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Affaire Sacchi : Le foot italien a bien des problèmes à régler mais ne sait pas les dénoncer

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 23/02/2015 à 23:46 GMT+1

Après Carlo Tavecchio l’été dernier, c’est au tour d’Arrigo Sacchi de tenir des propos extrêmement maladroits. Si le football italien a tout un tas de problèmes à résoudre, ses dirigeants devraient avant tout être capables de les dénoncer.

Arrigo Sacchi.

Crédit: Imago

Un Sacchigate. Il n’y a pas d’autres mots. Le sémillant technicien italien s’est laissé aller à de dangereuses affirmations à propos du nombre de joueurs étrangers dans la botte. Elles font écho à d’autres déclarations très maladroites de la part du président de la fédération, alors simple candidat, Carlo Tavecchio en août dernier. Ajoutez à cela une conversation téléphonique privée de l’omnipotent Claudio Lotito dans laquelle il démontre tout son pouvoir, et vous avez là des représentants des hautes instances du football italien de nouveau empêtrées dans des polémiques sans fin.
Pourtant, le flop de la Squadra Azzurra au dernier Mondial et l’absence des résultats des clubs italiens sur la scène européenne laissaient penser à une réelle prise de conscience, mais on a surtout eu des paroles là où il aurait rapidement fallu des actes. Après cet énième dérapage dialectique, difficile pour les passionnés du football italien de sauver les meubles. Et inutile de se "rassurer" en se disant que la France y a eu droit avec Laurent Blanc et Willy Sagnol. Le mal est fait, la réputation (ou ce qu'il en reste) ternie.

Sacchi devrait descendre de son piédestal et sortir un peu plus souvent de chez lui

"Voir autant de joueurs de couleur et d’étrangers est une offense pour le football italien" : ce sont les déclarations d’Arrigo Sacchi sur le tournoi de Viareggio, historique compétition de jeunes qui regroupe principalement des équipes italiennes U19. Si on peut encore discuter sur le fond, la forme, elle, est complètement loupée et son statut de légende du foot ne doit pas lui faire pardonner cette sortie tout à fait évitable. Le raccourci joueur de couleur = étranger, voire noir = non-italien, est en total décalage avec le monde actuel et l’Italie d’aujourd’hui. Certes, ce pays a connu une immigration moins importante que la France, mais il suffit de se balader dans les rues des différentes villes pour voir des adolescents d’origine africaine parler un parfait italien. Qui sont d’ailleurs les Balotelli, Okaka et Ogbonna ? Plutôt que de passer son temps à donner des leçons de football, Sacchi devrait descendre de son piédestal et sortir un peu plus souvent de chez lui.
Carlo Tavecchio avait pourtant réussi à faire pire encore en août dernier, avec son désormais célèbre "Opti Pobà mange des bananes et le jour d’après, il joue au football en Italie." Des déclarations de la part de sexagénaires si ce n’est racistes, en tout cas rétrogrades et surtout irresponsables. Croyant bien faire, le sulfureux président de Palermo Maurizio Zamparini n’a fait qu’empirer les choses : "Moi j’aime les nègres, mais je les appelle nègres, comment devrais-je les appeler ?" En italien, le mot "negro" a beau ne pas avoir la même connotation négative que "nègre", il serait temps de se rendre compte qu’il est à bannir en 2015, et même bien avant. Comment ne pas penser un seul instant à la vague d’indignation que de tels propos peuvent provoquer ? Assez invraisemblable.

