Chelsea : "Mazacar", la délicate cohabitation d'un trio de meneurs (Mata, Hazard, Oscar)

Le nouveau visage de Chelsea était l'une des attractions de la saison. Après avoir remporté le titre de champion d'Europe, les Blues ont opté pour un sérieux lifting symbolisé par le départ de Didier Drogba et les arrivées d'Eden Hazard et Oscar. Une nouvelle philosophie de jeu a été promue, où la combativité et l'impact physique ont laissé place à la technique et la créativité incarnées par "Mazacar", le surnom donné à ce trio d'artistes composé par Juan Mata, Hazard et Oscar. Faire cohabiter ces trois joueurs était un pari ambitieux pour Chelsea, au-delà du changement radical que cela impliquait dans le style de jeu des Blues. Malgré la complémentarité du trio, malgré la volonté de Roberto Di Matteo, puis de Rafael Benitez de bien l'entourer, le pari n'a pas été totalement payant dès la première saison. Mata, Hazard et Oscar n'ont d'ailleurs débuté ensemble qu'un match sur trois, en moyenne, ce qui traduit la cohabitation délicate de ces trois joueurs.

L'enjeu de cette cohabitation entre Mata, Hazard et Oscar, c'est d'abord le potentiel créatif exceptionnel de ce trio et les possibilités qu’il offre à l'animation offensive des Blues. Au départ, les trois joueurs sont des animateurs plus que des finisseurs. Cela semble probablement moins net dans le cas d'Hazard, dont les qualités devant le but ont fait du Belge le troisième meilleur buteur de Ligue 1 en 2011/2012 avec 20 réalisations. Ça ne doit faire oublier qu'il était aussi le meilleur passeur du championnat de France avec 15 passes décisives avant de s'envoler pour l'Angleterre. Pour sa première saison en Premier League, l'ancien Lillois a ainsi autant marqué que fait marquer jusqu'ici (13 buts et 13 passes décisives). C’est pour faire usage de ses qualités de finisseur qu’il évolue légèrement plus haut que Mata et Oscar, plus près de l'attaquant, avec une liberté de mouvement totale en partant de son côté gauche.

L'intelligence dans les déplacements est une autre qualité commune chez les trois joueurs. Elle est même essentielle à la cohabitation du trio où Mata et Oscar évoluent plus en moins en alternance dans un rôle axial, en soutien de l'attaquant de pointe, ou sur le côté droit. Derrière, la faculté des trois joueurs à dézoner à bon escient et à se chercher rapidement par des enchaînements de passes courtes fait la complémentarité du trio. Mais ce trio, c'est surtout trois individualités dont l'efficacité offensive se lit dans les statistiques. De ce point de vue, Mata réalise une saison XXL, probablement la meilleure de sa carrière avec 18 buts et 27 passes décisives toutes compétitions confondues. En tenant compte des chiffres d'Hazard et des 11 buts et des 8 passes décisives d'Oscar, cela fait un total plus que respectable de 42 buts et 48 passes décisives réparti entre ces trois joueurs cette saison. Mais compte tenu d'un temps de jeu commun relativement faible, ces chiffres traduisent surtout la faculté de ces trois joueurs à faire jouer leur équipe qu'à jouer entre eux.

Mata, Hazard et Oscar n'ont pas eu des statistiques aussi convaincantes sur leur seul talent individuel.   Si ces trois hommes ont affiché beaucoup d'efficacité sur le plan offensif, c'est aussi parce qu'ils sont bien entourés, avec des joueurs dont le profil est très complémentaire de ces trois créateurs. A commencer par l'attaquant de pointe. Fernando Torres est à des années lumières de l'avant-centre dominant qu'il était en 2008. L'Espagnol a cependant légèrement haussé le niveau depuis l'arrivée de Rafael Benitez et son jeu, notamment sa qualité technique et ses appels de balle, aussi sa faculté à opérer comme un pivot, complètent bien les vertus du trio Mazacar. Et Chelsea dispose en Demba Ba d'un autre profil en pointe, plus physique et plus efficace dans la finition, qui s'avère lui aussi très complémentaire de ces trois créateurs, qu'ils soient alignés ensemble ou non d'ailleurs. 

Des appuis, Mata, Hazard et Oscar en trouvent aussi venus de l'arrière. Dans le 4-2-3-1 mis en place par Di Matteo, puis conservé par Benitez, l'un des deux milieux récupérateurs a la liberté de se porter vers l'avant pour apporter le surnombre, qu'il s'agisse de Frank Lampard ou de Ramires. Cela permet notamment d'avoir une solution supplémentaire dans l'axe, d'autant plus dangereuse compte tenu de la faculté de Mata, Hazard ou Oscar à ressortir des bons ballons dans l'axe après avoir porté le jeu sur les côtés. Dans cette perspective, l'apport offensif des latéraux de Chelsea est un paramètre important de l'efficacité de son trio de créateurs. Notamment celui de Cesar Azpilicueta. L'ancien Marseillais est l'un des meilleurs passeurs de Premier League parmi les latéraux (4 passes décisives) et l'un des joueurs les plus précis du championnat sur les centres (26,76% de centres qui ont trouvé un partenaire). Il symbolise ainsi les bienfaits de la créativité de Mata, Hazard et Oscar sur l'expression des qualités offensives des autres joueurs de Chelsea.

Rafael Benitez n'a pas montré moins de réticences que Roberto Di Matteo à aligner Mata, Hazard et Oscar ensemble d'entrée de match. Depuis que l'Espagnol a pris place sur le banc de Chelsea, il n'a aligné ce trio au coup d'envoi qu'à 12 reprises en 40 rencontres. Avec les trois titulaires en même temps, les Blues affichent un bilan très correct de 6 victoires, 4 nuls et 2 défaites, toutes compétitions confondues, qui doit cependant être nuancé. Ainsi, malgré le potentiel offensif de ce trio et les très bonnes statistiques individuelles de chacun de ses membres, Chelsea n'a marqué plus de deux buts qu'une seule fois lors des matches où ils ont tous les trois débutés. C'était face au Steaua Bucarest, en 8e de finale retour de la Ligue Europa (3-1). Benitez préfère la plupart du temps se passer de l'un de ses trois meneurs pour aligner Victor Moses, dont l'impact physique et le pouvoir de percussion permettent notamment de diversifier l'animation offensive des Blues.

Si Moses est une solution souvent privilégiée par l'entraîneur de Chelsea, c'est aussi parce que cela donne une dimension athlétique qui fait cruellement défaut aux Blues quand Mata, Hazard et Oscar sont alignés ensemble. C'est notamment très visible à la perte du ballon et dans les phases repli défensif, domaine dans lequel les trois joueurs ont encore une énorme marge de progression et qu'ils ont dû travailler au fil de la saison. En contrepartie, ces efforts consentis pour mieux défendre nuisent fatalement à leur rendement offensif. Cette lacune avait d'ailleurs été pointée par Sir Alex Ferguson dès le début de la saison. "La première fois que j'ai vu Oscar, Hazard et Mata jouer en même temps, je me suis dit que c'était un risque. Si l'adversaire parvient à les contenir dans l'axe, alors il a une chance", avait prédit le manager des Red Devils. La cohabitation de ces trois meneurs a ses limites qui expliquent les réticences de Benitez à l'utiliser systématiquement. Mais elle a affiché assez de potentiel pour que l'idée soit travaillée dans les années à venir.