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Burnley et le "Mourinho roux"

Bruno Constant

Mis à jour 08/11/2017 à 13:34 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Derrière l’intouchable Top 6 anglais, le petit club de Burnley, une descente et deux promotions en cinq ans, réalise des miracles grâce à son manager, Sean Dyche, surnommé "The Ginger Mourinho" par ses supporters.

Sean Dyche

Crédit: Getty Images

Il y a quelques jours, l’ancien manager de Crystal Palace et ex sélectionneur de l’Angleterre Sam Allardyce a balancé un pavé dans la mare : la Premier League serait devenue une "ligue étrangère en Angleterre" et les entraineurs britanniques des "coachs de seconde classe". Well, si notre cher "Big Sam" n’avait pas magouillé avec agents et autres émissaires asiatiques pour expliquer comment contourner les règles de sa propre fédération sur les transferts, il serait sans doute encore aujourd’hui un manager de première classe à la tête de l’équipe nationale.
Ceci étant dit, Allardyce n’a pas tout à fait tort. Aux six premières places du championnat, on trouve six techniciens étrangers : un Espagnol, un Portugais, un Argentin, un Italien, un Allemand et un Français. C’est ce qu’on a appelé, depuis l’arrivée simultanée de Guardiola, Conte et Mourinho en 2016, la "ligue des managers" où se trouvaient déjà Wenger, Klopp et Pochettino.
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Sean Dyche

Crédit: Getty Images

Aussi bien que Liverpool et Arsenal

Néanmoins, derrière cet intouchable Top 6 (Manchester City, United, Tottenham, Chelsea, Liverpool et Arsenal) au casting hollywoodien, Burnley est un véritable vent de fraicheur. Après onze journées, le club du nord-ouest de l’Angleterre fait aussi bien que Liverpool et Arsenal (19 points) avec une différence de buts assez semblable (+1 contre +4) malgré un chiffre d’affaires (40 M£) - on ne parle pas de budget outre-Manche - neuf fois inférieur à ceux des Reds (302 M£) et des Gunners (355 M£).
Les Clarets déjouent les pronostics de tous les observateurs, moi le premier, qui voyaient le club repartir d’où il était venu, c’est à dire le Championship (promu en 2016), après avoir perdu deux de ses meilleurs joueurs à l’intersaison : l’attaquant Andre Gray (Watford) et le défenseur international anglais Michael Keane (Everton).
Ce succès inattendu et improbable, Burnley le doit à un homme : Sean Dyche, son manager charismatique à la voix rauque et au bouc roux si cher aux Bronzés. Le technicien de 46 ans, qui vient de fêter ses cinq années sur le banc du club, enchaîne les miracles. Deux promotions en trois ans pour cette petite ville de 75 000 habitants. Une réussite qui lui a valu le surnom de "Ginger Mourinho" (le "Mourinho roux") chez les supporters. "Je ne suis pas le Special One comme Jose (Mourinho). Je suis seulement spécial car j’ai des cheveux roux et 95% de la population mondiale n’a pas de cheveux roux", avait-il répondu avec ironie, en avril dernier, après avoir attendu la 35e journée pour son premier succès à l’extérieur, sur le terrain de Crystal Palace, et assuré le maintien de Burnley.
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Sean Dyche et Jose Mourinho