Mea culpa ? Que nenni

"Je ne suis pas raciste, j’ai par exemple entrainé Rijkaard", a expliqué Sacchi juste avant la fameuse phrase incriminée. Une version remasterisée du "Je ne suis pas raciste, mais". Dans un édito sur la Gazzetta dello Sport de mardi, il a tenu à s’expliquer en reprenant le même concept mais en y ajoutant cette fois Ruud Gullit, autre Néerlandais originaire du Surinam… Impossible visiblement de mettre son orgueil de côté et de reconnaître son erreur sur la terminologie employée. Cela mettrait pourtant de suite fin à une polémique qui a vite dépassé les frontières. Là encore, il est très simple d’établir un parallèle avec Carlo Tavecchio qui avait agi de la même façon. Pas de machine arrière, mais juste des photos de lui avec de jeunes Africains, agitées devant une assemblée de photographes pour montrer son investissement personnel envers la cause africaine.
La justice sportive italienne avait d’ailleurs cru bon de ne pas sanctionner les propos de son néo-président. "Les chiens ne mordent pas les chiens", dit un fameux proverbe italien… Une décision en contraste avec celle de la Fifa qui, elle, avait décidé de suspendre Tavecchio de ses fonctions pendant quelques mois. Concernant Sacchi, c’est cette fois le ministre des Sports italien, Graziano Delrio, qui condamne la grosse gaffe : "Une grave erreur d’Arrigo, il y a des jeunes de couleur 100 % italiens même s’ils ont des parents étrangers. L’Italie n’est plus celle d’il y a 30 ans. Ce n’est pas franchement de la couleur de peau qu’il faut partir pour régler le problème dans les centres de formation italien." Effectivement, car tout ce remue-ménage a fait finalement passer le fond au second plan.
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Carlo Tavecchio, président de la Fédération de football italienne, en 2014.

Crédit: Imago

Pendant ce temps, les problèmes persistent

Cela fait plusieurs années que les joueurs italiens sont minoritaires en Serie A, les statistiques de la saison 2013-2014 parlent d’une proportion de 46 %, stat qui baisse à 30 quand elle est établie sur les cinq premiers du classement. Evidemment, aucune loi n’oblige d’aligner des Italiens, c’est le principe de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne.
Toutefois, sur ces 54 % d’étrangers, combien ont-ils une réelle valeur ajoutée ? D’illustres inconnus foulent les terrains de Serie A pour des intérêts purement économiques. Pendant ce temps, Conte déprime devant le nombre ridicule de sélectionnables. La situation dans les centres de formation va dans ce sens, la présence de joueurs étrangers y est déjà importante. Cinq des onze joueurs titulaires de l’Inter lors de la finale du tournoi de Viareggio n’étaient pas italiens : un Roumain, un Guinéen, un Ghanéen et deux Ivoiriens. Ce qui a visiblement poussé Sacchi à son raisonnement bancal, dicté également par son récent passé de superviseur des sélections de jeunes italiennes.
La seconde partie de ses propos prend alors tout son sens : "l’Italien n’a aucune dignité, il est prêt à vendre son âme pour le business. Quand j’officiais au Real Madrid, les supporters critiquaient l’absence de joueurs de la cantera, cela n’arriverait jamais en Italie." Et c’est vrai. Sacchi a d’ailleurs précisé son opinion dans le journal rose : "On va chercher des jeunes en Afrique, en Amérique du Sud et en Europe de l’Est, tous arrivent avec un rêve, mais peu réussissent, quels contrecoups psychologiques subissent-ils ?"
Élémentaire mon cher Arrigo, mais à qui la faute ? Sûrement pas celle des joueurs qui seraient idiots de refuser une telle opportunité pour le bien de la Squadra Azzurra et des jeunes Italiens. Les responsables sont les agents de joueurs mais aussi les dirigeants, que Sacchi connait très bien. A-t-il vraiment le courage de les dénoncer ? Quoi qu'il en soit, une nouvelle règle a été adoptée par la fédération, à partir de 2016, les clubs de Serie A devront présenter des effectifs clos de 25 joueurs basés sur les mêmes critères que les listes UEFA, soit quatre joueurs formés au club et quatre autres en Italie. Et peu importe s'ils sont noirs, jaunes, blancs, rouges écarlates ou bleu des mers du sud !
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