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Manchester… City of football

Bruno Constant

Mis à jour 01/11/2017 à 18:45 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - Auteur d’un début de saison qui bat tous les records, l’équipe de Pep Guardiola suscite déjà les comparaisons avec les meilleures formations de l’histoire du football anglais. Mais sera-t-elle capable de maintenir ce niveau de jeu au moment de défier Naples à San Paolo ?

Pep Guardiola

Crédit: Getty Images

On le savait. On savait qu’avec les arrivées de Jose Mourinho et Pep Guardiola dans la même ville de Manchester, le même été, Manchester deviendrait rapidement la capitale du football anglais. On savait que le Portugais réinstallerait United à sa place, dans les sommets du football britannique. On savait aussi que l’Espagnol révolutionnerait à City la vision qu’on a du jeu en Angleterre.
Il faut l'avouer : on n’est pas déçu. On peut critiquer l’approche du "Special One" mais les Red Devils sont là et bien là, deuxièmes du championnat, dans la course au titre. On peut regretter l’arrogance, parfois, du "Genius One" mais le jeu des Sky Blues nous fait lever de notre siège, comme son Barça et son Bayern Munich, à certains moments (rappelez-vous la double confrontation Juve-Bayern en 2016). Deux techniciens formés dans le même berceau d’un football offensif, Barcelone, mais qui auraient été séparés à la naissance. L’un depuis tout jeune, comme joueur puis entraîneur. L’autre comme adjoint de Bobby Robson (199§-1997) puis Louis Van Gaal (1997-2000). Mais avec deux philosophies totalement opposées : l’une repose sur l’idée qu’on ne fait pas d’erreur quand on n’a pas le ballon, l’autre sur l’idée qu’on ne peut pas concéder de but quand on a le ballon.
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Des écharpes à l'effigie de Pep Guardiola et José Mourinho.

Crédit: Panoramic

Le récital des 30 premières minutes face à Naples

Il y a, évidemment, plusieurs façons de jouer et gagner un match, mais on prend tous davantage de plaisir en regardant une équipe qui attaque, prend le jeu à son compte et essaie de marquer par tous les moyens. C’est comme ça. Quand on est petit, on veut tous jouer "devant" pour marquer des buts et on dit aux moins doués techniquement d’aller derrière. C’est dans les gênes et dans les mœurs. Pep Guardiola, lui, n’a que cette idée en tête : jouer pour marquer, mais surtout jouer. Face à Naples (2-1) le 17 octobre dernier en Ligue des Champions, son équipe a caressé du pied la perfection où l’osmose de son jeu et la virtuosité de ses mouvements collectifs se sont confondues avec l’efficacité de ses attaquants.
Et ceux qui ont assisté au récital, au stade ou devant leur télévision, ne sont pas sortis indemnes. Beaucoup disent avoir assisté aux trente plus belles minutes de football - les trente premières - de leur vie. A titre personnel, je reste marqué par les trente premières minutes fantastiques du Barça de… Guardiola à l’Emirates face à Arsenal (2-2) en 2010 au terme desquelles mon impression d’apnée avait été confirmée par certains Gunners présents sur le terrain.
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Guardiola : "Très fier de notre performance"

City porte le football à un nouveau niveau
"Manchester City porte le football à un nouveau niveau", selon Alan Shearer. Un football de rêve, moderne, ambitieux où le mot collectif prend tout son sens. En dehors de l’"accroc" face à Everton (1-1) à l’Etihad Stadium où City a joué 45 minutes à dix, la formation de Guardiola a aligné treize succès, tous avec la manière, en treize rencontres, si on écarte la qualification acquise aux tirs au but face à Wolverhampton en coupe de la Ligue où le Catalan avait effectué huit changements. En l’espace de trois mois, City fait tomber les records un à un. Aucune équipe n’avait inscrit autant de buts après huit journées (29) depuis la saison… 1894-1895 (Everton), une époque où beaucoup de clubs d’aujourd’hui n’existaient même pas. City en compte 35 après dix journées, six de plus que Monaco l’an passé à même époque, un de plus que le PSG de Neymar-Mbappé-Cavani cette saison malgré un match en moins pour les Mancuniens, ce qui fait d’eux la meilleure attaque des cinq grands championnats européens comme des plus petits (Portugal, Pays-Bas, Ecosse, Autriche…).
Mais la suprématie des Citizens ne s’arrête pas là. Samedi, face à West Brom (3-2), l’équipe a établi le record du nombre de passes complétées dans une rencontre (844) depuis l’enregistrement de cette statistique par Opta (2003), et qui plus est à l’extérieur. City est également en tête dans les tous les compartiments du jeu : nombre de tirs (185), pourcentage de conversion (18%), ballons touchés dans la surface adverse (386), possession (72%), passes réussies (89%), tirs concédés (seulement 63) et ratio de tirs cadrés concédés (18%). Ajoutez à cela le record de victoires consécutives de l’histoire du club (13).
Même les blessures de Vincent Kompany et Benjamin Mendy n’ont pas enrayé la machine. Guardiola a fait de Stones un vrai défenseur central et Otamendi semble avoir retrouvé son niveau de Valence tandis que Fabien Delph, milieu défensif de formation, assure parfaitement dans son nouveau rôle de latéral gauche. Walker et Delph offrent même ce que Guardiola a toujours demandé chez ses latéraux. Le premier prend le couloir et évolue comme un ailier, le second repique dans l’axe où il évolue davantage comme un milieu de terrain, laissant le flanc à Leroy Sané. Car Guardiola ne révolutionne pas seulement le jeu, son exigence fait également progresser ses joueurs. On n’a pas attendu l’arrivée du Catalan pour connaître le talent de Kevin De Bruyne, mais, avec lui, le Belge a pris une toute autre dimension. "KDB" n’est plus seulement un excellent passeur excentré. Repositionné dans l’axe, il est devenu le patron du jeu, organisateur, récupérateur grâce à un gros volume de jeu. La métamorphose est encore plus marquante chez Sterling et Sané. Après deux mois et demi de compétition, les deux joueurs ont déjà égalé leurs statistiques offensives de la saison passée : 6 buts et 5 passes décisives en dix journées pour l’Allemand contre 5 et 3 l’an passé, 7 buts et 2 passes pour l’Anglais (contre 7 et 6 en 2016-2017), meilleur buteur du club.
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Kevin de Bruyne, Leroy Sané et Raheem Sterling

