Comment le jeune Ronaldo s'est retrouvé à MU plutôt qu'à Turin ou à Arsenal

"Pour Cristiano, j’ai eu des réunions avec les meilleurs clubs d’Europe", assure Jorge Mendes. Les offres ne manquaient pas. Le moment était arrivé de choisir et de trouver la meilleure solution pour l’avenir de Ronaldo. L’un des aspects qui préoccupaient le plus son nouvel agent était le temps de jeu. Le volet financier n’était pas la priorité.

"Cris n’était pas encore un joueur confirmé. C’était un pari, une promesse exceptionnelle mais une promesse. La préoccupation de Jorge était de trouver un grand club et surtout, que le coach lui donne des minutes. Il a été important pour Cristiano car il n’a jamais érigé les millions en priorité." Paroles signées Carlos Freitas, l’homme qui connaît le mieux l’histoire du transfert de Cristiano Ronaldo à Manchester et à qui toutes les offres sont arrivées.

"Nous avions trouvé un accord avec la Juventus mais l’une des conditions était le transfert de Marcelo Salas, qui n’a pas voulu aller à Lisbonne. Je sais aussi que Jorge avait reçu une offre de Parme de 8 millions, 4 pour lui, 4 pour Cristiano. Mais il fallait attendre un an et ça n’a pas abouti. Ramon Martinez, représentant du Real Madrid, s’était aussi déplacé pour discuter avec moi. Arsenal nous a soumis une offre. David Dein a voyagé au Portugal. Son club misait sur les jeunes mais leur première offre était trop basse." Mendes ajoute : "À un moment, j’ai vraiment cru qu’il allait signer à Arsenal. David est un homme génial mais avec la construction de leur stade, ils n’avaient plus d’argent. Les négociations ont pris fin."

Cristiano Ronaldo avait 17 ans. Ce que tout le monde ne sait pas, c’est qu’il avait voyagé à Londres pour visiter les installations d’Arsenal et qu’il fut tout près de s’engager avec les Gunners. "Nous étions avec Sergio Alves sur l’autoroute, direction Madrid. Nous avions un vol pour Londres, se souvient Ronaldo. Jorge n’arrêtait pas de nous parler car il avait peur que les gens nous voient. On s’arrêtait à une station-service et je devais me couvrir le visage. Jorge m’appelait toutes les cinq minutes. 'Attention, attention avec les gens !' Jorge était fou… C’était le truc le plus important qu’il avait eu à vivre jusque-là. Il nous appelait toutes les cinq minutes, moi et Sergio, pour s’assurer que personne ne me voyait sur l’autoroute."

Cristiano est habitué à parler de lui dans ses interviews mais il se sent très à l’aise aussi pour parler de Mendes. "J’appellerais bien ce livre Jorge, le faiseur de miracles. Le miracle qu’il a réalisé avec moi, c’est de me placer à Manchester United. J’étais jeune, je jouais au Sporting Portugal. Un an après, j’étais à United."

Cristiano précise que son agent ne s’occupait pas que de lui. Il avait pour ambition de transformer d’autres joueurs moins doués en superstars. "J’ai laissé Jorge faire son travail et il m’a laissé faire le mien sur le terrain. J’étais déjà en train de m’entraîner avec l’équipe première du Sporting. Je savais que j’étais entre de bonnes mains. Aujourd’hui, il est l’une des personnes en qui j’ai le plus confiance."

À l’été 2003, le Sporting et Manchester disputèrent un match amical pour l’inauguration du nouveau stade Alvalade, où allait se disputer l’Euro 2004. Le staff de United, qui revenait d’un long voyage aux États-Unis, avait déjà Ronaldo dans ses carnets. Ce jour-là, il réussit un super match. Freitas se souvient de ce moment. "Il était partout ! Sur la gauche, sur la droite… Je me souviens qu’il avait détruit Phil Neville."

Cette performance spectaculaire marqua plusieurs joueurs des "Red Devils". Dans le vestiaire, ils "prirent la décision de parler à Sir Alex" pour que ce dernier signe Ronaldo au plus vite.

