Bordeaux en veut encore

Pour sa première confrontation face à l'Etoile Rouge de Belgrade, un géant européen en sommeil, les Girondins de Bordeaux ont rappelé au Stade Chaban-Delmas les frissons que l'on pouvait ressentir les soirs de Coupe d'Europe. Cela reste un barrage de Ligue Europa, le deuxième étage de la scène européenne, mais le scénario, dantesque, avec deux buts en trois minutes dont le penalty de la qualification signé Gouffran dans les arrêts de jeu, laissera de beaux souvenirs aux supporters bordelais. Un public marine et blanc qui était clairement en manque de sensations depuis deux saisons.

Cette soirée folle, c'est encore Francis Gillot qui l'a raconte le mieux. "Un beau petit scénario, surtout quand l'issue est favorable. Il y a eu tellement de choses dans ce match que c'est difficile à raconter. On est frustré à la mi-temps car on ne mérite pas d'être mené 1-0. Il y a un sentiment d'injustice chez les joueurs. On revient gonflé à bloc, avec les tripes, on égalise, on perd un joueur expulsé, on met un deuxième but, et après quand ils égalisent à 2-2, on pense que c'est perdu. Et il y a le remake de Lorient (1-0 le 13 mai dernier, avec un penalty de Gouffran à la 90+2) qui fait qu'on arrive à se qualifier à la dernière minute. Ce sont des bons moments à passer, surtout quand on gagne". Le résultat est probant et il confirme la bonne marche des clubs français face aux formations serbes (depuis 2003, la France s'est imposé à dix reprises pour trois nuls et une défaite).

De son côté, Yoann Gouffran, auteur d'un doublé dont le but décisif, a livré son secret sur le penalty de la délivrance. "J'ai fait le vide (sur le penalty). Ça me rappelait le match de Lorient, la saison dernière (37e journée), je me suis dit 'il faut le tirer sans pression, au même endroit' (...) Tout le monde a fait des efforts sur le terrain, même les remplaçants. On avait les supporters qui poussaient vraiment, qui étaient derrière nous pour se qualifier. Cela fait deux ans qu'on galérait pour jouer la Coupe d'Europe. Mentalement, cette qualification va faire du bien pour la confiance".

Malgré le succès, certes un peu poussif vu le scénario du match, les Girondins de Bordeaux ont pris un certain contre-pied par rapport à la fin de la saison dernière où la qualification en Coupe d'Europe posait problème et prêtait à débat. L'attitude des dirigeants bordelais avait remis au goût du jour la discussion sur l'implication réelle des clubs français qui disputait la C3. Un débat sous fond de coefficient européen (la France est passée 6e derrière le Portugal). L'ambiance qui règne actuellement autour du groupe de Francis Gillot a donc certainement changé la donne. Avant le match aller à Belgrade, Jean-Louis Triaud avait même reconnu un certain manque. "On a parfois tordu le nez à l'idée de jouer l'UEFA, on avait banalisé l'évènement, mais on s'est aperçu après deux saisons sans la jouer que ce n'était pas si mal".

Francis Gillot, semble-t-il transfiguré par la manière, est allé dans le même sens. "C'est le coeur des joueurs qui a parlé, on voulait vraiment cette qualification. Franchement, félicitations à tous les joueurs. On est heureux parce que les gens sont heureux dans les tribunes, on sent un parfum de Coupe d'Europe. On va se battre pour sortir des poules". Bonne nouvelle, cette phase de poules, Bordeaux l'abordera en tant que tête de série - un paramètre qui devrait faciliter son parcours - un statut qu'il doit en partie à son quart de finale de C1 lors de la saison 2009/2010. Cette année-là, le Bordeaux de Laurent Blanc avait terrassé le Bayern Munich et la Juventus (en phase de poules) avant de s'éteindre à petit feu. Deux années et des poussières plus tard, il est grand temps d'aller chercher la rédemption. C'est un enjeu national.