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"L’Ingénieur" Fernando Santos reprend le chantier du Portugal

Nicolas Vilas

Mis à jour 23/09/2014 à 16:02 GMT+2

La federation portugaise a choisi Fernando Santos pour succéder à Paulo Bento au poste de sélectionneur. Au sommet de sa carrière, "L’Ingénieur" prend en mains une Seleção en pleine reconstruction.

Fernando Santos lors de la Coupe du monde 2014.

Crédit: AFP

Dix jours après avoir officialisé son divorce avec Paulo Bento, la fédération portugaise vient d’annoncer Fernando Santos au poste de sélectionneur. La nouvelle idylle sera consommée le 10 octobre prochain. A 24 heures de son premier match en tant que seleccionador, face à la France, Santos fêtera ses 60 ans. Et c’est sur ce sexagénaire que l’avenir de la Seleção repose.
Usé, désavoué, désabusé par sa défaite contre l’Albanie (0-1) en ouverture des qualifs pour l’Euro 2016, Bento a été invité à rendre son tablier. Et la fédé a embauché "L’Ingénieur" afin de poursuivre le grand chantier de son renouvellement. Il est l’incarnation de la "préférence nationale" affichée par la FPF. Il été préféré à Mancini ou Tite (qui se sont portés publiquement candidats) et à ses compatriotes José Peseiro, Vitor Pereira, Jesualdo ou Manuel José. Jardim avait été approché mais entre ce que Monaco l’a payé et le paye, son dossier était trop compliqué. Libre depuis la fin du Mondial où il a porté la Grèce vers un historique huitième de finale, Santos semble représenter le bon compromis.

Amant de la pression

Vous vous dites surement que Fernando Santos aurait préféré des débuts moins stressants avec la Seleção. Trois jours après un test-match (peu amical) face aux Bleus, il devra sortir les points au Danemark. Mais FS en a vu d’autres. A tout juste 60 piges, la pression n’est plus une simple aventure pour lui. Il en a fait sa compagne. Son parcours avec l’Estrela da Amadora – qu’il a menée là où personne ne l’a fait (7e de Liga en 1997-1998) – lui a ouvert les portes de Porto. Il y sera "L’ingénieur du penta" (le cinquième titre consécutif du club). En plus d'une Liga, il remporte deux Coupes du Portugal et autant de Supercoupes entre 1998 et 2001.
Il enchaîne un premier passage en Grèce où il soulève la Coupe avec l’AEK (2002) et s’offre une courte pige au Panathinaikos. Comeback au Portugal. Au Sporting (2003-2004). Il assiste aux départs de Cristiano Ronaldo et Ricardo Quaresma, avant de perdre João Pinto sur blessure. Il termine troisième du championnat et repart deux saisons à l’AEK. Le retour 2. 2006 : nouvelle embauche dans sa Lisbonne natale. Le Benfica, maintenant. Fan de Coluna et d’Eusébio, sympathisant du SLB où il a été formé, Santos ne parvient pas à décrocher de titre et c’est sa tête que Vieira est obligé de faire tomber au terme d’une saison et quelques matches. Il retourne se faire voir chez les Grecs et place le PAOK sur le devant de la scène. "La pression est la même" que dans ces grands du Portugal, assure Fernando qui se verra confier le destin d’Hellas en 2010.

"L’entraîneur de tous"

A la Luz, Santos est surtout devenu le premier coach portugais à bosser pour les trois grands. Un détail (ou pas) qui plait au patron de la fédé, Fernando Gomes, à qui certains aiment rappeler son passé portiste. (Encore et toujours le clubisme…) A quelques mois du Mondial au Brésil, Santos se félicitait sur Sapo d’être une figure de concordance en Grèce : "Je suis l’entraîneur de tous et il n’y a jamais eu aucun clivage lié à mon passage par des clubs". A défaut de nombreux trophées, il collectionne les distinctions personnelles : quatre fois meilleur entraîneur de l’année de la Super League, il est adoubé lors d’un vote public en 2010 : "Entraîneur de la décennie en Grèce" où il est devenu une figure plus que respectée. "Là-bas, il est très aimé, se souvient Olivier Sorlin qui a travaillé sous ses ordres à Salonique. Lorsqu’il a quitté le PAOK, les gens étaient dégoûtés, tristes mais comme c’était pour rejoindre la sélection, ça a compensé leur peine". Et ça leur a même amené beaucoup de joies. Santos a mené les Hellènes et leurs garçons à deux phases finales consécutives (Euro 2012 et Coupe du Monde 2014). Et avec un taux de succès de 53,1%, il devance même le légendaire Otto Rehhagel (50%), vainqueur de l’Euro 2004 au Portugal.

Défensif ou pas ?

