Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Avant Manchester United - Tottenham - José Mourinho a-t-il retenu la leçon ?

Bruno Constant

Mis à jour 28/10/2017 à 12:40 GMT+2

PREMIER LEAGUE - L’approche ultra-défensive du Special One dans les grands matches peut-elle encore réussir en Premier League à l’heure où le Manchester City de Pep Guardiola et le Tottenham de Mauricio Pochettino affichent et assument leur ambition dans un jeu résolument offensif ? Réponse samedi avec la visite du second à Old Trafford.

Jose Mourinho

Crédit: Getty Images

Le vent est-il en train de tourner sur les côtes anglaises ? Les trois derniers champions ont bâti leur succès sur un bloc équipe compact, solide, s’appuyant sur l’une des meilleures défenses du royaume. C’était vrai pour le Chelsea de Conte, le Leicester de Ranieri et le Chelsea de Mourinho en 2014-2015, étincelant pendant cinq mois avant de protéger son avance comme son but durant la deuxième partie de saison.
Mais Manchester City et Tottenham, à l’ambition assumée d’un jeu offensif et conquérant, semblent prêts à renverser cette tendance et rappeler que les cinq champions précédents, de 2010 à 2014, étaient avant tout porté par la meilleure attaque d’Angleterre, parmi eux le recordman du nombre de buts inscrits en une saison (Chelsea avec 103 en 2009-2010) et son dauphin (Manchester City avec 102 en 2013-2014).

City impose une cadence infernale

Évidemment, le titre ne se gagne pas en octobre et la première place de Manchester City aujourd’hui ne fait pas d’eux un champion en mai. Mais la cadence et l’impression imposées par la formation de Pep Guardiola aussi bien en termes de points (25 après 9 journées, seul Chelsea a fait mieux en 2005-2006) que de buts marqués (32, un record depuis les 33 inscrits par Everton en… 1894-1895 !) et de jeu font des Citizens un favori naturel. Derrière eux, la démonstration de Tottenham face à Liverpool (4-1) et l’idée de puissance collective qui se dégage de l’équipe de Mauricio Pochettino font des Spurs un challenger excitant. L’un a pris ses distances en tête du championnat, l’autre a confirmé son statut de candidat au titre pour la troisième saison d’affilée, malgré son changement de stade, en revenant à hauteur de Manchester United. C’est aussi, à travers les idées de ses entraîneurs respectifs, la confirmation de deux forces, jeunes, offensives, ambitieuses et modernes qui donnent un sacré coup de vieux aux principes de jeu conservateurs de Jose Mourinho.
Dimanche dernier, devant son écran plat, le Special One n’a pas dû passer un moment très agréable en regardant la formation de Tottenham passer quatre buts à la très faible défense de Liverpool (4-1). Huit jours plus tôt, le Portugais avait fait le choix, très critiqué, d’une approche ultra défensive face à ces mêmes Reds (0-0) à Anfield. Certes, Manchester United avait rapporté un bon point de Liverpool mais la performance offensive des Spurs et surtout la nouvelle déconvenue défensive des hommes de Jürgen Klopp, notamment sa charnière centrale (Lovren-Matip) et son gardien (Mignolet), ont conforté l’idée négative qu’on se faisait du jeu proposé par Mourinho. Difficile, en effet, de ne pas penser que MU a perdu deux points dans la course au titre en optant pour la mauvaise tactique et surtout un manque d’ambition dans le jeu. A moins d’estimer que Tottenham a bien plus de moyens et d’armes offensives que Manchester United pour imposer son jeu face à un concurrent direct, ce qui, dans les faits, est faux, nous le savons vous et moi.
picture

