Le Milan Lab ne fait plus fantasmer personne

C'est l'histoire d'un club qui a voulu se doter d'un centre de haute technologie afin de prévenir et guérir les blessures de ses joueurs. Face à la fatalité décrétée par de nombreux clubs au sujet des blessures de leurs joueurs, l'AC Milan a décidé de répondre au début des années 2000 avec un projet ambitieux, intitulé Milan Lab. Affublé du qualificatif "scientifique" et laissant libre cours à l'imagination toujours très fertile des fans de foot, ce centre de haute technologie de recherche scientifique a longtemps été l'objet des plus grands fantasmes. Autrefois montré en exemple grâce à la longévité de ses joueurs, le Milan Lab est désormais sous le feu des critiques depuis trois ans, en raison des nombreuses blessures des joueurs milanais. Pour affronter Naples ce dimanche, l'AC Milan devra se passer encore d'un quart de son effectif, après avoir compté jusqu'à onze absents pour le match face au Celtic mercredi.

Le Milan Lab, c'est l'intégration des Sciences au sein du football professionnel. L'AC Milan fait figure de précurseur et a lancé cette tendance de la sur-analyse de tous les facteurs pouvant influer sur les performances des joueurs au début des années 2000. La santé des joueurs est le bien le plus précieux pour un club. Vous pouvez travailler tous les schémas tactiques, si des joueurs majeurs sont blessés, le club aura moins de chances de pouvoir obtenir de bons résultats. Et puis, outre l'aspect sportif, il y a la valeur économique du joueur. Il suffit de se souvenir d'Alexandre Pato, dont la valeur en deux ans est passée d'une quarantaine de millions d'euros à un transfert à hauteur de 15M€, à cause de ses nombreuses blessures. Au sein des clubs, la bonne santé des joueurs est un objectif primordial car il s'agit du premier actif du club, aussi bien en terme économique que sportif.

Au Milan Lab, il y a tout d'abord un travail de fond sur la forme physique des joueurs : examens GPS à l'entraînement, exercices réalisés avec des outils technologiques d'analyses de performances, vérification constante du poids et de la masse musculaire, traitement immédiat des petites blessures à l'aide des technologies les plus poussées, travail sur la récupération et la régénération de l'organisme, etc. Toute une batterie de tests cliniques est réalisée plus ou moins fréquemment selon les joueurs, afin de s'assurer de leur état de forme. Le staff milanais étudie ainsi la position de la colonne vertébrale, les appuis et l'équilibre, la démarche ainsi que le système de mastication (alignement, état des dents).

Le Milan Lab travaille également sur tous les facteurs pouvant influer sur la forme physique des joueurs. La nutrition est ainsi une composante essentielle du travail des spécialistes de ce centre de recherche, basé au sein du centre d'entraînement de l'AC Milan : des diététiciens, des médecins et des conseillers font des recommandations nutritives, établissent des programmes personnalisés afin d'améliorer l'efficacité alimentaire et gommer les éventuelles mauvaises habitudes des joueurs. Pendant les efforts, les joueurs doivent se désaltérer et un programme d'hydratation permet de leur donner des conseils : quand s'hydrater, quels produits sont les plus efficaces et quelle quantité est nécessaire pour une optimisation de la performance. Outre la nutrition, l'aspect mental des joueurs est également pris en charge par le Milan Lab : un suivi psychologique est effectué et de nombreux joueurs passent par la "stanza della mente" qui est en fait une pièce pour se relaxer et évacuer le stress, souvent impliqué dans les blessures à répétition. Cette pièce a d'ailleurs été instaurée après le traumatisme de la finale de la Ligue des Champions perdue contre Liverpool en 2005, alors que le club menait de trois buts à la mi-temps.

