L'équipe de France en tournée en Amérique du Sud : dix bonnes raisons de suivre la tournée

Grenier, c'est le tube du moment. Deux coups francs juninhesque avec l'OL et voilà le petit prince de Gerland appelé à défendre les couleurs de la sélection nationale. Grenier, c'est l'élégance, la justesse et une certaine idée du romantisme. Le genre de joueur auquel on a envie de confier le destin d'une équipe. Problème, il lui reste à faire ses preuves. Le jeune Clément n'a que 22 ans et n'a pas encore le volume de jeu ni la régularité d'un cador. Il est encore beaucoup trop tôt pour le considérer comme une menace crédible pour un Valbuena qui transforme tout ce qu'il touche en or depuis plusieurs mois déjà en équipe de France. Il lui manque ce "vécu international" comme l'a rappelé Deschamps dimanche. En 2011, Marvin Martin avait crevé l'écran lors de la tournée en Europe de l'Est. Grenier a le profil type pour éclairer les deux dernières sorties des Bleus cette saison. Et s'installer comme le tube de l'été.

Nasri forfait de dernière minute, Yoann Gourcuff va prendre une bonne partie de la lumière qui escorte les Bleus en Amérique du Sud. Bien sûr, il ne goûte guère à ce genre d'attentions mais c'est un passage obligé. Absent des radars depuis l'Italie-France (1-2) de novembre dernier, il est la bonne raison de se pencher sur ces Uruguay-France et Brésil-France. Intéressant à Lyon en cette fin d'année, il escorte toujours avec lui ce fol espoir de s'imposer comme le leader technique des Bleus. Il a cette grâce dans les pieds, du caviar dans les chaussures et cette justesse dans le coup d'oeil qui en font un joueur à part. Loin de France et des débats que suscite sa carrière inaboutie jusqu'ici, il a une énième occasion de prendre les clés du camion et de s'affirmer, en l'absence de Ribéry, comme le leader qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être.

Mercredi 5 juin, Uruguay-France. Karim Benzema fêtera un anniversaire dont il se serait bien passé. Le 5 juin 2012, face à l'Estonie (4-0), il inscrivait son dernier but en Bleu. Depuis, plus rien, le trou noir. Soit douze matches sans marquer ou 1009 minutes. Pour l'avant-centre qu'il est, c'est une anomalie qui fait tâche. Didier Deschamps continue de lui faire confiance au détriment d'un Olivier Giroud pourtant efficace en sélection. Car Benzema est, pour le sélectionneur actuel comme pour son prédécesseur, Laurent Blanc, l'attaquant de classe mondiale qu'il faut aux Bleus. Le problème, c'est que le Madrilène ne finit plus le travail et des sifflets ont accompagné sa dernière sortie au Stade de France. Cette fois, il sera loin. A 11.000 kilomètres d'un pays qui s'interroge de plus en plus de sa légitimité en pointe.  

Ribéry absent, Evra non retenu, Clichy blessé, c'est tout le côté gauche, le côté fort des Bleus lors de leurs dernières sorties, qu'il faut reconstruire. Les Trémoulinas, Mathieu, Gourcuff voire Payet se voient offrir une chance inouïe de reconstruire un côté fermé à double tour par les tauliers. Deschamps a justifié l'absence d'Evra par des critères "sportifs". Trémoulinas et Mathieu ont l'occasion de se rappeler au bon souvenir d'un sélectionneur qui les a souvent oubliés cette saison. Entre Gourcuff et Payet se joue en revanche le poste de doublure de Ribéry. Le Munichois a cadenassé son couloir. Le Réunionais et le Lyonnais se contenteraient des miettes et cette tournée doit dessiner une hiérarchie claire sur l'aile gauche.

