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Il n'y a pas de "grands noms" dans l'équipe de l'année en Premier League ? Tant mieux !

Philippe Auclair

Mis à jour 25/04/2016 à 13:52 GMT+2

L'équipe-type de la saison en Premier League a été dévoilée. Avec quelques absents remarqués et remarquables. Est-ce un souci ? Pas vraiment. C'est au contraire la preuve ultime de la vigueur du Championnat d'Angleterre.

Riyad Mahrez célèbre un but marqué avec Leicester sur les épaules de Jamie Vardy

Crédit: AFP

Twitter n’est pas qu’un fouillis dans lequel trouver une perle exige une vue aussi perçante que celle d’un ramasseur de champignons en quête des premières morilles. Je parle d’expérience dans les deux cas. Twitter est aussi une bénédiction pour les chroniqueurs en mal d’inspiration. Il suffit pour cela de faire défiler les messages et d’en repérer un, préférablement partagé par de nombreux internautes, dont il soit possible de prendre l’exact contre-pied pour développer un argument des plus valides. La tâche n’a rien de compliqué. En fait, on pourrait presque piocher au hasard.
C’est en tout cas l’idée qui m’est venue à l’esprit lorsque j’ai vu apparaître sur mon fil un comparatif des équipes-type de la Premier League, versions 2005/2006 et 2015/2016, telles que les avaient assemblées la PFA, l’association des joueurs professionnels actifs en Angleterre. Le cru de cette saison, au passage, n’aurait dû être révélé que ce dimanche, lors du gala de remise des trophées qui a couronné Riyad Mahrez, mais un petit malin a profité d’un moment d’inattention de l’entreprise chargée d’imprimer les programmes de la soirée pour faire fuiter la composition de cette équipe. Laquelle a donc fait s’étrangler les haters de la Premier League, ceux pour qui ce championnat est, pour reprendre un mot dont ils sont friands, "surcoté". Ils tenaient leur preuve.
Leur preuve par onze, que voici :
De Gea – Rose, Aldeweireld, Morgan, Bellerin – Payet, Kanté, Alli, Mahrez – Kane, Vardy.
A comparer, donc, avec celui d’il y a dix ans, que voilà :
Given – Chimbonda, Terry, Carragher, Gallas – Joe Cole, Gerrard, Lampard – C. Ronaldo, Rooney, Henry.
On passera rapidement sur l’inclusion de Pascal Chimbonda, qui se comprenait un peu mieux alors, pour admettre qu’en effet, pour ce qui est du strass et des paillettes, le championnat d’Angleterre avait plus belle allure en 2006. Cela n’avait pourtant pas empêché ses représentants en Europe - Arsenal excepté - de connaître une année des plus moroses. Liverpool, champion en titre, s’était fait évacuer en huitièmes par Benfica, Chelsea était tombé face à Barcelone au même stade de la compétition, tandis qu’Everton chutait dès le tour préliminaire et Manchester United en phase de poule. Qu’importe. La Premier League avait des "stars" à cette époque, des têtes de gondole, de ces joueurs dont la photo orne le boîtier de FIFA16. Plus maintenant. Les top players ont déserté le championnat anglais.
Vraiment ?
C’est qu’on aurait pu faire un "onze de l’année" de 2015/2016 bien plus épastrouillant que celui choisi par la PFA, en s’en tenant aux noms et aux réputations plutôt qu’en songeant aux performances. De Gea, d’accord: le Real Madrid le veut, ce qui doit vouloir dire qu’il est excellent (et il l’est). On pourrait aussi bien mettre Hugo Lloris ou Petr Cech, pas vraiment des manchots. Dans le back four, Azpilicueta, Otamendi, Kompany, Ivanovic. Si vous voulez un champion du monde en titre, insérez Mertesacker – mais Otamendi fut bien désigné "meilleur défenseur central de la Liga" l’an dernier, non? En milieu de terrain, Alexis, Özil, Silva, Matic. Ou Kevin De Bruyne. Yaya Touré? Voire Eden Hazard. Devant, Rooney et Agüero. Lukaku n’est pas mal non plus.
picture

