à voir avec l'acronyme nazi, mais représentait en fait un double attribut masculin (besoin d'un dessin ?). Buffon a le "défaut" d'aimer sa patrie, suffit de le voir entonner l'hymne italien, les yeux fermés et à gorge déployée. Cela n'en fait pas pour autant un nostalgique de la dictature mussolienne. Par ailleurs, la dernière fois qu'il s'est exposé politiquement, c'était en faveur de Mario Monti et son gouvernement sans étiquette : "Je ne suis pas un nationaliste stupide, mais je constate que tous les autres pays possèdent ce sentiment, je le vois quand je joue contre d'autres sélections et nous ne pouvons pas l'illustrer uniquement aux Jeux Olympiques ou aux Coupes du Monde, c'est une forme importante d'éducation civique." Un discours équilibré, loin de l'extrémisme dont on veut l'affubler.

Le clivage permanent

Ça, c'est en dehors du terrain, sur, on lui a reproché un... manque d'hypocrisie. Deux phrases notamment. La première : "Mieux vaut deux blessés qu'un mort" en plein scandale du Calcioscommesse où il faisait justement une distinction entre les matches vraiment arrangés et ceux où les deux équipes ont tout intérêt à partager les points. Des propos que tout le monde pensent, mais que personne ne prononce. L'instrumentalisation faite a été particulièrement savoureuse. La seconde dans la foulée du fameux Milan-Juventus de 2012 et le but refusé de Muntari alors que le ballon avait largement franchi la ligne : "Si je m'en étais aperçu, je n'aurais pas averti l'arbitre". Comme ne l'auraient pas fait 99,99 % des footballeurs. L'erreur de Buffon a été de le dire publiquement. On continue de le vilipender cinq ans plus tard. Et il faut voir de la part de qui viennent les leçons d'intégrité.
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Gianluigi Buffon et les Juventini saluent le public du Juventus Stadium

Crédit: AFP

Des supporters ou journalises, ou les deux, impatients de le déclarer fini pour le haut niveau ou de le mettre à la retraite à la moindre petite erreur. C'est l'effroyable conséquence de l'extrême clivage découlant du maillot endossé par Gigi. Ou c'est blanc, ou c'est noir, jamais gris. Buffon mériterait pourtant d'être épargné par ce mécanisme aussi historique que grotesque. Ce paletot, il y a juré fidélité il y a onze ans, alors qu'à l'orée des plus belles années de sa carrière, il avait décidé de rester en Serie B : "Une décision prise pour démontrer concrètement que les valeurs du foot auxquelles j'adhère ne sont pas seulement déclamées mais aussi pratiquées", a-t-il déclaré le mois dernier au Corriere dello Sport. Onze ans plus tard, il a empilé six championnats, trois coupes et supercoupes d'Italie et une deuxième finale de Ligue des champions. Franchement, ça ne mérite pas un respect inconditionnel ?
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