Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Posséder un club en Serie A, Premier League et Liga ? La famille Pozzo l'a rendu possible

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 01/05/2015 à 10:59 GMT+2

Propriétaire de l'Udinese, la famille Pozzo a décidé d'acquérir les clubs de Grenade en Espagne et Watford en Angleterre pour gérer leurs nombreux joueurs sous contrat. Avec la promotion de ce dernier, ces trois équipes pourraient fréquenter les plus grands championnats européens la saison prochaine, mais quel est l'intérêt de cette stratégie ?

Giampaolo Pozzo, propriétaite de plusieurs clubs en Europe, en compagnie de Jean-Claude Blanc, à la Juventus à l'époque - 2008

Crédit: Panoramic

Y-a-t-il un point commun entre l’Udinese, Grenade et Watford ? A priori non. Trois clubs, trois villes, trois cultures totalement différentes, les montagnes du Frioul, la chaleur de l’Andalousie, la grisaille du Hertfordshire. Le dénominateur commun s’appelle Pozzo, Giampaolo le papa, Gino le fiston. Frioulans et entrepreneurs à succès, dans le monde industriel (travail du bois) et footballistique. L’Udinese d’abord et depuis bientôt 30 ans, le Grenade CF ensuite à partir de 2009, puis Watford acheté en 2012. Le premier est un habitué de la Serie A, le second fréquente la Liga depuis quatre saisons, le troisième évoluera en Premier League la saison prochaine. C'est un grand chelem. Mais pourquoi ce triple investissement ? Nous tentons d’y répondre en quelques questions.

Comment l’idée a-t-elle germé ?

Le secret de la réussite de l’Udinese… n’a plus de secret pour personne. Pour ceux qui ne sont pas encore au courant, il s’agit d’un réseau étendu et ramifié de talent-scouts qui suivent chaque année des centaines de jeunes joueurs étrangers (de préférence en Amérique du Sud, en Afrique occidentale et en Europe de l’Est). Seulement voilà, il faut faire le tri parmi tous ces talents. Par exemple, deux préparations estivales distinctes ont été organisées l'an passé, le groupe de Stramaccioni avec Di Natale et compagnie et les autres. Une cinquantaine de joueurs en tout. L’effectif de l’équipe frioulane ne comportant qu’une vingtaine de places à pourvoir, Grenade et Watford servent à dispatcher les éléments qui ont encore besoin de progresser. Le système des clubs satellites ayant ses limites (il faut trouver une direction complaisante), le mieux était de s’acheter carrément d’autres équipes.
picture

Alexis Sanchez, fleuron du dispositif de l'Udinese

Crédit: AFP

Existe-t-il des restrictions pour les multipropriétés ?

Oui, et c’est bien pour cela que les Pozzo ont investi à l’étranger. En Italie, elles ont été assouplies, désormais une même personne physique ne peut posséder deux équipes seulement dans la même division. Avant, il fallait au minimum deux niveaux d’écart, une loi, ad personam, promulguée pour faciliter les affaires de Claudio Lotito, propriétaire de la Lazio (Serie A) et la Salernitana (tout juste promu en Serie B). L’UEFA est également vigilante, un actionnaire majoritaire ne peut engager deux clubs dans les compétitions européennes. Voici un dilemme qui pourrait se poser à un moment ou un autre pour la famille Pozzo.
Watford promu ? C'est un projet auquel nous travaillons depuis des années. C'est un autre bloc de construction que nous ajoutons à notre succès."

Comment se passe la gestion des joueurs sous contrat ?

Les Pozzo ont légèrement changé leur politique au cours des années. Initialement, l’Udinese prêtait pendant un an ses joueurs à Watford et Grenade voire inversement. Seulement voilà, cela a créé des problèmes en Angleterre où une équipe ne peut posséder plus de cinq joueurs en prêt. Une règle cependant valable d’un point de vue national. Les prêts à l’international étant considérés comme de véritables transferts. Mais pour éviter de provoquer d'inutiles mécontentements, les Pozzo se sont mis au diapason. On a donc à faire à des transferts définitifs qui servent seulement à camoufler des transactions temporaires pluriannuels, le tout à prix réduit évidemment.
Ainsi, peu de joueurs sont désormais officiellement prêtés par l’Udinese aux deux autres clubs, le site transfermarkt en signale un à Watford (le Finlandais Vydra) et un autre à Grenade (le Camerounais Nyom). Tous ne repassent pas forcément par la case départ, par exemple, le Colombien Murillo de Granada sera directement vendu à l’Inter cet été. Un joueur comme Siqueira est longtemps resté dans la galaxie Pozzo jusqu’à son transfert à l’Atlético. En revanche, après une saison en Espagne et un excellent Mondial disputé avec la Grèce dans la foulée, le portier Karnezis est bien rentré dans le Frioul pour s'illustrer.
picture

Watford's Matej Vydra celebrates his second goal of the game during the League Championship play-off match at Vicarage Road.

Crédit: Eurosport

Qu’en pensent les supporters de Grenade, Watford et même de l’Udinese ?

 Pas que du bien, loin de là, même s’ils reconnaissent les effets bénéfiques de cette collaboration. N’oublions pas que Grenade se morfondait en troisième division espagnole lorsque les Pozzo ont débarqué et une double promotion a permis de se retrouver en Liga après 35 ans d’absence. Watford remonte en Premier League pour la première fois depuis 2007. Mais de vraies questions se posent sur la réelle marge de progression de ces deux équipes.
La famille frioulane a opté pour cette stratégie tout en étant parfaitement au courant des règles de l’UEFA sur les compétitions européennes. Cela signifie que le maintien reste l’objectif le plus élevé, attention toutefois à ne pas remporter une coupe sans le faire exprès… Quant aux tifosi de l’Udinese, ils aimeraient que cet argent (Watford a tout de même coûté 25 millions !) soit plutôt injecté dans les finances de leur club afin de rivaliser sur la durée avec les cadors italiens.
picture

Ronaldo (Real Madrid) contre Grenade en Liga le 5 avirl 2015

Crédit: AFP

Watford deviendra-t-il la priorité ?

En voilà un beau dilemme, la promotion en Premier League maintenant actée, les caisses des Hornets vont être renflouées d’une bonne centaine de millions d’euros grâce à la nouvelle manne des droits TV. Idem en cas de relégation avec le fameux parachute dorée qui permet d’éviter les drames économiques. Bref, les Pozzo encaisseront le triple voire le quadruple par rapport à leurs deux autres clubs. Comment ne pas penser que Watford deviendra le centre de leurs intérêts ? "Je ne crois pas, il s’agit de réalités bien différentes et on devra fournir des investissements importants pour affronter la Premier League. Le cœur de notre activité restera toujours Udine", a affirmé Pozzo Jr au lendemain de la promotion. Malgré ce démenti, les doutes persistent.
picture

Watford (AFP)

Crédit: AFP

Et l’éthique sportive dans tout ça ?

Avec un tel système, on peut se poser bien des questions quant à la transparence des comptes de chaque club. Évidemment, les bilans comptables sont séparés et les recettes de Watford ne peuvent être transférées dans les caisses de l’Udinese, ce serait beaucoup trop simple. Toujours est-il que la famille Pozzo y trouve son compte en procédant de la sorte. Il s’agit avant tout d’amortir les coûts onéreux du système de recrutement et de maximiser les ventes des joueurs. Du profit, toujours du profit. Pas très éthique, c’est sûr, mais tout à fait légal.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité