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Manchester United : Respect, mister Ibrahimovic

Bruno Constant

Mis à jour 02/03/2017 à 19:39 GMT+1

Si son choix de venir en Angleterre, à 34 ans, avait suscité des doutes, l’attaquant suédois bluffe tout le monde par sa capacité à s’adapter. Il est aujourd’hui devenu le fer de lance de Manchester United.

Zlatan Ibrahimovic

Crédit: AFP

Disons-le tout de suite, je faisais partie de ceux qui pensaient que Zlatan Ibrahimovic allait se brûler les ailes en venant se frotter au foot anglais à la fin de sa carrière. Je me suis trompé, comme beaucoup d’autres. Zlatan m’a bluffé, il nous a tous bluffés. Journalistes comme anciens joueurs. Je n’irais pas jusqu'à dire que Zlatan marche sur la Premier League comme il le faisait sur la Ligue 1 mais je dois reconnaître mon admiration pour ce qu’est en train de réaliser le Suédois, à 35 ans et 5 mois, dans le championnat le plus difficile. Après sept mois passés en Angleterre, ses 26 buts en 38 apparitions toutes compétitions confondues suscitent le plus grand respect.

Plus fort que Shearer, Giggs ou beaucoup d’autres à leur âge

L'âge n’a jamais été un frein ni un obstacle majeur en Angleterre. Ryan Giggs a porté le maillot de United au-delà de ses 40 ans, Alan Shearer celui de Newcastle jusqu'à l’aube de ses 36 ans, Steven Gerrard fut capitaine des Reds jusqu'à ses 35 ans, Frank Lampard joua à City au-delà de ses 36 ans, Didier Drogba a été sacré champion d’Angleterre avec Chelsea à l'âge de 37 ans, Peter Crouch est redevenu titulaire à Stoke à 36 ans… Néanmoins, Giggs n'était plus qu’un remplaçant de luxe, Shearer plus tout à fait la goal machine qu’il avait été (17 buts sur l’ensemble de ses deux dernières saisons en Premier League), Lampard et Drogba des super sub et Gerrard une icône lente et encombrante pour son entraîneur…

Ibrahimovic, lui, porte à bout de bras Manchester United. A tel point qu’on se demande où serait l'équipe de Mourinho sans lui. Sans doute pas à la sixième place du championnat, où elle reste scotchée malgré ses exploits personnels. Elle n’aurait pas non plus remporté la League Cup. Qui a brillé à Wembley ? Pogba ? Non. Martial ? Non plus. Qui alors ? Zlatan, encore Zlatan. Il a absolument tout fait. C’est lui qui a ouvert le score sur coup franc, sauvé sa défense sur sa ligne de but à 2-2 et offert en fin de match le premier trophée majeur de la saison aux Mancuniens et à Mourinho.
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Zlatan Ibrahimovic (Manchester United) face à Saint-Etienne

Crédit: Panoramic


Rooney fait dix ans de plus malgré quatre ans de moins

Une finale au cours de laquelle il s’est imposé comme le leader de sa formation. A l’image de cette 38e minute. Lingard vient d’offrir un avantage de deux buts, mais le Suédois coupe court à la célébration, réunit les joueurs autour de lui et tout le monde écoute religieusement, y compris Chris Smalling, le porteur du brassard, tandis que le capitaine, Wayne Rooney, est assis sur le banc. Le boss, c’est Zlatan. Et la comparaison entre les deux est plus terrible encore. L’image de Rooney venu soulever le trophée sans avoir joué une seule minute était à la fois belle et cruelle. L’Anglais fait dix ans de plus qu’Ibrahimovic malgré ses quatre ans de moins (31). Et, aujourd'hui, Manchester United tente de trouver une porte de sortie (Everton ?) digne du meilleur buteur de l’histoire du club tandis que les dirigeants espèrent conserver le Suédois une saison de plus.

