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Comment le Brésil est redevenu le Brésil

Thomas Goubin

Mis à jour 24/03/2017 à 00:40 GMT+1

En position de premier non qualifié pour la Coupe du monde il y a un an, le Brésil a opéré un redressement spectaculaire depuis sa reprise en main par Tite. Après six victoires de rang, la Seleçao domine désormais les éliminatoires sud-américaines, et sa décadence semble déjà appartenir à un passé aussi récent que révolu.

Tite et Neymar (Brésil)

Crédit: AFP

Dix-sept buts inscrits, pour un seul encaissé. Tel est le bilan de Tite, le sélectionneur qui a redonné le sourire à un Brésil déprimé. Déjà effaré d'avoir été balayé par l'Allemagne à domicile – le fameux 7-1 – le pays amazonien a ensuite été sidéré de constater qu'il n'avait alors sans doute pas touché le fond. Car après 2014, viendra une élimination en quart de finale de la Copa América 2015 face au Paraguay, puis, une sortie de route inédite, lors de la Copa América 2016, après une défaite face au Pérou (0-1), qui le rangeait dans la catégorie des éliminés du premier tour, en compagnie des poids plume de son continent.
Entre-temps, la Seleçao avait aussi signé la plus mauvaise entame de campagne éliminatoire de son histoire. Après six journées (sur dix-huit) et avoir arraché un nul au Paraguay (2-2, 29 mars 2016), le Brésil alors entraîné par Dunga pointait en sixième position du classement. La Seleçao serait-elle du Mondial ? C'est une question qui pouvait ressembler à une hérésie mais qui se posait alors légitimement. Un an plus tard, le Brésil, qui semblait pourtant en panne de solutions, a su se réinventer. Il domine même les éliminatoires, quatre points devant l'Uruguay, où il se déplacera jeudi pour un choc au sommet. "Aujourd'hui, les adversaires sentent que nous sommes la Seleçao de toujours, assure Joao Miranda, le défenseur central de l'Inter Milan et titulaire indiscutable sous Tite, cette sélection respectée, forte, toujours candidate au meilleur". Mais comment cette métamorphose s'est-elle opérée si rapidement ?
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João Miranda en duel face à Sergio Agüero lors du dernier Brésil-Argentine.

Crédit: Panoramic

Le changement dans la continuité

"Transparence, démocratisation, excellence, et modernité". Il ne s'agit pas d'un slogan de campagne politique, mais des principes énoncés par Tite, à son arrivée à la tête de la Seleçao, en juin 2016. L'époque était alors plutôt à la chasse aux sorcières après la débâcle de la Copa América, mais l'ex-entraîneur des Corinthians s'est de suite posé en rassembleur. Sa première liste (pour les matches éliminatoires de septembre, en Equateur, et face à la Colombie) semblait pourtant dessiner une volonté de bousculer un certain ordre établi. Tite misait ainsi sur sept champions olympiques, dont Gabriel Jesus et Gabriel Barbosa, et il appelait des joueurs confirmés mais jamais sélectionnés, comme Taison (Chakhtar Donetsk) ou Rafael Carioca (Atlético Mineiro).
Le néo-sélectionneur s'empressait toutefois de préciser que certains "Européensé n'avaient simplement pas été retenus pour ne pas avoir encore atteint leur plénitude physique en ce début de saison. Magnanime, tandis que Dunga semblait toujours prêt à exploser, Tite a ramené de la sérénité au sein de la Seleçao. Il a aussi stimulé la concurrence interne dans un sélection qui prend à nouveau du plaisir sur le terrain, à défaut de délivrer du joga bonito. Résultat, la canarinha peut désormais compter sur un groupe d'une bonne vingtaine de joueurs performants, qu'ils viennent d'Europe, du Brésil, ou de Chine, la nouvelle destination à la mode...
Tite a même fini par rappeler Thiago Silva, marginalisé après le fiasco de la Copa América 2015, dès son troisième match à la tête de la sélection. Une manière de montrer qu'il comptait sur les meilleurs du moment, quelque soient leurs antécédents. Pour affronter l'Uruguay, il vient ainsi de sélectionner Diego (32 ans), l'ex de la Juventus, qui brille actuellement sous le maillot de Flamengo.