Eden Hazard (Chelsea)

Crédit: AFP

L’absurdité du star system

Evidemment qu’une telle équipe n’a aucun sens, qu’elle serait bancale, à la limite du ridicule, vu ce que ces "noms" ont offert lors des huit mois passés, même si certains (De Bruyne et Agüero en particulier) auraient mérité leur inclusion. Je ne la donne que pour montrer l’absurdité du star system qui empeste la perception du football en 2016. L’incertitude dérange, de nos jours. Lorsque je grandissais, c’était l’inverse. Le Celtic, avec zéro star, mais onze joueurs nés dans un rayon de 50 kilomètres de Glasgow, battait l’Inter de Herrera, Fachetti et Mazzola à Lisbonne: bravo ! Mais mieux vaudrait, semble-t-il, que les caïds gagnent en passant sur le ventre d’adversaires qui n’ont pas et n’auront jamais le et les moyens de les contrer. Voir un représentant du petit peuple faire un croche-pied à l’ordre établi ne devrait déranger que les sponsors qui volent au secours de la victoire. Tristement, cela gêne aussi beaucoup de supporters. On veut des noms. Des records. Et puis encore des noms, toujours les mêmes.
Or c’est précisément ça qui a fait de cette saison anglaise une saison à savourer. Les deux équipes qui l’ont dominée jusqu’à présent, alors que trois journées seulement restent à disputer, sont Leicester City et Tottenham, soit deux équipes pour lesquelles prime le collectif et qui n’ont pas craint de donner leur chance à des joueurs qu’on n’aurait certainement pas qualifiés de "stars" en août dernier. Le onze-type de Claudio Ranieri a coûté moins de 30 millions d'euros à assembler. Celui de Mauricio Pochettino est en grande partie composé de jeunes Anglais auxquels 95% des managers n’auraient pas fait confiance aussi vite.
Et voilà que les joueurs de ces deux clubs occupent, justement, huit des onze postes du 4-4-2 sélectionné par la PFA.

Alli, Vardy, Bellerin : c'est l'avenir !

Si vous voulez des stars, des vraies, pas seulement des hommes-sandwich, vous en avez dans cette équipe. Dele Alli est, et pas seulement selon moi, le meilleur joueur de vingt ans ou moins en Europe aujourd’hui, un box to box du XXIème siècle supérieur à ce qu’était Paul Pogba au même âge, certainement pour ce qui est de l’efficacité. Il n’a pas à rougir de la comparaison avec le Pogba de vingt-trois ans non plus, puisque le jeune Anglais en est à dix buts et neuf passes décisives en trente-deux matches de championnat cette saison, contre huit buts et onze passes pour le Français.
Harry Kane ? Sa progression continue, mais je le place déjà parmi les cinq meilleurs avant-centres d’Europe. Kanté, Eriksen… zut, Eriksen n’est pas dans le onze, Eric Dier non plus. Hector Bellerin ! Il ira loin, celui-là, et très vite, comme lorsqu’il jaillit sur son flanc droit pour offrir le but du 2-0 à Arsenal face au Bayern. Peut-être que ce sera au Barça, d’ailleurs, où, soudain, on parlera de lui comme d’une "star" et on ne se demandera plus s’il était moins bon que Gary Neville.
Il n’y a pas que les serpents pour qui la mue est synonyme de survie. La capacité d’un championnat-spectacle à renouveler sa distribution et ses premiers rôles devrait être une preuve de ce qu’il respire, qu’il est bien vivant. Ce ne sont pas seulement BBC et MSN qui font la Liga; c’est aussi l’explosion d’Antoine Griezmann. L’Angleterre pousse le bouchon plus loin que quelque autre pays dans ce domaine, c’est vrai, ce qui est en grande partie dû à un système de distribution équitable des droits TV qui n’a pas d’équivalent dans le reste du monde. Mais une preuve de déclin ? Ce serait plutôt l’inverse.
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