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Pendant que l’OM œuvre pour rester parmi les grands, Braga se bat pour le devenir

Nicolas Vilas

Mis à jour 22/10/2015 à 00:37 GMT+2

LIGUE EUROPA - Ce jeudi est celui de la première confrontation officielle entre Braga et Marseille. Un duel de faux-frères, de deux outsiders, en quête de statut. Celui du grand qu’il était pour l’OM contre le Guerrier du Minho qui œuvre pour le devenir.

Michy Batshuayi et l'OM face à Braga jeudi

Crédit: Eurosport

Avant de pénétrer, ce jeudi soir, dans l’atypique enceinte rocheuse (et sans virages) de Braga, les Phocéens auront peut-être exploré les rues piétonnes, presque pieuses, de la "Cité des archevêques". L’OM y affronte le Sporting de Braga, en Ligue Europa. Une première entre deux habitués à l’Europe (qui sortent tous deux d’une inhabituelle saison sans).
Dans les faits, l’un l’est plus que l’autre. Les Olympiens titillent la centaine de matches en C1. Les Portugais en comptent une douzaine. Preuve s’il en faut du fossé séparant ces deux écuries, même si sur les autres compétitions c’est bien plus serré (62 rencontres de C3 et 10 de C2 pour Braga, contre 63 et 14 pour l’OM).

Deux outsiders

Le SCB, sa Coupe du Portugal (1966) et sa Coupe de la Ligue (2013) pèsent peu face à l’OM, ses neuf titres de champions de France, ses dix Coupes de France (un record), ses trois Coupes de la Ligue, ses deux Trophées des champions et, surtout, sa C1 et ses quatre finales continentales. Un (gros) détail qui fait dire à Vincent Sasso qu’il est "difficile de comparer l’histoire des deux clubs. Je pense que l’OM est plus fort mais Braga va jouer au ballon et leur créer des problèmes. Ce sera ouvert et très équilibré."
Pour le défenseur français actuellement prêté par les Guerriers du Minho à Sheffield Wednesday, "Braga est un grand au Portugal. Evidemment, tu as les trois incontournables (Benfica, Porto, Sporting) mais, depuis quelques années, clairement, ils poussent."
Au point de concurrencer l’incontournable trio. Braga a été le principal pourvoyeur de la Seleção lors du dernier Mondial (trois joueurs, soit autant que le Real Madrid) et du dernier Euro (trois joueurs comme le FC Porto et le Real). Dans le même temps, l’OM avait envoyé un élément au Brésil (Valbuena) et trois à l’Euro 2012 (Mandanda, Alou Diarra et Valbuena).
Pour l’ancien marseillais Modou Sougou, qui a rejoint Sasso à Sheffield cet été, "nous sommes face à deux grands clubs qui sont des challengers dans leur championnat." "Braga a beaucoup grandi ces derniers temps et je pense que c’est grâce à la Coupe d’Europe, analyse l’international sénégalais. N’oublions pas que c’est une équipe qui a disputé une finale de Ligue Europa en 2011. Mais elle n’est pas encore au niveau de Marseille qui reste un très grand club avec plus de moyens." Sasso l’ex-gamin du PSG et Sougou l’amoureux de l’OM ont déjà prévu de mater la rencontre entre leur ex ensemble. Et ça chambre déjà…
Braga - OM : Tableau comparatif

La stabilité

Depuis 2003, les Portugais ont atteint l’Europe (hors Intertoto) via le championnat à dix reprises (sur ses douze saisons). L’OM sept fois. Le pire classement du SCB sur cette douzaine est une neuvième place (2013-2014). Dans le même temps, l’OM a tout vécu. La joie d’un neuvième titre (2010), une dixième place douloureusement compensée par une Coupe de la Ligue (2012) et, globalement, une instabilité chronique. Ce début de saison en serait-il un énième témoin ? Une série de six matches sans succès pour l’OM et de six sans défaite pour Braga, avant leur duel.
2003 est l’année année du premier mandat d’António Salvador, le président bracarense qui, au loin, aura vu Boucher, Diouf, Dassier et Labrune se succéder sur le trône de la Commanderie. Et si les deux clubs ont troqué une douzaine de fois d’entraîneurs au cours de la dernière décennie, ils n’en ont pas tiré le même avantage. Pendant que les Marseillais négociaient la résiliation de ses techniciens, les Minhotos monnayaient certains des leurs (comme Jesus parti au Benfica pour 700 000 euros en 2009).
Braga a été un lieu de valorisation pour pas mal de managers : outre Jesus, Jardim, Domingos et même Jesualdo Ferreira s’y sont "vendus". Seule ombre au tableau, le récent divorce avec Sérgio Conceição. Le SCB est devenu un label pour joueurs et techniciens. Ces derniers sont tous portugais depuis plus de douze ans. Témoin d’une tendance nationale et nationaliste. Il faut remonter à la saison 2005-2006 pour trouver un étranger champion au Portugal (Co Adriaanse avec le FC Porto). A l’OM, on aura tenté des « locaux » (Anigo, Emon), un Loco (Bielsa), des étrangers (Gerets, Michel), des rôdés (Fernandez, Baup), des mondialistes (Troussier, Deschamps), avec plus ou moins de réussite…
Premier joueur de nationalité française de l’histoire du Sporting de Braga (1986-1987), Manuel Abreu résume : "Braga est un club qui se caractérise par sa stabilité. Sportive et administrative. Même s’il y a beaucoup de mouvements sur le banc et dans le vestiaire, la Direction perdure et sait gérer ce type de situation." "L’OM ne jouit pas de cette continuité mais n’est-ce pas dans les gènes de ce club ?" sourit l’actuel technicien du Racing.

