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Atalanta, la patience de l'éclosion

Eurosport
ParEurosport

Publié 18/04/2013 à 23:19 GMT+2

L'Atalanta Bergame a été élu meilleur centre de formation italien en 2012 et huitième européen. Johann Crochet nous explique la méthode et la réussite du club lombard.

Comment classer les clubs sur le critère du "meilleur centre de formation" d'un pays ? Par les quelques stars qui sont sorties récemment ? Par le nombre de joueurs formés au club évoluant avec l'équipe première ? Ou évoluant tout simplement en Série A ? Et sur quelle période limiter la recherche ? Tant de questions qui rendent tout classement assez aléatoire. Pourtant, c'est un fait, l'Atalanta Bergame a été élu meilleur centre de formation italien en 2012 et huitième européen par le CIES (Centre International d’Etude du Sport de l’Université de Neuchâtel). La méthode du club lombard est on ne peut plus pragmatique et fonctionne depuis des années.
L'étude du CIES
Quand une personne m'a demandé sur Twitter (j'ai oublié son nom, qu'il m'en excuse) quel club italien pouvait être comparé au FC Nantes ou à l'AJ Auxerre en terme de formation, j'ai dû prendre le temps de réfléchir. Non pas qu'il n'y ait pas de clubs formateurs en Italie, mais disons que ce n'est pas la priorité des clubs de l'élite, et que même si les choses changent, la nouvelle stratégie de développement est trop récente pour être comparée aux deux illustres clubs français. Ces deux "élevages de champions", pour reprendre une expression des années 90, ont fourni au football français de nombreux joueurs de qualité, tout en jouant les premiers rôles chaque année.
La Roma a bien sorti quelques stars (Di Bartolomei, Conti, Totti, De Rossi…), Milan également (Maldini, Baresi, Albertini…) mais en "quantité", la comparaison ne peut tenir. Et puis, j'ai repensé à l'Atalanta Bergame et à cette étude du CIES. "Meilleur club formateur Italien", qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Un coup d'œil à l'étude et l'explication arrive : pour la saison 2012-2013, 21 joueurs évoluant dans les cinq grands championnats européens ont été formés à l'Atalanta Bergame. Le club italien est huitième à égalité avec la Real Sociedad, derrière le Barça (38), Lyon (31), Real Madrid (29), Rennes et Manchester United (24), Bayern (23) et Sochaux (22).
Un recrutement local
Le directeur de la formation de l'Atalanta est Mino Favini, au club depuis plus de vingt ans. Sa devise ? Si tu n'étudies pas, tu ne joues pas. À 77 ans, il arpente encore les terrains de la région lombarde à la recherche de jeunes joueurs à intégrer au centre de formation du club. Et cela commence à 6 ans. Mais à cet âge, pas question de regarder le physique. Favini préfère étudier la manière avec laquelle les enfants jouent au ballon, leur habilité à le donner et à le recevoir, et le plaisir qu'ils prennent sur le terrain. Car tout le reste – comprenez la technique, le physique et la tactique – peut être enseigné plus tard.
Favini mise également sur un recrutement local. L'Atalanta n'est pas du genre à envoyer des scouts aux quatre coins du monde pour dénicher des perles de 15-16 ans au Brésil, au Ghana ou au Danemark. Non, pour les dirigeants de l'Atalanta, ne pas déraciner les jeunes est une condition presque indispensable à la progression et à l'épanouissement personnel. Ainsi, sur les 260 joueurs du club (de la catégorie des 7 ans à la Primavera, dernière étape du centre de formation), seuls dix-neuf ne viennent pas de Lombardie dont quatre étrangers. Favini n'est pas du genre à coller la pression à ses entraîneurs pour remplir la vitrine à trophées du centre de formation. Comme il aime le répéter "les seules victoires sont de voir un joueur passer du centre de formation à l'équipe professionnelle". Cela n'a pas empêché le club de glaner seize titres nationaux en vingt ans avec les différentes équipes de jeunes.
Le business model d'une équipe de province
Pas vraiment ambitieux, souhaitant simplement évoluer le plus possible dans l'élite, le club de Bergame connaît ses limites : jamais il ne pourra lutter avec les ogres du football italien. Alors, il faut faire avec les moyens du bord et développer une stratégie rentable. C'est ainsi que l'Atalanta a misé sur la formation et en récolte les fruits chaque année. Dans l'effectif actuel, six joueurs ont été formés au club, et sous l'impulsion du directeur général Pierpaolo Marino, deux joueurs formés au club et partis ailleurs sont revenus à Bergame récemment : les défenseurs Michele Canini et Davide Brivio. Car pour Marino, avoir été formé à l'Atalanta est un gage de qualité.