Le fondateur et très décrié Jean-Pierre Meersseman est un homme charismatique qui distille ses interviews et aime les agrémenter d'anecdotes. Il explique ainsi, à chaque fois qu'il le peut, comment il a réussi à revigorer Clarence Seedorf. Victime d'un problème régulier à l'aine, le Néerlandais n'a plus senti aucune douleur du jour au lendemain, après être passé dans les mains du fondateur du Milan Lab. L'explication ? Meersseman lui a simplement ordonné d'aller se faire enlever ses dents de sagesse.

Vu comme un gourou par la médecine traditionnelle, le Belge explique que les nombreuses blessures au sein de l'effectif milanais depuis trois ans trouvent leur origine dans la coupe budgétaire imposée par les dirigeants. La partie médicale a en effet été amputée tandis que le secteur athlétique est resté en place et a été doté cette année de nouvelles innovations technologiques fournis par l'équipementier du club milanais. Adriano Galliani a d'ailleurs annoncé plusieurs changements dans l'organigramme du Milan Lab cet été, sans que pour le moment le moindre effet ne se fasse sentir.

Si, à Rome, la Fontana di Trevi est l'un des monuments les plus connus, la Cascate degli infortuni à Milanello est en passe de devenir aussi célèbre. Les tifosi Rossoneri sont exaspérés par cette situation qui pèse sur les résultats du club. Aujourd'hui, le Milan Lab est l'objet de toutes les critiques et les accusations pleuvent. Pour le match face au Celtic, Massimiliano Allegri a été contraint de se passer des joueurs suivants : Abate, Bonera, De Sciglio, Silvestre, Montolivo, Kaka, El Shaarawy et Pazzini, tandis que Niang n'était pas éligible pour la C1 (et de toute façon blessé lui aussi) et que Poli est revenu tout juste à temps, mais n'a joué que les cinq dernières minutes car encore trop juste physiquement. Résultat, Allegri a bricolé à de nombreux postes et cela s'est vu sur le terrain tant la prestation milanaise a été pauvre contre le club écossais.

Depuis le début de la préparation estivale, la quasi-totalité de l'effectif a été obligée de passer par l'infirmerie. Le nombre de blessures musculaires est toujours aussi inquiétant et beaucoup questionnent la préparation physique de Max Allegri, qui semble, pourtant, dans la lignée des clubs italiens. Elle n'est pas réputée pour être aussi dure que celle d'Antonio Conte ou pas plus "laxiste" que celle de Vincenzo Montella.

Fin juillet, un collègue d'Eurosport.it faisait le calcul des blessures depuis l'arrivée de Massimiliano Allegri, qui correspond aux coupes budgétaires du Milan Lab, à en croire Meersseman : 223 blessures cumulées en trois ans. Avec les blessures en août et en septembre, on approche les 240 blessures. En moyenne, le club milanais compte trois blessures musculaires par mois. Certains, comme Alexandre Pato ont fait grimper la moyenne avec plus de 15 blessures en deux ans. Cette semaine, il a d'ailleurs expliqué combien son séjour à Milan avait été un calvaire (sur ce point précis), insistant sur les temps de récupération non respectés, les entraînements très durs et le peu de soins musculaires réalisés à Milanello. Kaka avait lui aussi dézingué le Milan Lab en rejoignant le Real Madrid, où il a néanmoins continué à avoir des problèmes physiques. Le Brésilien ne sera d'ailleurs pas du choc contre Naples dimanche soir à San Siro, la faute à… une nouvelle blessure musculaire aux adducteurs, contractée lors de son premier match avec le club milanais contre le Torino.

Face à des Napolitains en grande forme, l'AC Milan pourra normalement compter sur les retours d'Ignazio Abate en défense (c'est une bonne nouvelle vu le niveau affiché par Zaccardo), d'Andrea Poli au milieu de terrain et de Mbaye Niang en attaque. C'est peu et beaucoup à la fois, tant le match face au Celtic a été inquiétant. Et puis, Milan n'a plus de temps à perdre. Habitué aux départs catastrophiques, le club milanais ne compte que quatre points après trois journées et pourrait déjà se retrouver à huit points du Napoli en cas de défaite.