C’est l’histoire que tout le monde connaît. Ce que beaucoup ne savent pas, c’est que le transfert de Cristiano Ronaldo avait déjà été verrouillé par Manchester United. Quelques heures avant le match d’inauguration eut lieu une réunion secrète entre Jorge Mendes, son neveu Luis Correia et Sir Alex Ferguson à l’hôtel Quinta da Marinha de Cascais.

"Ferguson est la personne qui a débloqué la situation", assure Freitas. Mendes avait eu plusieurs réunions avec des représentants de nombreux clubs mais ‘‘Fergie’’ fit une promesse qui convainquit définitivement Mendes. "Il m’a dit que Cristiano Ronaldo allait jouer au moins 50% des matches avec Manchester. C’est ce que je voulais entendre. Cris a signé à MU grâce à cette promesse."

La grande opération qui allait mener Jorge Mendes encore plus haut dans le monde des affaires était tout près de se réaliser. L’émotion de l’agent, à ce moment-là, ne pouvait être comparée à aucune autre. "Ce fut comme un rêve, le plus beau des rêves… Être avec Alex Ferguson, un monstre du football mondial. Entendre ce génie te dire que Cristiano allait jouer au minimum la moitié des matches de Manchester."

Tous les grands clubs voulaient signer Ronaldo mais tous souhaitaient que le Portugais reste une saison de plus au Sporting. Dans la tête de l’imprésario, il n’y avait pas d’autre option que de ne porter préjudice à personne. "Je veux le meilleur pour le joueur, sans laisser les intérêts du club de côté. Je veux concilier les deux choses. La première chose que j’ai faite a été de parler avec Cristiano. Je lui cherchais un futur sportif meilleur, pas un futur financier meilleur", assure Mendes.

United était le seul club qui le voulait dès la première année. Et Manchester a eu raison. La première saison de Cristiano à MU, aux côtés de grands joueurs, fut un succès. Il fut élu meilleur joueur par les supporters. "Ferguson avait raison depuis le début, estime Jorge qui ne comprend pas cette règle tacite qui veut qu’un jeune footballeur attende son tour, même s’il déborde de qualités. Si un jeune est bon, qu’il a les aptitudes nécessaires et qu’il est meilleur qu’un autre, fais-le jouer. C’est tout."

Un jeune issu d’un centre de formation peut souvent être limité dans tel club alors qu’il serait une star dans un autre. "Ronaldo a été le meilleur à 18 ans à Manchester mais rien ne dit qu’il aurait été titulaire au Sporting Portugal. En football, il n’y a pas de logique. C’est le coach qui décide. Le coach fait son équipe et mise sur un gars plutôt que sur un autre."

Mendes avait une nouvelle fois fait aveuglément confiance à un joueur, comme avec Costinha, pour Monaco. Mais le talent de Ronaldo n’était pas seulement supérieur à celui de Costinha, il était supérieur à celui de n’importe quel autre footballeur. "Nous étions en train de parler du futur plus grand joueur de tous les temps car il était déjà phénoménal à 18 ans. Les gens ont parfois été injustes. Certains clubs ne lui ont pas offert le statut qu’il méritait. Un joueur comme lui, peut-être qu’il n’y en aura plus jamais… Il est impressionnant."

Ronaldo renvoie le compliment. "Je n’ai jamais eu de doute sur l’influence de Jorge dans ce dossier. Son principal argument a été sa relation avec le Sporting et avec Ferguson. Tout s’est passé comme Jorge l’avait prédit. Quand il m’a parlé de l’intérêt de Manchester, je n’y croyais pas. Je voyais MU à la télévision, les Andy Cole, Dwight Yorke, Rio Ferdinand, Ruud Van Nistelrooy… Ce club était un rêve pour moi. Quand Jorge a évoqué ce nom, je suis resté…" Cristiano respire fort. "J’ai dit à Jorge : 'Allez, on fonce !'"