Crédit: Getty Images

Meilleur que le Chelsea 2005-2006 de Mourinho ou les "Invincibles" d’Arsenal ?

A tel point que journalistes et observateurs britanniques commencent à comparer le City de Guardiola aux meilleures équipes de l’histoire du football anglais. Avec 28 points en dix journées, City a déjà fait plus fort que le Manchester United d’Alex Ferguson post-triplé (25 en 1999-2000) qui avait terminé avec 18 points d’avance, plus fort encore que les "Invincibles" d’Arsène Wenger (23 en 2003-2004) invaincus toute la saison, plus fort que le Chelsea de Carlo Ancelotti (24 en 2009-2010) recordman du nombre de buts inscrits sur une saison (103). Seules deux formations ont réalisé un départ aussi rapide : le Chelsea de Mourinho en 2005-2006 et le… Manchester City de Mancini en 2011-2012. Ces deux équipes avaient remporté le titre en fin de saison.
A son époque, Manchester United était le parfait assemblage entre expérience (Schmeichel puis Barthez, Staam, Keane, Sheringham) et jeunesse talentueuse (Beckham, Giggs, Scholes…). Arsenal alliait l’incroyable puissance physique et athlétique de son back four (plus Vieira et Gilberto au milieu) à la vitesse de ses joueurs offensifs (Henry, Pires, Wiltord, Ljunberg) à l’image du Chelsea de Mourinho qui dévorait ses adversaires, devant (Drogba, Robben, Essien) comme derrière (Terry, Carvalho, Gallas, Makelele). Aujourd’hui, la jeunesse est à fois la force de l’équipe de Guardiola et peut-être sa future faiblesse. De Bruyne a eu 26 ans en juin mais Stones n’a que 23 ans, Sané 21, Sterling 22, Jesus 20, sans oublier Mendy 23 et il est possible que, dans les moments faibles, et il y en a dans une saison, le manque d’expérience se ressente. Elle priera pour que Fernandinho, pièce maitresse de son équilibre, ne se blesse pas et que Kompany revienne vite.
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Pep Guardiola

Crédit: Getty Images

Eviter la chute habituelle de novembre-décembre-janvier

Car aucune équipe n’est championne en octobre et les rendez-vous européens qui comptent se disputent au printemps. Manchester City devra confirmer cette envolée lyrique et collective sur toute une saison et éviter le trou d’air qui frappe les Citizens lorsqu’on passe à l’heure d’hiver. Lors des deux précédentes saisons, City affichait une moyenne de 2,3 points par match en Premier League sur la période août-septembre-octobre. Mais celle-ci chutait à 1,6 et 1,7 point en novembre, décembre et janvier. Les mois les plus difficiles en Angleterre. La période de l’année où les terrains deviennent gras, où il est plus difficile encore d’aller à Stoke, Burnley ou West Brom, où les rencontres s’empilent, où les blessures s’accumulent, où les premières places de poules de Ligue des Champions se décident et où le football anglais continue de jouer alors que tout le monde ailleurs en Europe s’arrête et se repose durant les fêtes de fin d’année.
C’est le challenge proposé à son équipe qui, malgré une incroyable moyenne de 2,8 points par match, distingue toujours Manchester United dans son rétroviseur. C’est surtout le défi de Guardiola de montrer que l’ambition de son jeu peut vivre toute une saison. Et c’est une manière de rappeler qu’au-delà de ses trente minutes de rêve face à Naples, "Man City" a aussi souffert en seconde période face aux Italiens qu’ils retrouvent ce mardi.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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