Qui dit Grèce pense bien évidemment à austérité. (On parle de foot, hein…) Rehhagel avait étonné l’Europe (et surtout les Portugais) en misant tout sur la discipline tactique. Fernando Santos prendra le relais. Avec une moyenne de 0,73 but encaissé par match, il fera encore mieux que l’Allemand (1,05). Voilà dix ans (AEK, Benfica, Porto, Grèce) que les défenses de l’ingénieur encaissent moins d’un but par match en moyenne. Début 2012, il expliquait : "D’abord la tactique, après la capacité technique". Au Brésil, il essuie les critiques : "Si j’avais un joueur comme Messi ou Neymar, mon équipe jouerait certainement mieux".
Sorlin résume : "C’est sûr qu’il aimait avoir une base solide mais jamais il ne nous a dit de défendre à dix derrière. Il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a". Et ça sonne souvent juste. "On peut ne pas savoir jouer comme Bach, Mozart ou Beethoven et savoir-faire quand même la fête, sourit-il. On fait une samba, du tambour…" En Seleção, il aura un maestro : Cristiano. Et une belle occasion d’apporter son savoir-faire défensif. Sous Bento, les Portugais ont mangé 1,09 but par match, la pire stat depuis 1989… Mais Santos n’a pas toujours eu cette réputation. Longtemps, il a traîné l’image d’un coach joueur. Trop, même. Au Benfica, son 4-4-2 losange séduisait. Les résultats, pas toujours. En Grèce, comme entraîneur ou sélectionneur, il a adapté son 4-4-2, tendant vers un système plus à plat ou pour un 4-5-1 plus fermé. Le voilà confronté à une Seleção convertie et accrochée au 4-3-3. Et c’est aussi pour ça que sa nomination est excitante…
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Fernando Santos

Crédit: AFP

"Très proche des joueurs"

"Santos n’est peut-être pas le plus grand des tacticiens mais il a des qualités de gestion et humaines extraordinaires qui expliquent aussi ses bons résultats". Si Sorlin commente avec plaisir son passage au PAOK, l’entraîneur portugais n’y est pas pour rien : "Il est très proche des joueurs. Quand il doit se faire respecter, il le fait mais il sait aussi décompresser quand il le faut". Fernando est un équilibre entre rigueur et compassion. Ce dont une sélection a besoin. Plus encore celle du Portugal actuel. Sa première référence s’appelle Jimmy Hagan. L’ex-manager du Benfica était connu pour sa fermeté. "Inflexible", préfère Fernando.
En 1973, il quitte la Luz et s’installe à Estoril. A cette époque, Santos poursuit ses études d’ingénieur en électronique et télécommunications. Hagan lui propose d’intégrer son groupe. Le club de Cascais grimpe de la D3 à la D1. Fernando va cumuler les fonctions de joueur et de directeur technique d’un hôtel. Autre temps, autre réalité. Celle d’un professionnalisme encore balbutiant et refoulé par l’Etat Nouveau salazariste. Jimmy est débauché par le Sporting et le président d’Estoril propose à Santos de devenir adjoint, puis numéro un. L’aventure va durer six ans. Jusqu’à ce qu’un changement de direction change celle de Fernando. "Je pensais que je ne retournerais plus au football et que je poursuivrais ma carrière d’ingénieur puisque je travaillais dans plusieurs hôtels". Mais l’Estrela va raviver son étoile.

Fidèle, intelligent et passionné

Au cours de ses premières années en tant que technicien, Santos sera à l’image d’Hagan : dur. Jusqu’à son arrivée au Dragon où il mettra de l’eau dans son Porto, histoire de ne pas se noyer dans son vestiaire. Qui le lui rend bien. Sur et en dehors du terrain. "Ce n’est peut-être pas le meilleur entraîneur avec lequel j’ai travaillé et j’en ai connus beaucoup mais surement celui qui m’a plus aidé", dira de lui Deco. Au FCP il se verra donc attribuer le surnom de "Ingénieur du Penta". "J’aime cette expression qui marque définitivement ma vie comme entraîneur", sourit-il. A 59 ans, il a noué de nombreuses relations de confiance avec ses dirigeants (aussi bien à Porto qu’au Benfica) et ses joueurs. Un mec fidèle, qui, là où il passe, aime s’entourer d’éléments partageant ses valeurs.
Jorge Rosario (aujourd’hui avec Sérgio Conceição à Braga) a été son adjoint durant plus de quinze ans. Il décrit son ex comme un "entraîneur intelligent". Fernando Santos aura besoin de clairvoyance pour gérer les déçus Danny, Quaresma, Ricardo Carvalho voire Tiago. Les petits nouveaux, les ambitieux et, surtout, l’influent Cristiano Ronaldo, qui avait déjà fait de Fernando son candidat préféré. Il reste toutefois un homme de caractère. Un passionné. Il l’a payé cher au Mondial. Son exclusion contre le Costa Rica lui a valu huit de matches de suspension de la part de la FIFA. La fédé grecque, qui a "oublié" de le prévenir de sa sanction, l’a empêché de faire appel à temps. Santos tente maintenant de réduire sa peine de lutter contre celle de tout un pays. Le sien…
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