Le piteux spectacle entre Liverpool et MU ? La faute de Klopp selon Mourinho

Une approche fondée sur l’erreur de l’autre

On a le droit de ne pas aimer la frilosité et même le manque d’ambition dans le jeu de Mourinho, d’autant que ça n’a pas toujours été le cas. On garde bien souvent une image négative du jeu des équipes du Portugais marqué par celle de l’Inter Milan éliminant le Barça de Guardiola recroquevillé dans ses trente mètres à neuf contre dix. Ce fut l’un des plus grands tours de force tactique de la carrière du Special One. On garde aussi l’idée qu’il a bâti ses succès sur un pragmatisme à toutes épreuves. En réalité, pas tous. Il faut se souvenir que son Chelsea (2004-2006) était une véritable machine à marquer avec 72 buts lors de la première saison (deuxième attaque derrière Arsenal, 82 buts) comme lors de la seconde (meilleure attaque à égalité avec MU) et ne pas oublier que son Real (2011-2012) a établi le record de points (100) et de buts marqués (121) sur une saison en Liga.
Ça signifie que, attaquer, Mourinho sait faire. Même s’il n’a pas toujours été convaincant, le jeu des Red Devils a offert de réelles séquences collectives séduisantes cette saison. Néanmoins, lorsque la difficulté approche, que l’importance de l’adversaire amplifie l’enjeu, Mourinho semble aspiré par ses principes conservateurs. Déjouer (l’adversaire) plutôt que jouer (son propre jeu), défendre pour mieux piéger et contrer. Dans son livre très critique à l’égard de Mourinho (The Special One), le journaliste espagnol Diego Torres dresse le plan en sept points édicté par le Portugais pour sortir vainqueur des grandes rencontres :
  • 1. Le match est remporté par l’équipe qui commet le moins d’erreurs
  • 2. Le football favorise celui qui provoque le plus d’erreurs dans la moitié adverse
  • 3. A l’extérieur, au lieu d’essayer d’être supérieur à l’adversaire, mieux vaut encourager ses erreurs
  • 4. Celui qui a le ballon a le plus de chance de faire une erreur
  • 5. Celui qui renonce à la possession réduit la possibilité de faire une erreur
  • 6. Celui qui a le ballon a peur
  • 7. Celui qui ne l’a pas est ainsi plus fort. Une approche fondée sur l’erreur de l’autre plutôt que celle d’imposer son jeu.
picture

Mourinho : ''Même en amical, jamais aussi mauvais''

Pochettino, la nouvelle vague

Des idées qui vont à l’encontre de celles de Guardiola et Pochettino. Deux techniciens qui affichent et assument leur ambition dans le jeu tout en prenant des risques. C’est beau à regarder et on aime ça. Le premier a déjà bâti sa légende et marqué le football de son empreinte durant ses années à Barcelone avec un style reconnaissable, celui de possession et de pressing haut et agressif. Le second est en train de l’écrire, année après année, en portant Tottenham à un niveau de jeu jamais atteint, même pas du temps de Gareth Bale.
Cohérent, structuré et ambitieux, il fait figure de nouvelle vague chez les entraîneurs. L’Espagnol a remporté à peu près autant de trophées que Mourinho (ils totalisent deux Ligue des Champions chacun) mais doit prouver que ses idées peuvent aussi gagner en Angleterre, comme en Allemagne (3 titres) et en Espagne (3 titres). L’Argentin, lui, déjà dans sa quatrième saison chez les Spurs, n’a toujours pas remporté le moindre trophée et la coupe de la ligue, abandonnée face à West Ham cette semaine, était le moyen le plus court (4 matches) pour y arriver. C’est peut-être un mal pour un bien dans la saison des Spurs qui visent plus haut en Premier League et en Ligue des Champions, mais Pochettino ne doit pas sous-estimer l’expérience d’un succès, même mineur, dans la dernière ligne droite d’une compétition.
C’est quelque chose que Mourinho a appris très vite dans sa carrière. A lui, aujourd’hui, de retenir la leçon de Liverpool au risque d’être rapidement dépassé et distancé dans une course au titre qu’on lui promettait. Est-il prêt à changer ses principes pour ça ?
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité