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Économie, culture, style de vie : les raisons du succès des joueurs espagnols en Angleterre

François-Miguel Boudet

Mis à jour 16/11/2016 à 09:11 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Depuis plusieurs années, le football espagnol a enclenché et réussi sa mutation. C'est passé par le jeu mais aussi par la volonté de s'imposer à l'étranger, notamment en Angleterre. Un succès qui va au-delà de l'aspect purement économique.

David Silva lors de Manchester City - Middlesbrough en Premier League 2016/2017

Crédit: Panoramic

Depuis une dizaine d'années, l'Angleterre est un pays de Cocagne pour les joueurs espagnols. Poussés par des clubs en proie aux dettes et la crise qui s'est abattue sur la péninsule, ils ont été contraints à l'exil. Une nouveauté dans le football d'Albion. L'intérêt est rapidement devenu réciproque avec d'un côté des joueurs qui ont élargi leur palette et de l'autre des dirigeants qui ont pu développer de nouveaux marchés. Pourtant, ce n'était pas gagné d'avance. Entre le rythme de vie, le climat et le style footballistique, l'Angleterre et l'Espagne sont diamétralement opposés mais divers changements opérés récemment ont permis aux deux royaumes de se rapprocher.
Latéral droit capitaine de Brighton & Hove, Bruno Saltor (37 ans) a traversé le Channel en 2012, après être passé par Almeria et Valencia. Il explique : "En vérité, il y a beaucoup de facteurs qui expliquent les départs. Évidemment, au niveau économique, c'est attractif, en Premier League comme en Championship. L'Espagne est passée par une crise majeure et de nombreux clubs espagnols n'ont pas pu garder leurs stars. Cela vaut aussi pour d'autres joueurs qui ont signé dans des clubs de Championship".
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Bruno Saltor - Brighton and Hove - FA Cup 2014/2015

Crédit: Imago

Football pur

L'arrivée d'entraîneurs latins a fait évoluer le football anglais qui s'est uniformisé aux canons actuels, davantage fondés sur la possession et le jeu au sol que sur le bon vieux kick and rush. Cependant, la quintessence de football insulaire demeure. "C'est beaucoup moins tactique que ce qu'on peut voir en Espagne, en France ou en Italie, analyse Saltor. Ici, c'est plus un football pur. Apprendre un nouveau style, une nouvelle culture avec un jeu plus physique font que tu mûris plus vite. Par exemple en Championship, c'est plus direct, il y a plus de tirs, c'est plus spectaculaire. Et puis les ambiances sont incroyables, le stade se remplit bien avant le début du match et on joue devant 25000 personnes régulièrement. Pour prendre l'exemple de Brighton & Hove, on fait toujours le plein à la maison. Tôt ou tard, le club montera en Premier League et aura la faculté de générer des fans. Les infrastructures, l'organisation, les horaires, c'est mieux cadré en Angleterre".
Dans la manière de vivre et d'appréhender le football, les "Spanglish" paraissent y trouver leur compte. Le dépaysement a été bénéfique. "C'est une tout autre culture, poursuit le Catalan formé à l'Espanyol. Au niveau de la vie en général, l'Espagne a beaucoup d'atouts mais pour un joueur, c'est plus simple ici. Les supporters sont toujours derrière nous, même quand ça va moins bien ils restent patients. Il critique moins aussi. En Espagne, l'afición peut te cramer, on peut le voir avec le degré d'exigence à Valencia par exemple".

Confiance et intégration

Aller chercher fortune dans l'Eldorado du football mondial a démontré que le joueur espagnol est exportable. L'exemple idéal est David Silva. Souvent considéré en dessous de Juan Mata à Valencia à l'époque où les Ches avaient des problèmes de riches sur le terrain, "El Chino" s'est affirmé comme l'un des meilleurs milieux offensifs du monde depuis son arrivée à Manchester City. La confiance acquise lui a permis de se faire une place de titulaire indiscutable avec la Roja dont il a été le capitaine samedi contre la Macédoine (4-0). En changeant d'environnement et en étant mis dans des conditions adéquates, Silva et beaucoup d'autres se sont épanouis, tout simplement car il a fallu faire des efforts pour se faire une place dans l'effectif et aussi dans la vie quotidienne. "Je crois que depuis mon premier jour dans ce pays j'essaie de m'intégrer à ses coutumes, à son style, sa nourriture, son rythme de vie. Ce n'est pas toujours facile, concède Saltor. Je vis dans le sud du pays, c'est près de la mer, le meilleur climat d'Angleterre. Mais l'hiver est plus rude. Au moins, je suis beaucoup moins frileux maintenant ! Ensuite, on dîne à 19h alors qu'en Espagne, c'est 21h30-22h. Les enfants se couchent moins tard et les parents aussi. En fait, tout se fait plus tôt".
David Silva - Manchester City - Premier League 2016/2017

Valeur d'exemples

Et si, finalement, les footballeurs espagnols avaient été des précurseurs ? Depuis le début de la décennie 2010 et même si la tendance est moins prononcée à l'heure actuelle, la tentation de partir reste forte, d'autant que le Royaume-Uni est le pays le plus sollicité d'Europe pour (re)faire sa vie. Les Espagnols se sont tournés vers l'étranger, surtout les étudiants diplômés. Toujours en délicatesse économique, avec un salaire minimum affreusement bas (757€ par mois, sachant qu'un tiers des salariés touchent moins). Récemment résolu après un an d'imbroglios en tous genres, le blocage politique a pu motiver d'autres candidats à l'exil, même si, pour la première depuis six ans, le taux de chômage est passé sous les 20% lors du troisième trimestre notamment grâce aux emplois liés au tourisme (18.9% contre une moyenne de 10.1% pour le reste de l'Union européenne).
Dès lors, voir des compatriotes réussir et être appréciés pour leurs facultés d'adaptation est de nature à susciter des vocations, bien au-delà du sport. Car en plus de mieux vivre de leur métier, de nombreux joueurs pensent à leur après-carrière et un passage par l'Albion est un sacré avantage. "Pour moi, c'était essentiel de maîtriser l'anglais, affirme Saltor. Découvrir une nouvelle culture est essentiel à l'heure actuelle. Malheureusement en Espagne, l'apprentissage linguistique se révèle assez compliqué. Au niveau foot mais encore plus au niveau personnel, avoir signé en Angleterre est l'une des meilleures décisions de ma vie".
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