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Avec Conte, Chelsea a retrouvé la joie de jouer et c'est la Premier League qui va en faire les frais

Bruno Constant

Mis à jour 08/11/2016 à 20:54 GMT+1

PREMIER LEAGUE - La formation d'Antonio Conte a tutoyé la perfection face à Everton (5-0). Une démonstration à l'image d'un grand Hazard, revenu au sommet de son art. La défense des Blues et leur absence dans les Coupes d'Europe cette saison en font naturellement mon favori pour le titre.

Lors de la victoire de Chelsea face à Everton (5-0), le 5 novembre 2016, en Premier League.

Crédit: AFP

Il y a trois grands prétendants à la couronne d'Angleterre cette saison. Celui des observateurs : le Manchester City de Guardiola et De Bruyne. Celui du cœur : le Liverpool de Klopp et Coutinho. Et celui de la raison : le Chelsea de Conte et d'Hazard, qui réunit un peu des deux autres. Certains auront peut-être noté que j'écarte ici Arsenal. Mais, en dehors de leur succès sur… Chelsea (3-0), les Gunners -et il n'y a rien de personnel- peinent toujours à me convaincre, et je ne suis pas le seul.
Depuis quelques semaines -cinq pour être exact-, mon cœur penche en faveur des Blues. Vous me direz, c'est facile après leur dernière sortie face à Everton (5-0). Mais la démonstration… pardon, la démolition - de celle qui était encore la deuxième meilleure défense de Premier League a simplement confirmé la montée en puissance des Londoniens que j'avais soulevée lors de mes précédents podcast. J'y reviendrai plus bas.
Un football d'une autre planète
John Motson est LA voix du football anglais, 45 ans sur les terrains et plus de 1500 matches commentés pour la BBC. Le Thierry Roland anglais si vous préférez. Et cela ne l'a pas empêché de sauter sur son siège, samedi : "C'était la performance la plus impressionnante que j'ai jamais vue en Premier League ! Je les place au-dessus d'Arsenal (et de ses Invincibles) et de Manchester United (de Ferguson). Car c'était un football d'une autre planète."
Il faut dire que Chelsea a tutoyé la perfection. Un récital joué sans la moindre fausse note par des joueurs en harmonie totale avec leur manager qui semblait diriger le tempo de chaque action depuis le bord de la touche. C'était magnifique à voir. Il y avait tout : un bloc défensif solide, des joueurs de côté infatigables et disciplinés (Moses et Alonso), deux pieuvres au milieu (Kanté-Matic) et un trio offensif irrésistible (Costa-Hazard-Pedro).
Mais ils n'étaient pas seuls à Stamford Bridge. Comme le suggérait ma consœur du Times Alyson Rudd, Chelsea jouait "avec un douzième homme : la joie à laquelle Mourinho avait oublié de faire appel" lors d'une dernière saison dépressive. Une joie qui a raccompagné les supporters des Blues au moment de s'engouffrer sur Fulham Road pour rentrer chez eux ou se rendre au pub le cœur léger. Ce n'était pas arrivé depuis très longtemps, rarement depuis le sacre de 2015, mis à part peut-être le soir où Chelsea a joué un joli un vilain tour à son pire ennemi - Tottenham - et brisé ses rêves de titre en mai dernier.

Hazard revenu au sommet de son art

C'était aussi la joie retrouvée de Diego Costa (9 buts et 3 passes décisives en 11 journées), qui avait émis le désir de rentrer à Madrid. La joie de Pedro qui, après une première saison anglaise fantomatique, souhaitait lui aussi repartir en Espagne. La joie de Nemanja Matic, qui se morfondait sur le banc. Et la joie, surtout, d'Eden Hazard, revenu au sommet de son art après une année de rapports compliqués avec Mourinho. Ce plaisir retrouvé ne tient pas seulement au départ du Special One, ni à la personnalité positive de Conte. Mais aussi et surtout au nouveau système des Blues. Car cette montée en puissance dont je faisais référence plus haut a pris sa source dans la défaite à Arsenal. Une gifle qui a enfin décidé Conte à changer de système et imposer réellement sa patte, comme l'ont fait aussitôt Klopp à Liverpool et Guardiola à Manchester City, en l'occurrence sa défense à trois qui nous avait tant séduit à l'Euro avec l'Italie.
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Eden Hazard (Chelsea), double buteur contre Everton

