Droits TV : la Premier League est en vente

Enfin ! Vous étiez nombreux depuis des semaines à demander quand les droits de la Premier League seraient sur le marché. Selon l’Equipe d’hier, c’est désormais chose faite : les diffuseurs français auraient ainsi reçu l’appel d’offres pour les trois saisons à venir. Que va-t-il se passer maintenant ?

D’un côté, Canal+ : détenteur de ces droits de diffusion depuis six ans, le groupe paye actuellement environ 24 millions d’euros par an (selon l’Equipe). Après la Ligue 1, qui reste pour Cyril Linette le feuilleton le plus important et le plus fédérateur pour la chaîne, la Premier League représente un vecteur d’abonnements évident, bien plus en tout cas que la Liga, perdue par Canal+ au profit de beIN Sport, que la Serie A ou la Bundesliga, dont les deux chaînes concurrentes se partagent aujourd’hui les droits.

La Premier League permet également de remplir très avantageusement les grilles de Canal+Sport et d’offrir des week-ends de prestige sur Canal+ lors des grandes affiches. Bref, et même si le patron des sports de Canal+ juge le championnat anglais comme une "cerise" sur le un gâteau Ligue 1/Top 14, une perte des droits pourrait, dans l’esprit des abonnés et des amateurs de foot en général, vraiment être considérée comme un coup dur. Car, alors, beIn, avec, sur le papier, la Ligue 1, la Ligue des Champions, la Ligue Europa, un peu de Serie A, de Bundesliga, sans oublier la NBA, présenterait à ceux qui n’ont pas encore franchi le pas une vitrine très alléchante, surtout à onze euros par mois. Même si l’on sait, en regardant de près, que derrière la vitrine, le magasin n’est tout de même pas encore aussi bien achalandé que celui de son concurrent le groupe Canal. Normal.

Mais la télé, c’est aussi de la Com’. Et l’on a bien vu que les slogans de beIN Sport tels que "100% de la Ligue 1" ou "100% de la Ligue des Champions", qui ont eu le don de fortement irriter Canal+, ont pourtant sans doute permis de convaincre bon nombre de personnes de rejoindre beIN Sport. Un slogan avec la Premier League en vedette et les images des clubs tels que les deux Manchester, Chelsea, Arsenal et les stars qui vont avec, ferait son effet sur les indécis, indéniablement. Canal+ peut-elle se permettre de perdre la Premier League, le championnat le plus populaire à travers le monde ? Telle est la question à laquelle il faudra répondre avant le 22 janvier, date de clôture, théorique, de l’appel d’offres, toujours selon l’Equipe.

De l’autre côté, nous avons donc le principal – le seul ? – concurrent de Canal+, beIN Sport. Là encore, il semble évident pour tout le monde que la chaîne tentera d’arracher ces droits. Pourtant, lors d’une de ses dernières sorties médiatiques, le patron de la chaîne,  Nasser Al-Khelaïfi, ne semblait pas plus que ça obsédé par l’acquisition du foot anglais : "Je ne suis pas très motivé pour la Premier League, pouvait-on lire dans les Echos. Nous sommes déjà très heureux avec toutes les compétitions de football que nous avons.Aujourd’hui, disait-il, nous voulons faire des chaînes de sport premium pour toute la famille. C’est très important pour nous. Nous souhaitons que toute personne d’une même famille puisse trouver sur nos chaînes le sport qui lui convient". Intox pour calmer les débats toujours passionnés entre les deux concurrents ? Pas sûr.

Il est vrai que la promesse de beIn Sport, lors de sa conférence de presse de lancement, était de proposer une chaîne multisports : "Nous ne serons pas seulement la chaîne de tous les football mais aussi la chaîne de tous les sports", lançait Charles Biétry, Vice-Président en charge des programmes de beIN SPORT. La promesse n’est pour le moment pas réellement tenue car, excepté la NBA, et dans une moindre mesure la NFL, et encore, c’est en pleine nuit pour les deux, les grilles de beIN Sport 1 et 2 sonnent un peu le creux en matière d’omnisports en direct, à moins d’aimer le rugby à XIII, fortement exposé aux débuts de la chaîne, et la Ligue des Champions de hand masculine. Pour le reste, c’est foot, foot, foot. En rajouter une grosse dose avec la Premier League, non seulement encombrerait sacrément les grilles du week-end des deux chaînes, mais réduirait aussi la visibilité d’autres disciplines. Car ne soyons pas hypocrites : à l’heure des chaînes d’infos tv, de RMC Sport, d’internet, de twitter, des réseaux sociaux, à l’heure où aucun résultat ne peut nous échapper, bon gré, mal gré, le sport ne peut se vivre qu’en direct, et non en différé, quelle que soit la discipline. Combien regardent la rediffusion du match Canal le soir à minuit sur beIN Sport ? Un match de Ligue des Champions du PSG de Canal, rediffusé à minuit sur D8, une chaîne gratuite et en clair de la TNT, n’attire pas plus de 150 000 téléspectateurs de moyenne.

C’est pourquoi l’annonce de Nasser Al-Khelaïfi n’est pas dénuée de sens. Vaut-il mieux débourser, au bas mot, plus d’une centaine de millions d’euros pour trois ans de foot anglais et récupérer quelques grosses dizaines de milliers d’abonnés supplémentaires ? Ou tenter d’accrocher une discipline comme la Formule 1, par exemple, qui peut laisser entrevoir plusieurs centaines de milliers d’abonnements supplémentaires sur les deux à trois millions de passionnés qui la suivaient cette saison sur TF1 ? Or la Formule 1 c’est, là encore, un gros investissement. Déjà que selon le business plan de la chaîne les pertes seront colossales pendant quatre ans avant de trouver l’équilibre… L’équation n’est pas si simple.

Il y a sans doute de nombreuses autres raisons qui font que Canal+ et beIN Sport peuvent ou non se livrer à une nouvelle guerre des droits TV dans les jours à venir. Peut-on assister, par exemple, à un partage de la Premier League, comme cela se fait déjà avec la Serie A ou la Bundesliga ? Toujours est-il que la réponse concernant le lauréat pourrait traîner bien après le 22 janvier, date de remise des dossiers. On se souvient, il y a quatre saisons, que lors du premier tour d’enchères, Orange Sport l’avait, semble-t-il, emporté sur Canal+ avec une proposition à près de 15 millions la saison. La Premier League, fleurant le bon coup, avait alors décidé d’un second tour d’enchères, profitable à Canal+ cette fois-ci. Le scénario se répètera-t-il ?