Une arrière-garde imperméable

Le manque de brio offensif de la Seleçao a symbolisé sa décadence. En considérant les forces en présence, c'est toutefois la porosité de son arrière-garde qui constituait sans doute l'élément le plus surprenant. Car, sur le papier, les sélectionneurs brésiliens avaient l'embarras du choix, avec des Dani Alves, Miranda, Thiago Silva, Marquinhos, David Luiz, Filipe Luis ou Marcelo. Un réservoir sans doute inégalable. La force de Tite est d'avoir, de suite, trouvé sa charnière centrale : Miranda-Marquinhos. David Luiz n'a ainsi jamais été retenu, tandis que Thiago Silva doit, pour le moment, se contenter d'un statut de remplaçant.
Sur les côtés, l'ex-entraîneur des Corinthians n'a pas non plus tergiversé. Après avoir lancé Filipe Luis, à gauche, pour son premier match, il a ensuite donné les clés de ce couloir à Marcelo, Dani Alves s'occupant du droit. Résultat, en six matches, le Brésil n'a encaissé qu'un seul but, c'était le 6 septembre, face à la Colombie (2-1).
Attribuer ce nouvel hermétisme à l'identité des quatre de derrière serait toutefois réducteur. Dans le 4-1-4-1 cher à Tite, la charnière est ainsi soigneusement protégée par le milieu défensif, qui reçoit lui-même, à l'occasion, l'appui de l'un des deux milieux axiaux, qui veillent aussi, de leur côté, à compenser les montées des latéraux. Bref, le Brésil est redevenu un organisme compact, difficile à prendre à revers. "Nos attaquants sont les premiers défenseurs, reconnaît ainsi Miranda, quand ils perdent le ballon, ils pressent sans attendre. Cette sélection est très organisée et forte mentalement".

L'éclosion salutaire de Gabriel Jesus

Devant, Tite n'a pas non plus tardé à trouver la formule. Il a ainsi installé dans son onze Philippe Coutinho, cantonné au mieux à des bouts de matches sous Dunga. Au-delà de ses qualités techniques et de sa belle frappe de balle, le milieu offensif de Liverpool est devenu essentiel pour le liant qu'il apporte entre entre-jeu et attaque. Avec Coutinho, positionné à droite dans un 4-1-4-1, qui peut se muer en 4-2-3-1, quand Paulinho ou Renato Augusto, deux hommes de confiance de Tite, viennent épauler Casemiro ou Fernandinho à la récupération, Neymar n'est enfin plus le seul dépositaire du jeu.
Les responsabilités sont mieux réparties et comme le Red aime dézoner dans l'axe, et que le Blaugrana aime y repiquer, l'animation offensive brésilienne devient plus élastique, moins lisible pour l'adversaire. Pour redonner du brio à son attaque, Tite a aussi eu la chance de compter sur l'éclosion de Gabriel Jesus, dont il a fait un indiscutable en pointe, à 19 ans. Aussi talentueux soit le néo-citizen, le sélectionneur a toutefois eu le mérite de lui témoigner de sa confiance d'entrée, en le titularisant.
En six capes, toutes honorées sous Tite, l'ex de Palmeiras a déjà inscrit quatre buts. Avec Gabriel Jesus, la Seleçao a enfin retrouvé un avant-centre digne de son standing. La qualité de son secteur offensif ne conduit toutefois pas Tite à vouloir camper dans le camp adverse à tout prix. Pour la réception de l'Argentine, le 10 novembre dernier, le Brésil n'avait ainsi pas hésité à laisser le ballon à son adversaire, pour mieux profiter de la lourdeur de l'arrière-garde adverse, pour le résultat que l'on sait (3-0).

Le groupe plutôt que l'homme providentiel

Pour le moment, le bilan de Tite est tout simplement inattaquable. Il a ramené le Brésil sur le chemin de la victoire, mais surtout il a redonné des certitudes à un groupe à la confiance entamée par des humiliations à répétition. Jeudi, pour son déplacement à Montevideo, le Brésil devra faire sans Gabriel Jesus, forfait. Cette absence sera conjuguée à celle de Douglas Costa, lui aussi indisponible.
Tite a toutefois déjà montré qu'il sait faire sans l'une de ses pièces maîtresses. Le 11 octobre, le Brésil, privé de Neymar, l'avait ainsi emporté sur le terrain du Venezuela (0-2). Ce n'était que le Venezuela, mais sous les mandats de Felipe Scolari puis Dunga, la canarinha semblait incapable de mettre un pied devant l'autre sans la star du Barça. Neymar n'a ainsi participé à aucune des éliminations qui ont meurtri le Brésil ces dernières années : en Coupe du monde (forfait), lors de la Copa América 2015 (suspendu) et lors de la Copa América 2016 (mobilisé pour les JO). Le Brésil de Tite ne dépend désormais plus d'un seul homme, et le sélectionneur a d'ailleurs délesté sa star de son statut de capitaine.
Désormais, le brassard tourne presque à chaque match -Fernandinho, Dani Alves, Filipe Luis, Renato Augusto, et Miranda l'ont déjà porté- comme pour bien rappeler que le salut viendra du groupe. "Avec Tite, même les remplaçants se sentent importants", assure ainsi Miranda. Le discours du défenseur interiste est foncièrement positif. Il y a moins d'un an, la Seleçao vivait pourtant l'un des moments les plus noirs de son histoire. Une période qui semble déjà révolue, et une rechute paraît désormais une perspective aussi improbable que celle de voir le Brésil absent d'une Coupe du monde…
Le onze du Brésil face à l'Uruguay (selon media brésiliens) : Alisson - Daniel Alves, Marquinhos, Miranda, Marcelo -Casemiro- Philippe Coutinho, Paulinho, Renato Augusto, Neymar- Roberto Firmino
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Marquinhos avec la maillot du Brésil, le 13 octobre 2015

Crédit: Panoramic

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