Crédit: Getty Images

Votre équipe était si bien organisée, si bien coachée, c’était tellement beau à voir
Certains le comparent davantage à Diego Simeone pour sa capacité à tirer le maximum de ses joueurs mais aussi et surtout pour l’aspect défensif de son jeu. Comme l’Atletico Madrid, Burnley est discipliné, organisé, difficile à battre. La saison passée, alors que le City de Guardiola était venu péniblement à bout de son équipe (2-1), le Catalan croisa Dyche en sortant de la salle de presse et s’arrêta pour le féliciter : "Nous n’avons pas réussi à vous dominer. Nous ne sommes pas arrivés à trouver la solution. Votre équipe était si bien organisée, si bien coachée, c’était tellement beau à voir."
Son secret ? "Il n’y en a pas". Sa philosophie ? "Je n’aime pas ce mot". Drôle, direct, sans filtre, humain, honnête et terre à terre, Dyche privilégie le "man management" et la valeur des hommes. Un héritage de ses jeunes années passées à Nottingham Forest dirigé alors par le grand Brian Clough. "Tout le monde savait ce qu’il avait à faire. Simple. Mais l’attitude était tout aussi importante : avoir de bonnes manières, être présentable, ponctuel, poli". Des valeurs qu’il a appliquées à Burnley. "J’aime l’implacable nature d’une équipe qui n’abandonne pas." Il a ça dans le sang, depuis toujours. De sa mère, couturière dans l’industrie de la chaussure, qui a fait la réputation de sa ville natale, Kettering, et de son père, consultant dans celle de l’acier, qui lui lança un jour alors qu’il se plaignait de sa situation de remplaçant à Forest : "Travailler dur, c’est comme ça qu’on avance". Dyche a également suivi le conseil de Howard Wilkinson, dernier manager anglais à avoir remporté le titre (1992, avec un certain Cantona) : "Win, survive and then build". "Gagne, survis et alors construis". C’est exactement ce qu’il a fait à Burnley.
Un coach moderne avec une approche old school
"Gagne." Pour ça, Dyche a commencé par faire de Turf Moor, son stade, une forteresse. Avec ses 22 000 places, c’est l’un des plus petits stades et l’une des ambiances les plus chaudes d’Angleterre, l’un des derniers antidépresseurs face à la construction massive de nouvelles enceintes lucratives et sans âme. Seizième de Premier League la saison passée, Burnley présentait le neuvième bilan comptable à domicile. Les gros n’aiment pas y venir jouer. Conte s’est plaint des "longs ballons" de Burnley et Klopp des "seconds ballons".
Sean Dyche est un "coach moderne avec une approche old school" comme l’a décrit un jour The Daily Telegraph. La recette est simple : un 4-4-2 à plat avec deux lignes de quatre, compactes, et deux attaquants comme on n’en fait plus. Le jeu est direct et vertical, pas très loin du kick and rush, mais son efficacité est redoutable. Cette saison, son équipe a récolté dix-neuf points en marquant seulement dix buts et concédé deux défaites.
"Survis." Comme je l’ai déjà dit, Dyche a obtenu deux promotions en Premier League avec son équipe en trois ans (2014 et 2016). C’est quelque chose qu’il connaît. Ancien défenseur, il n’a pas été un grand joueur et n’a jamais décollé des petites divisions mais il a porté le brassard et connu la promotion avec quatre des six maillots qu’il a portés (Chesterfield, Bristol City, Luton, Millwall, Watford, Northampton Town). Lorsque Burnley a été relégué en 2015, personne ne s’est affolé au sein du club. Le limogeage de son manager n’a jamais été évoqué et l’équipe est remontée l’année suivante. Maintenue en mai dernier en finissant seizième, elle est, aujourd’hui, confortablement assise à la septième place (4 points d’avance sur le 8e) et Dyche compte l’installer durablement au sein de l’élite comme l’ont réussi Stoke et Bournemouth.
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Sean Dyche

Crédit: Getty Images

10 M£ seulement en transferts par saison depuis 5 ans

"Construis." Depuis le premier jour de son arrivée (30 octobre 2012), Dyche dit vouloir construire sur la durée. Lors de sa première promotion (2014), il a demandé aux dirigeants ce qu’il restait du jackpot des droits TV résultant de la montée du club en 2009 (60 M£ !). "Rien", avait répondu l’un d’eux. Cinq ans plus tard, Dyche n’a dépensé que dix des 120 M£ touchés grâce à l’accession en Premier League. En revanche, le club a assaini ses dettes en remboursant tous ses emprunts, investi dans la brique et le mortier en construisant un nouveau centre d’entraînement et de nouveaux terrains, modernisé le stade et misé sur le développement des jeunes.
En cinq ans à la tête de l’équipe, Dyche a déboursé 47 M£ nettes en transferts, soit moins de 10 M£ par saison. Le club a l’art de dénicher ou développer de nouveaux talents. En 2013, Burnley a vendu son meilleur buteur (Charlie Austin) au grand favori à la montée (QPR) mais a terminé devant les Londoniens grâce à deux nouvelles têtes, Sam Vokes et Danny Ings, qui rejoindra plus tard Liverpool où il se blessera gravement. Depuis, Kieran Trippier fait les beaux jours de Tottenham et Michael Keane est devenu international avant de rejoindre Everton tout comme son gardien, Tom Heaton. Mais Dyche construit autant le club qu’il façonne son équipe.
Aujourd’hui, le jeu de Burnley ne se résume plus à défendre dans ses trente mètres et balancer devant. Cette saison, les Clarets sont également devenus redoutables away from home (à l’extérieur), une nouvelle corde à l’arc de Dyche marquée par des résultats probants à Chelsea (3-2), Tottenham (1-1), Liverpool (1-1) et et Everton (1-0) où son équipe a inscrit le seul but après une séquence de 24 passes !
Une réussite qui fait des envieux. Ces dernières semaines, son nom a circulé du côté de Leicester, Everton et West Ham, trois clubs qui viennent de se séparer de leur entraineur. Mais Dyche est resté fidèle à Burnley et c’est tout à son honneur. C’est pourtant, comme l’a dit justement l’ancien Mancunien Phil Neville, ce qu’il peut espérer de mieux comme entraineur anglais de Premier League : un club jouant pour la septième place, à moins de devenir le nouveau Ferguson. Mais, qui sait ?
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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