Néanmoins, tout cela n’est pas arrivé sans effort et c’est là où le géant suscite davantage encore d’admiration. Ceux qui n’ont pas la mémoire sélective se souviendront des sept semaines que le Suédois a traversé comme un fantôme entre mi-septembre et début novembre (un seul but, en Ligue Europa). Son manque de mobilité et son absence dans le replacement semblaient même un poids pour son équipe donnant parfois l’impression de jouer à dix, au point de se demander s’il n’avait pas été rattrapé par l'âge. Au lieu de ça, le Suédois a travaillé d’arrache-pied pour se hisser au niveau physique de la Premier League.
Ceux qui le côtoient à Carrington, le centre d'entraînement des Red Devils, sont ébahis par l'intensité et l’implication du géant dans l’effort et le travail. Depuis novembre, Ibrahimovic n’est plus le même, affûté, plus mobile, dominateur. A Wembley, il a fini la rencontre sur les rotules, peinant même à retrouver son souffle alors que membres du staff et coéquipiers venaient le féliciter. Je n’ai jamais vu le Suédois aussi fatigué sous le maillot du PSG où il pouvait gérer ses efforts.


On peut regretter qu’il ne soit pas venu en Angleterre plus tôt


Évidemment, tout n’est pas parfait et le Suédois peine encore parfois à exister dans les confrontations face aux formations du Top 6 - deux buts en six rencontres. Mais son influence sur l’équipe est énorme. Bien plus que celle de Paul Pogba dont on attendait (attend toujours) davantage et qui a encore déçu dans un rendez-vous majeur à Wembley. Et l'échange entre les deux joueurs au micro de Sky sur la pelouse de Wembley ne fut pas totalement innocente. Interrogé sur le héros du jour, le Français répondit : “C’est pour ça que le club l’a acheté…” Zlatan écarquilla les yeux : “M’a acheté ? Non, je suis venu gratuitement ! C’est toi que le club a acheté !” Très cher même...

L’influence d’Ibrahimovic à MU me rappelle celle de Didier Drogba à Chelsea, parti trop tôt des Blues par la grande porte - sur un sacre européen (2012) - avant d’y revenir deux ans plus tard pour y remporter un nouveau titre de champions avec… Mourinho. Et s’il faut remercier les enfants de Zlatan, Maximilian et Vincent, d’avoir convaincu leur père de venir jouer en Angleterre, on peut simplement regretter que l’ancien Parisien n’ait pas traversé la Manche plus tôt.

La même aura que Cantona, le même pouvoir de séduction

Avec quelques années de plus au sein du royaume, il se serait sans doute rapproché un peu plus d’Eric “The King” - Cantona, pour ceux qui n’auraient pas compris - “catalyseur” de la série de titre remportés par le club depuis 1992 selon l’aveu même d’Alex Ferguson. Pour sa première saison, le Suédois affiche de meilleures stats que le Français (9 buts en 23 matches) mais ce dernier, lui, avait rapporté à MU le titre (1993) offert un an plus tôt à Leeds (1992). “Canto sera toujours le numéro un dans le cœur des supporters mais aucun autre ne s’en rapprochera plus que Zlatan”, affirme l’ancien Gunner Ian Wright.

Cantona était et fut un modèle et un exemple à suivre pour la si brillante classe 92 - les Beckham, Giggs, Scholes, Neville(s) - et les jeunes Mancuniens d’aujourd’hui devraient davantage s'inspirer de Zlatan plutôt que de déplorer la perte de leur numéro. “Je suis de la vieille école où on travaille dur pour obtenir ce que l’on veut, expliquait le Suédois dimanche, pas comme la jeune école (génération) où il est facile d’avoir ce que vous voulez.”

Cantona comme Ibrahimovic ont en commun de dégager la même aura et le même pouvoir de séduction auprès des médias. Le Français s’est fait une place en lâchant cette phrase aussi célèbre qu’énigmatique : “When the seagulls follow the trawler, it is because they think sardines will be thrown into the sea” (“Quand les mouettes suivent le chalutier, c’est parce qu’elles pensent que des sardines vont être jetées à la mer”).

Ibrahimovic est beaucoup plus direct mais fascine tout autant. Dans les couloirs de Wembley, devant une foule de journalistes amassées pour récolter ses bonnes phrases, Zlatan fut aussi bon que sur le terrain. Et pas besoin de traduction : “I feel good. I feel fresh. I feel like an animal. I feel like a lion. The lion is born a lion. Because I’m lion.” Un lion qui aime briller et qui brille partout où il passe. Et pour ça, respect Mister Ibrahimovic !
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez écouter mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique
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