Crédit: AFP

Mauricio Pochettino avait raison de dire, après Arsenal-Tottenham (1-1), que "ce n'est pas le système qui a fait gagner Chelsea". Le système est moins important que l'animation, mais l'animation et la fluidité retrouvée du jeu des Blues découlent du passage à une défense à trois. Depuis, Chelsea a enchaîné cinq succès en cinq journées, pour 16 buts marqués et aucun encaissé. Et parmi ses victimes, on compte le champion en titre (Leicester), le MU de Mourinho, Southampton et Everton, dont la démolition fut l'accomplissement d'un chef d'œuvre. Même Ronald Koeman, adepte de la défense à trois qu'il a transportée du PSV Eindhoven au Feyenoord, de Southampton à Everton, a été stupéfait par le récital magnifique des Blues: "Je n'ai jamais vu une équipe jouer aussi bien dans ce système !"

Moses, la révélation

Ce 3-4-3 ou 3-4-2-1, si on tient compte de l'animation de Hazard et Pedro en soutien de Costa, a résolu une bonne partie des vieux problèmes du Chelsea de Mourinho. Il permet à son équipe de retrouver une vraie solidité en renforçant ce qui était son talon d'Achille: l'axe, avec trois défenseurs (Azpilicueta-Luiz-Cahill) et leurs deux chiens de garde (Kanté-Matic) qui les protègent. L'activité de Moses et Alonso dans les couloirs joue une grande part dans l'équilibre de la machine infernale. Au passage, la métamorphose dans ce nouveau rôle du Nigérian, que Conte a demandé à ses dirigeants de retenir cet été, est sans doute la révélation la plus notable. A l'image de ce qu'il a fait pour son équipe, l'Italien a d'abord patienté, observé, analysé avant d'intervenir et imposer sa patte.
Mais reprenons. Ces deux pistons excentrés offrent une plus grande liberté d'action à Hazard et Pedro (et Willian devra cracher pour récupérer sa place dans le onze !), mais surtout elle les décharge des tâches défensives dans laquelle semblait les enfermer Mourinho. Le retour en grâce du Belge est le plus significatif et radical. Et s'il n'est toujours pas un adepte des longues séances d'entraînement tactiques, fastidieuses pour ne pas dire ennuyeuses, Hazard y a trouvé son intérêt dans le résultat sur le terrain. Mais un autre homme pourrait avoir son influence dans le retour en forme de l'ancien Lillois. L'homme qui lui chuchote à l'oreille en équipe de Belgique. Un certain… Thierry Henry dont le rôle de deuxième assistant de Roberto Martinez s'apparente davantage à celui de grand frère auprès des jeunes attaquants des Diables Rouges (Hazard, Lukaku, De Bruyne...) au sein desquels ses anecdotes et conseils trouvent écho.
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Antonio Conte, le manager de Chelsea, le 5 novembre 2016, face à Everton.

Crédit: AFP

La défense à trois, nouvelle mode en Premier League

A travers Hazard et ses performances, Chelsea a envoyé un message à tous ses concurrents : sans Coupe d'Europe cette saison, il sera difficile de résister à une telle machine qui a une semaine complète pour travailler et assimiler le nouveau système mis en place par Antonio Conte. Néanmoins, cette réussite de Chelsea dans le passage à une défense à trois n'est pas orpheline en Premier League et semble même une nouvelle mode, voire un nouvel ordre, en Premier League : celui de la défense à trois. Rares sont ceux qui s'y étaient aventurés avant en Angleterre.
Il y a quelques années encore, Roberto Martinez à Wigan (2010-2012), où -tiens, tiens- un certain... Victor Moses s'y était révélé - faisait déjouer Manchester United ou Arsenal avec une défense à trois. Brendan Rodgers à Swansea puis à Liverpool avaient également expérimenté ce système. Leur succès avait été relatif et jugé inadapté à la Premier League. Aujourd'hui, outre Conte à Chelsea, Koeman à Everton (et déjà à Southampton), Mazzarri à Watford, Bilic à West Ham, Pochettino à Tottenham, comme lors du North London derby dimanche, et même Guardiola à City ont ou ont eu recours à ce schéma. Une nouvelle mode en somme qui pourrait succéder au 4-3-3 "espagnol" et bien enterrer le traditionnel "back four" anglais. Et John Terry, principale victime à Chelsea, avec.
Pour approfondir le sujet et l'actualité de la Premier League,
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1, Rfi et i-Télé en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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