Paul Pogba, Yohan Cabaye, Blaise Matuidi. Aucun des trois milieux de terrain aligné face à l'Espagne ne jouera contre la Géorgie. Trois suspensions qui pourraient faire le bonheur d'Etienne Capoue, Josuha Guilavogui, Yoann Gourcuff ou Clément Grenier dans un rôle de milieu relayeur. Les quatre hommes, plus Moussa Sissoko, actuellement blessé, se disputent l'entrejeu à Tbilissi. Ces deux matches auront valeur de répétition générale où chacun aura l'occasion de montrer ce qu'il a dans le ventre. Ceux-ci auront sans doute un peu plus à jouer que les autres car, au bout de l'Amérique du Sud, Deschamps aperçoit déjà la Géorgie.

A droite, Laurent Blanc et Didier Deschamps ont tout essayé. De Jérémy Ménez à Moussa Sissoko en passant par Loïc Rémy ou Samir Nasri, avec une pointe d'Hatem Ben Arfa. Personne n'a donné satisfaction et le constat s'est dessiné un peu plus nettement à chaque match : les Bleus n'ont pas trouvé l'ailier droit qui rééquilibrerait son animation offensive.  Conscient du problème, Deschamps a emmené dans ses bagages deux spécialistes. Un Dimitri Payet incandescent cette saison à Lille. Et un Alexandre Lacazette prompt à manger de la craie dès qu'il entre sur le terrain. Et si le parent pauvre du onze tricolore depuis plusieurs mois trouvait enfin en Amérique du Sud le joueur capable de lui redonner un intérêt ?

C'est un stade d'un autre temps, d'un autre siècle. 1930, première Coupe du monde, le Centenario sort de terre : un vaisseau de béton aux tribunes semi-enterrées qui peut accueillir plus de 70 000 personnes. Le Centenario, c'est une cathédrale du football qu'il est bien difficile de conquérir. Le Brésil ne s'y est imposé que deux fois en vingt rencontres. Ce stade ne s'offre pas au premier venu. L'Uruguay y a décroché la première Coupe du monde et quatre Copa America. L'ambiance chaude de Montevideo transforme ce géant d'un autre âge en cuvette incandescente les soirs de matches. Un vieillard à la jeunesse éternelle auquel les Bleus se frotteront mercredi.

L'Italie (victoire 1-2), l'Espagne à deux reprises (1-1 puis défaite 0-1) et l'Allemagne (défaite 1-2). En quelques mois, la France s'est frottée au gratin européen. Si le résultat ne fut pas toujours au rendez-vous, les Bleus ont enchainé les performances de choix face à la crème de la crème validant un peu plus la thèse d'un potentiel retour au premier plan. En un peu moins de douze mois, Deschamps a remis les Bleus sur les rails. L'Uruguay, lauréat de la dernière Copa America, et le Brésil des Neymar, Thiago Silva et autres David Luiz doivent valider cette tendance.

La défense des Bleus va se frotter à ce qui se fait de mieux ou presque en termes de menace offensive en une semaine. Les Uruguayens Cavani et Suarez pour démarrer et le néo-Barcelonais Neymar pour finir soit le meilleur attaquant de Serie A, le deuxième meilleur buteur de Premier League et la perle de Santos. Sans compter les Lucas, Diego Forlan et autres Fred, Damiao ou Hulk. Si elle tient le choc, l'arrière-garde française pourra bomber le torse.  Mais c'est un véritable test pour Sakho, Rami et Koscielny qui, en l'absence de Varane, ont une vraie occasion de s'affirmer. La charnière est un éternel chantier et Deschamps est toujours à la cherche de la bonne formule. La redoutable adversité proposée lors de cette tournée pourrait dessiner une hiérarchie plus claire.

Parce que, mine de rien, mettre les pieds au Brésil un an avant la Coupe du monde, ça n'a rien d'anodin. Les Bleus, certes encore loin du Mondial, viennent prendre leurs marques. Comme la tournée en Europe de l'Est en 2011, ce périple doit leur mettre l'eau à la bouche des Tricolores. Leur laisser entrevoir ce qui peut les attendre en 2014. Ciel bleu, chaleur toute relative : ils tâtent le terrain histoire d'éviter les mauvaises surprises l'an prochain. Une acclimatation sans pression du résultat histoire de planter le décor. Même si le plus dur, décrocher son billet, reste à accomplir.