Naples : le dilemme Edinson Cavani

Alors que le Napoli est en pleine bataille pour conserver sa deuxième place et limiter l'impressionnante remontée de l'AC Milan, le club est perturbé depuis plusieurs semaines par les rumeurs autour de l'avenir de sa star, Edinson Cavani. L'Uruguayen est le joueur le plus important de l'équipe et attire de nombreux clubs de plus grand standing. Si le président de Naples a déjà annoncé que cette question serait évoquée en fin de saison, et pas avant, il ne peut empêcher les gens de parler. Et dans un coin de sa tête, De Laurentiis sait que cette question va devenir la plus importante depuis son arrivée à la tête du club.

Avec 39 buts toutes compétitions confondues pour sa première saison à Naples, 35 lors de la deuxième, et 33 pour l'actuelle (à sept matches de la fin de la Série A), Edinson Cavani a répondu à tous les espoirs placés en lui lors de son arrivée, et même plus. L'Uruguayen a brillé en championnat mais aussi en Coupes d'Europe (19 buts en trois saisons), qui jouent le rôle de révélateur. Cavani devrait remporter cette année son premier titre de meilleur buteur du championnat italien après avoir terminé à deux reprises sur le podium.

Edinson Cavani est un attaquant fiable et régulier. Hormis sa petite période de doute en janvier-février, que l'on attribue à des problèmes familiaux et aux rumeurs insistantes concernant son avenir, l'Uruguayen n'est pas du genre à ne pas marquer pendant trois matches d'affilée. Seul vrai défaut pour un attaquant, son taux d'échec sur penalty : depuis son arrivée à Naples, il en a déjà ratés huit sur vingt-et-un tentés.

Mais avec Cavani, il n'y a pas que les buts. C'est un attaquant complet toujours au service de son équipe. Car El Matador ne sait pas s’économiser et abat un travail collectif remarquable, que peu de joueurs de son talent et de son importance sont capables de faire, et que peu accepteraient tout simplement. Cavani affiche une incroyable résistance physique aux efforts : non seulement il presse les défenseurs adverses ou le milieu de terrain défensif qui redescend chercher le ballon, mais il accompagne parfois les latéraux adverses jusqu’aux poteaux de corner. Avec une telle activité, il est même très étonnant que l'Uruguayen affiche un nombre de buts aussi importants chaque année, car cette activité est coûteuse en énergie, et donc en lucidité, sans compter que les minutes qu'il passe à défendre, il ne les passe pas à récupérer de ses efforts ou dans la surface de réparation adverse. Ce travail collectif est aussi bien défensif qu'offensif. Il n'hésite pas à lancer de longs appels sur les côtés pour permettre aux milieux avancés de prendre l'axe du terrain. En trois saisons, il a ainsi délivré – à sept journées de la fin de la saison en cours – douze passes décisives en championnat.

Les clubs qui montrent un réel intérêt pour Cavani sont à la fois séduits par son efficacité devant le but, mais aussi par son travail collectif. Et nul doute que dans une équipe où le collectif serait encore plus impressionnant qu'à Naples, il pourrait se délester de quelques tâches défensives et se concentrer un peu plus sur les actions offensives.

Edinson Cavani est donc logiquement courtisé par plusieurs clubs européens. Sa clause libératoire a été fixée à 63 millions d’euros lors de sa précédente prolongation et Aurelio De Laurentiis, président de Naples, clame haut et fort qu'il ne descendra pas sous cette somme pour céder son Matador. À ce tarif, des clubs intéressés, mais ne pouvant pas dépenser une telle somme se sont retirés : Juve et Inter pour ne citer que les clubs italiens. Il reste donc trois pistes majeures : Chelsea, Manchester City et le Real Madrid. Quant au nouveau riche parisien, il semble privilégier des pistes plus clinquantes. Et pourtant, Cavani ferait un malheur au PSG.

Le père de Cavani a annoncé fin mars qu'Edinson Cavani avait 50% de chances de jouer au Real Madrid la saison prochaine. L'attaque des Madrilènes est pourtant chargée et il faudra dépenser 63 millions sur un joueur qui ne fera pas les mêmes ventes de maillot que Kaka et Cristiano Ronaldo. Du côté de Chelsea et de Manchester City, on n'a pas peur d'empiler les attaquants et de dépenser sans compter. Avec le départ de Balotelli et celui à venir de Dzeko, des places se libèrent à Manchester. À Chelsea, Torres pourrait partir et libèrerait également une place. Une chose est certaine, les avenirs de Falcao et Cavani sont liés. Chelsea, Manchester City et le Real Madrid s'intéressent à ces deux joueurs, certainement les deux attaquants les plus intéressants du moment, et le petit jeu des chaises musicales fera son œuvre.

Mais pour Naples, la perte de Cavani serait difficile à combler. Le club est-il prêt à sacrifier son meilleur élément pour renforcer l'équipe à tous les postes ? Ou doit-il s'asseoir sur une montagne d'argent, au risque de ne pas pouvoir renforcer l'équipe cet été ?

Si Cavani reste à Naples, le club devra se renforcer en comptant sur la fortune d'Aurelio De Laurentiis. Or, si Naples veut franchir un palier, et même s'installer dans le top 3 italien, un recrutement qualitatif est nécessaire : en défense centrale, au milieu et en attaque. Naples a besoin de trois grands joueurs pour grandir : un bon défenseur central pour jouer aux côtés de Paolo Cannavaro (Gamberini n'a pas convaincu, Britos non plus – cela reste deux bons joueurs, mais pas deux excellents joueurs) sachant que Campagnaro va quitter le club libre pour l'Inter. Rolando apparaît lui comme un joueur de complément, pour la défense ou le milieu défensif.

Il faut ensuite un joueur créatif de talent au milieu de terrain : Naples a des muscles et des joueurs résistants (Behrami, Inler) mais la créativité au milieu repose trop sur Marek Hamsik. Parfois, Naples devient trop prévisible et si le Slovaque n'est pas dans un grand jour, les choses deviennent plus compliquées. Enfin, et même si Cavani reste, il faudra lui adjoindre un attaquant de talent. Pandev est sur le déclin, Vargas n'a pas convaincu, Calaio a été pris pour dépanner. Mais il faudra faire tout ça sans l'argent frais que rapporterait le transfert de Cavani. Cela paraît compliqué.

Si Cavani reste : Naples a la certitude d'avoir un joueur compétitif devant, mais sera limité pour recruter.

Si Cavani quitte Naples, les Azzurri auront les moyens de recruter. Le club devrait récupérer entre 50 (évaluation personnelle) et 63 millions d’euros avec le buteur uruguayen et cet argent permettrait de recruter à tous les postes nécessaires. Seul problème, il ne faudra pas se tromper sur le recrutement, car un joueur à 25 buts de moyenne en Serie A chaque saison ne se trouve pas facilement. Il faudra également que cette recrue s'adapte à ce nouvel environnement, évacue rapidement la pression du joueur arrivé pour "faire oublier" Cavani et un éventuel gros transfert… Et c'est loin d'être simple à Naples. Si Cavani part, Naples fait une affaire financière mais perd son meilleur joueur et prend un gros risque sportif.

Cet été, Naples devra faire le choix entre le sportif et l'argent. Quoiqu'il advienne, le vrai risque est celui d'un départ de Cavani car il faudra trouver un remplaçant à la hauteur. Aurelio De Laurentiis, dont le premier métier est dans la production de films, doit écrire la fin du scénario "Un Matador a Napoli" et beaucoup misent sur un dénouement larmoyant…