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Tottenham : Dele Alli, l'étoile montante du foot anglais

Bruno Constant

Mis à jour 13/01/2017 à 18:15 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Ses deux coups de tête ont mis un terme à la série de treize victoires de Chelsea (2-0), relancé la course au titre et confirmé le talent du milieu de terrain de Tottenham. Et si l'Angleterre tenait enfin un crack ?

Dele Alli face à Chelsea

Crédit: AFP

Allez, c'est reparti ! Les médias britanniques crient au nouveau prodige, un crack à 100 millions, prochaine cible du Real Madrid. Un champion qui disparaîtra aussi vite qu'il a éclos. Comme Wilfried Zaha, retourné à Crystal Palace après son échec à Manchester United, ou Theo Walcott, qui n'a jamais pris la succession de Thierry Henry malgré le talent qu'on lui prêtait. On pourrait en citer beaucoup, ailleurs qu'en Angleterre - le Belge Adnan Januzaj, l'Américain Freddy Adu, l'Italien Mario Balotelli... - et même en France.
Les ex futurs prodiges n'ont pas de passeport et leur échec ne vient pas forcément des prodiges eux-mêmes mais le plus souvent de ceux qui les vendent comme tels. Les médias sont en grande partie responsables mais pas seulement. Personne n'a forcé United à débourser 18 M€ pour Zaha, il me semble ? Alors, avant que vous ne sautiez au plafond et prononciez le mot "surcoté", allez sur google, tapez Dele Alli et regardez. Regardez son but contre le Palace de Zaha, justement, son enchaînement à Everton, sa frappe splendide contre l'équipe de France de son partenaire Hugo Lloris. Et, désormais, posez-vous la question : ce garçon n'a-t-il pas quelque chose ?
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Dele Alli

Crédit: AFP

20 buts depuis août 2015, aucun milieu n'a fait mieux en Angleterre

Il a le regard malicieux d'un gamin qui va vous jouer un mauvais tour et déjà le nom d'une légende mais avec deux "L" comme Alli, Dele Alli. Il a donc tout pour devenir une star et il l'a montré contre Chelsea (2-0) récemment. Désigné "MOTM" ("Man Of The Match"), le jeune milieu de terrain (20 ans) n'était sans doute pas le meilleur joueur sur la pelouse de White Hart Lane - Victor Wanyama, énorme, l'était - mais c'est lui qui a inscrit les deux buts et ça compte plus que tout. Deux coups de tête après s'être élevé plus haut que tout le monde et surtout les défenseurs des Blues, invincibles depuis treize rencontres. Avant cela, Tottenham n'avait pas montré grand chose et lui encore moins. Mais marquer deux fois dans un match que tout le monde regarde et qui redonne espoir aux poursuivants de Chelsea, c'est le signe des joueurs qui ont quelque chose, de ceux qui font basculer un match.
Par ses inspirations, ses chevauchées et ses coups de patte (ou de tête), il apporte un peu de magie à une équipe qui ne fera que prétendre au titre sans un deuxième buteur derrière Harry Kane. Plus proche du but, dans l'axe, en soutien de l'attaquant, que sur le côté gauche, où il évoluait le plus souvent la saison passée, Alli devient un prédateur. Outre sa qualité technique hors norme pour un Anglais, deux choses me frappent chez lui. Tout d'abord, sa voracité, son appétit du jeu, des duels, du contact qui font la force des joueurs britanniques. Il avale les kilomètres - près de 13 par match ! - et semble infatigable. La même énergie que développait Rooney dans ses meilleures années. Chez les City Colts, l'un de ses premiers clubs à Milton Keynes, on se souvient d'une fois où ses jeunes coéquipiers avaient vu débarquer le meilleur joueur de l'équipe à quelques minutes seulement du coup d'envoi après avoir traversé toute la ville en vélo depuis le stade du MK Bowl où il venait de terminer une compétition de course à pied !
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Dele Alli

Crédit: AFP

Plus précoce que Scholes, Beckham, Lampard et Gerrard !