Pas les mêmes moyens, la même retenue

Niveau finances, Braga et l’OM n’évoluent pas dans la même catégorie. Les Phocéens affichent le quatrième budget de France, à plus de 120 millions d’euros. Les Arsenalistes (regardez leur maillot, vous comprendrez le sobriquet) tournent autour de 10 millions d’euros, cette saison. Et là aussi, il s’agit du quatrième club le plus "riche" de son championnat. Les deux clubs cristallisent l'écart séparant ses deux réalités distinctes que sont la Ligue 1 et la Liga, paradoxalement si proches à l’indice UEFA. La plus grosse acquisition de l’histoire du SCB à ce jour (Ruben Micael en 2013 pour trois millions d’euros) équivaut au salaire annuel d’un Bielsa ou d’un Gignac.
Si l’OM affiche des chiffres en hausse par rapport à l’année dernière, c’est parce qu’il a retrouvé l’Europe et réalisé d’importantes économies en salaires (avec les départs d’Ayew ou Gignac). L’heure est toutefois à la retenue pour les deux. Margarita Louis-Dreyfus n’a ni passion ni la patience de son défunt mari et n’est pas fermée à la possibilité d’une revente.
A Braga, António Salvador a connu des jours meilleurs. Britalar, sa société en BTP, a accumulé plus de 60 millions d’euros de dettes auprès de 600 créanciers. Et certains d’entre eux perdent patience. Après avoir exigé le paiement de 1,3 millions d’euros et demandé l’insolvabilité personnelle de Salvador, Domingos Correia vient d’être condamné pour diffamation. Le propriétaire de Europa Ar Lindo avait fait circuler des camions dans la ville de Braga sur lesquels étaient placardées des affiches : "A Mr le Président du SC Braga : paie ce que tu dois."
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Ruben Micael (Braga)

Crédit: Imago

Mendes, Doyen & "trading"

Le Sporting de Braga demeure toutefois l’un des symboles les plus marquants du savoir-faire à la portugaise en matière de gestion : recruter malin, valoriser ses actifs et les vendre le mieux possible. Un modèle que l’OM semble vouloir suivre, constate Sougou : "Marseille et Braga ont un peu la même politique en ce moment : faire venir de jeunes talents pour les valoriser et réaliser des plus-values."
Pour y parvenir, le SCB s’en remet au réseau du super-agent Jorge Mendes dont Salvador est proche. Le patron de la Gestifute avait lui-même acheté les droits économiques de Wallace (aujourd’hui à Monaco) ou Danilo Barbosa (Valence) avant de les mettre à disposition des Minhotos. Les plus belles ventes du club (Pizzi, Silvio, Aderlan, Orlando Sá…) ont été estampillées Mendes.
A l’OM, c’est auprès de Doyen Sports qu’on s’en remet. La société siégeant à Malte et dirigée par le Portugais Nélio Lucas a été impliquée dans les arrivées de Michel, Rolando ou les départs de Sougou et Imbula. Vincent Labrune semble éprouver un certain penchant pour ce "know-how" ibérique. "L’esprit hispanique ou sud-américain convient mieux à ce que je veux faire de ce club", déclarait-il récemment à L’Equipe Magazine. Le président marseillais assume son club comme étant "un tremplin dans le plan de carrière" de certains joueurs. "Aujourd’hui, le trading de joueurs est une ressource fondamentale pour nous", poursuit-il. Pour les clubs portugais – Braga plus encore que les trois grands pour qui les droits télé sont bien supérieurs – la commercialisation de ses actifs intangibles (footballeurs) est une source de recette indispensable.

Formation : Braga, l’exemple à suivre pour l’OM ?

Mercredi 7 octobre, les socios du Sporting de Braga ont aprouvé le projet de construction du centre de formation et du pavillon du club. A elle seule, l’academia – œuvre prioritaire – a été estimée à 5 millions d’euros. Les travaux doivent démarrer dès le mois prochain. Voilà près de dix ans que Salvador porte ce projet qui dépendait du soutien de la municipalité. Celle-ci vient de voter la donation des terrains pour faire enfin sortir de terre celui qui sera le premier "vrai" complexe de formation et d’entraînement du Portugal après ceux des trois grands.
Le président Salvador se félicité de ce "moment historique" : "Pour la première fois le club aura son propre patrimoine." De quoi rendre envieux les dirigeants Olympiens. Pendant que Braga entreprend un virage dans son histoire, l’OM peine à négocier les siens. Marseille et son aire urbaine de près de deux millions d’habitants (dix fois plus que celle de Braga) reste une anomalie en France, pays réputé pour sa formation.
Ce jeudi, Braga sera le (plus) petit. Mais Salvador y croit : "Les noms ne gagnent pas des matches." Et comme le scande Manu Abreu : "Si l’humilité ne rend pas meilleur, juste un peu différent…"
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