L'Atalanta a réussi un joli coup en recrutant Pierpaolo Marino. Arrivé comme directeur technique en 2011, il a été promu directeur général et a signé une prolongation de contrat de cinq années. Marino a travaillé à la Roma, Naples et à l'Udinese et a su mêler formation et recrutement de jeunes joueurs (Hamsik, Lavezzi, Amoroso, Pizarro) partout où il est passé. L'équipe de dirigeants et d'entraîneurs est sur la même longueur d'onde et tout le monde travaille avec le même objectif : soutenir l'effectif de l'équipe première avec le centre de formation. Et l'Atalanta s'en donne les moyens. Chaque année, elle dépense environ quatre millions d'euros pour son centre. Le club améliore continuellement ses structures, forme son personnel, recrute de nouveaux joueurs...
Une patience salvatrice
L'Atalanta arrive à avoir ce que les grands clubs italiens ne peuvent ou ne veulent pas avoir : du temps. À Bergame, il n'y a pas d'impatience ni de volonté de brûler les étapes pour faire éclore de nouveaux joueurs. Le processus est long et doit être mené du début à la fin sans accroc. Le club donne les moyens à ces futurs joueurs de se développer physiquement et intellectuellement, accordant une très grande importance aux études et au comportement hors du terrain.
Aujourd'hui, l'Atalanta compte six joueurs issus de son centre de formation : l'excellent gardien Andrea Consigli (26 ans, très courtisé et en fin de contrat), l'élégant et décisif milieu offensif Giacomo Bonaventura (23 ans, très très courtisé) mais aussi les défenseurs Canini et Brivio, le vétéran ‪ Bellini (plus de 350 matchs avec le club), et aussi le fougueux Cristian Raimondi. Parmi les joueurs passés par l'Atalanta Bergame et aujourd'hui bien installés en Série A, citons Riccardo Montolivo (Milan), Giampaolo Pazzini (Milan), Simone Padoin (Juve), Marco Motta (Bologne), Andrea Lazzari (Udinese) et Manolo Gabbiadini (Juve/Bologne).
Jouer au football
L'équipe de l'Atalanta joue bien au football. C'est aussi en partie ce qui explique son succès auprès des Italiens. Car une fois les rivalités mises de côté, le club de Bergame est souvent cité dans les clubs de province préférés des Italiens. L'Atalanta forme et insiste pour enseigner un jeu au sol de qualité. Ce n'est pas un hasard si Cesare Prandelli a commencé sa carrière d'entraîneur dans les équipes de jeunes de l'Atalanta et a été marqué par cet état d'esprit et cette vision du football. Tout comme ce n'est pas un hasard si la légende Giuseppe Bergomi (entraîneur de la catégorie du Campionato Berretti) avoue prendre beaucoup de plaisir dans ce rôle.
L'Atalanta a aussi trouvé son bon entraîneur avec Stefano Colantuono. L'année passée, le club, malgré six points de pénalité au début de la saison, a terminé la saison au milieu du classement et aurait été 9ème sans la pénalité liée au Calcioscommesse. Et surtout, le club a proposé un beau football, régalant ses fidèles (et parfois bouillants) tifosi. Colantuono est un bâtisseur, il aime travailler avec les jeunes joueurs et n'hésite jamais à leur faire confiance. Même si cette saison est un peu plus compliquée (13ème, avec encore 2 points de pénalité), le club ne change pas de formule et tente toujours de s'imposer à travers le jeu. Seul vrai problème : l'indiscipline. L'Atalanta a en effet déjà récolté treize cartons rouges cette saison et domine largement ce classement. Un manque de contrôle qui a déjà coûté de nombreux points aux Nerazzurri et qu'il faudra corriger à l'entame du sprint final. Samedi, l'Atalanta se déplace sur la pelouse du Genoa. Le club de Gênes doit prendre des points et le match risque d'être sous haute tension. Aux joueurs de Bergame de ne pas craquer et de se souvenir de ce que le personnel du centre de formation leur a enseigné...
JOHANN CROCHET: Créateur de footballtagcloud.com, pigiste, Johann Crochet a l'habitude de dire qu'une bonne journée commence par une revue de presse italienne et qu'une bonne année se mesure au nombre de matches de Serie A vus dans les stades. Par goût, il suit aussi le foot néerlandais et les championnats scandinaves.
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