L'autre qualité, c'est son sens du déplacement, du timing pour arriver dans la surface adverse. En ce sens, il me rappelle Lampard, légende de Chelsea, seul milieu de terrain à avoir conclu dix saisons consécutives à dix buts ou plus en Premier League dont quatre à plus de vingt toutes compétitions. Ils n'ont évidemment pas le même profil mais possède tous les deux cette faculté à arriver au bon moment, au bon endroit. Et ce n'est pas dû au hasard, ni à la chance. Dele Alli en est déjà à dix réalisations à mi-championnat (ou presque), soit autant que sur l'ensemble du précédent exercice. Vingt depuis l'été 2015. Aucun milieu de terrain n'a fait mieux en Angleterre, aucun joueur de moins de 23 ans évoluant dans l'un des cinq grands championnats européens non plus. Vingt buts vingt mois après avoir effectué ses débuts en Premier League à Tottenham et quitté la D3 anglaise (League One) et MK Dons contre 6 M€. C'est 22 journées plus rapide que Scholes, 38 que Beckham, 88 que... Lampard et 117 que Gerrard, son modèle. Tous des milieux de terrain.
Alli, milieu précoce
"Il sera meilleur que Gerrard", prédit Jamie Redknapp, qui a évolué avec le capitaine des Reds. "Le meilleur milieu de terrain que j'ai vu depuis Paul Gascoigne", selon Alex Ferguson. Avant l'Euro, Roy Hodgson avait été très élogieux à propos d'Alli - "il a tout : il peut aller au contact, courir, se battre pour le ballon, voir une passe, marquer" - allant même jusqu'à le comparer à "Captain' Marvel", Bryan Robson, capitaine emblématique de l'Angleterre (90 sélections entre 1982 et 1990) mais également du Manchester United du début des années Ferguson. "L'un des joueurs les plus influents que j'ai eus", avait dit l'Ecossais.

Il a coupé les ponts avec sa famille

Le temps dira si Alli a l'étoffe de ces légendes du football anglais. Mais il y a des signes qui ne trompent pas. Comme les mots employés par son entraîneur, Mauricio Pochettino, pour décrire son joueur : "un garçon brillant", "très intelligent", "très sensible", "très intuitif". Le technicien argentin n'a pas mentionné sa qualité de frappe, ni son habileté avec le ballon, ni son jeu de tête pourtant dévastateur contre Chelsea. Le manager des Spurs a mis en avant ses qualités d'homme avant tout. Il a aussi abordé son côté "naughty" ("vilain") : "C'est une part de son identité, de son caractère, il en a besoin, à condition de ne pas franchir la ligne." Comme face à Swansea, en décembre, où il se laissa tomber pour obtenir un penalty, ou contre West Bromwich en avril 2015 et ce coup de coude sur Yacob qui l'avait privé de la fin de saison des Spurs. C'est sans lui que ces derniers avaient perdu le titre à... Chelsea (2-2), en mai 2016.
C'est sa part d'ombre qui ressort par moments et trouve son origine dans un passé familial douloureux et qu'il semble cacher derrière un sourire immuable. Abandonné très tôt par son père, Kenny, Nigérian parti refaire sa vie aux Etats-Unis, et confié dès l'âge de 13 ans à une famille d'accueil par sa mère, Denise, alcoolique disant vouloir lui offrir toutes les chances d'accomplir son rêve, Alli a fini par couper les ponts avec ses deux parents l'été dernier. Une décision prise au bout d'un Euro traversé comme un fantôme, ceci expliquant peut-être cela. En début de saison, le joueur a officialisé le changement de nom sur son maillot ("Dele") via un tweet : "un nom qui représente qui je suis et ce que je ressens ; je n'ai aucune connexion avec le nom Alli". Dévasté par l'annonce, son père, Kenny, traversa l'Atlantique pour tenter un rapprochement lors d'une rencontre des Spurs à domicile face à Liverpool. Alli ignora totalement celui qui lui a légué ce nom dont il ne veut plus. Et le jeune homme ne répond plus aux messages de sa mère, Denise, ni de ses soeurs. Un coup de balai dans sa vie personnelle qu'il laisse désormais aux portes du stade. Ce qui ne l'empêche pas de briller et même de taper dans l'oeil de grands clubs européens.
Aujourd'hui, le joueur figurerait sur le tableau de chasse du Real Madrid. Après Modric et Bale, ce serait le troisième joueur des Spurs en peu de temps et, jusqu'ici dirigeants et supporters merengues n'ont pas eu à se plaindre. Manque de bol, son rêve serait de porter un jour le maillot de... Barcelone.
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez écouter mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique.
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Harry Kane et Dele Alli

Crédit: AFP

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