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Louis Van Gaal ne mettra pas longtemps à marquer Manchester de son empreinte

Philippe Auclair

Mis à jour 21/05/2014 à 14:17 GMT+2

Pour Philippe Auclair, Louis van Gaal devrait rapidement marquer son territoire à son arrivée à Manchester United. Comme dans chaque club où il est passé.

Philippe Auclair - Louis van Gaal

Crédit: Eurosport

Tous ceux qui l’ont rencontré, même brièvement, ont leur petite idée sur la personnalité de Aloysius Paulus Maria Van Gaal. Quant à moi, je ne l’ai croisé qu’une seule fois, à l’occasion d’un dîner de gala donné à Londres en l’honneur de José Mourinho – le premier à avoir félicité son ancien mentor du Barça de son accession au poste qu’il avait lui-même convoité. Cet homme au physique si imposant, avec sa carrure et son nez d’ancien boxeur, monta sur l’estrade pour y prononcer un bref hommage de son ancien adjoint, dont la conclusion fit frissonner d’émotion la salle toute entière. "Je suis toujours ‘cet arrogant Louis van Gaal"”, dit-il, "mais maintenant, je suis humble. Maintenant, il [Mourinho] est meilleur que moi". Le ton avec lequel il avait prononcé ces mots si inattendus me fit immédiatement penser: "cet homme-là n’est pas un menteur".
Deux autres anecdotes. Un confrère de France Football m’a raconté comment, allant interviewer van Gaal pour la première fois, du temps où il était à Barcelone, l’entraîneur passa les quinze premières minutes de l’entretien à questionner le supposé questionneur, testant sa connaissance du football, sa compréhension de la tactique, bref, cuisinant un journaliste (qui n’en menait pas large, comme vous vous en doutez) pour savoir s’il était digne de lui parler. Après quoi, ayant accordé son satisfecit, van Gaal gratifia son visiteur d’une interview dont le souvenir lui fait encore pétiller les yeux de plaisir.
Je tiens l’autre petite histoire de Uli Hoeness. On sait que le passage de van Gaal au Bayern s’acheva par un limogeage qui ne fit pas pleurer tous les joueurs de l’équipe bavaroise (*). Une chose était claire, cependant. L’homme qui avait inventé le Bayern moderne, le ‘parrain’ de la Bundesliga avait toujours le plus grand respect pour l’entraîneur à qui il avait montré la porte. "Pour vous donner une idée de l’intensité avec laquelle il se plonge dans son travail, dit Hoeness, sachez que, ne parlant que quelques mots d’allemand, la première chose qu’il fit lorsqu’il signa son contrat avec le Bayern fut de s’isoler dans un monastère pendant plusieurs semaines avec des manuels pour apprendre notre langue. Quand il en sortit, ce n’était pas parfait, mais il était en mesure de se faire comprendre."

Au-delà de l’admiration et de l’hostilité qu’il suscite, van Gaal est d’abord l’un des plus grands managers européens de ces vingt dernières années

Vous entendrez évidemment des sons de cloche bien différents de ceux-là. Van Gaal a les défauts de ses qualités. La détermination s’accompagne d’intransigeance, le sens de la discipline de brutalité dans les rapports humains. Il a ‘brisé’ certains joueurs. Il est parfois colérique. Toujours sûr de lui, jusqu’à l’arrogance – mais pas la suffisance. Ses rapports avec les médias sont rarement autre chose que conflictuels. A Barcelone, personne n’a oublié la flèche du Parthe qu’il décocha lors de sa dernière conférence de presse, le 20 mai 2000: "Amigos de la prensa. Yo me voy. Felicidades." ("Amis de la presse. Je m’en vais. Félicitations"). Le voyage risque d’être mouvementé lorsqu’il aura les "amis" des tabloïdes britanniques sur son porte-bagages.
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Louis van Gaal, ici avec les Pays-Bas, entraînera Manchester United

Crédit: AFP

Mais, au-delà de l’admiration et de l’hostilité qu’il suscite, van Gaal est d’abord, sans la moindre contestation, l’un des plus grands managers européens de ces vingt dernières années. On a émis quelques doutes sur son aptitude à refaire de Manchester United une machine à gagner dès la première des trois saisons qu’il est censé passer à Old Trafford. Il est exact est que van Gaal se fiche des réputations et du ‘statut’ des joueurs dont il a la charge, et qu’il préfère s’appuyer sur des jeunes, plus malléables, plus susceptibles d’intégrer sa philosophie du jeu. C’est lui qui donna à Xavi et Andres Iniesta leurs premières titularisations à Barcelone ; il fit de même pour Toni Kroos au Bayern, où il fit aussi s’épanouir Thomas Müller et Bastian Schweinsteiger. Un éducateur qui aime penser à long terme est-il vraiment l’homme dont United a besoin pour retrouver la Ligue des champions dès 2015-16? Lui-même n’en doute pas un instant: "ce club a de grandes ambitions; moi aussi, j’ai de grandes ambitions. Ensemble, je suis sûr que nous allons écrire l’histoire".

Van Gaal et une enveloppe transferts de 240 millions d’euros à gérer

Ceux qui émettent ces réserves oublient un autre aspect du travail de van Gaal: sa capacité d’avoir un impact immédiat, malgré son attachement aux valeurs de formation qu’il a héritées de la tradition du totaalvoetbal. Le Barça, où il succéda à Bobby Robson, n’avait pas remporté la Liga depuis 1993-94 quand le Hollandais y débarqua à l’été 1997. Un an plus tard, le club catalan avait ajouté un doublé championnat-Copa del Rey à son palmarès. Au FC Bayern, où Jurgen Klinsmann, grossière erreur de casting, n’avait rien gagné en 2008-09, il fit également le doublé Coupe d’Allemagne-championnat dès sa première saison. S’il sait travailler sur la durée (le meilleur exemple en étant le titre de champion des Pays-Bas acquis avec AZ en 2009, un exploit, au terme de quatre ans de labeur), ce n’est pas au détriment des résultats immédiats.
Ce qui sera nouveau pour lui, à l’âge de 62 ans, sera la responsabilité de gérer un budget de recrutement dont on n’a jamais vu l’équivalent en Angleterre ou ailleurs dans le monde. La somme de 240 millions d’euros revient avec insistance, et les sources qui la mentionnent sont crédibles. 240 millions... De quoi révolutionner un effectif qui en avait déjà besoin lorsque David Moyes en prit la charge l’an passé ; de quoi, aussi, déséquilibrer encore plus un vestiaire dont les cadres – parmi lesquels j’inclus Ryan Giggs, promu adjoint de van Gaal ou pas – n’ont pas toujours eu un comportement irréprochable lors du règne si bref de l’ancien manager d’Everton.
Là aussi, on peut prédire des turbulences, à commencer par la question épineuse du capitanat, que Wayne Rooney songeait sans doute récupérer après le départ de Nemanja Vidic. Van Gaal a fait comprendre que Robin van Persie, qui porte le brassard avec la sélection des Pays-Bas, serait également son choix avec le club mancunien. Les premières turbulences sont déjà en vue, alors que le manager ne retrouvera son groupe qu’à la conclusion du Mondial. Pouvait-il en être autrement avec Louis van Gaal?
(*) Van Gaal ne s’est pas mis à dos les joueurs partout où il est passé, de loin s’en faut. Lorsqu’il annonça son départ d’AZ après une médiocre saison 2007-08, que le club d’Alkmaar avait fini onzième, ce sont ces joueurs qui le convainquirent de demeurer un an de plus. AZ fut sacré champion l’année suivante, pour la première fois depuis 1981.
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