Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Pourquoi l’Italie passe peu à peu sous pavillon étranger

Valentin Pauluzzi

Publié 08/08/2014 à 10:57 GMT+2

Ces derniers saisons, des investisseurs venus du monde entier ont pris le contrôle de plusieurs clubs transalpins. Un phénomène de masse, qui n'est pas prêt de s'arrêter, selon Valentin Pauluzzi.

Le 5 octobre 2013, au stade Giuseppe-Meazza de Milan, avant Inter-Roma.

Crédit: AFP

Pendant des années, alors que ses voisins européens se faisaient racheter les uns après les autres, le football italien a résisté aux capitaux étrangers. Mais le dernier rempart de la vieille Europe a cédé il y a trois ans. Cela a commencé avec les Américains à la Roma et les Russes à Venise. Puis ça s’est poursuivi avec les Indonésiens à l'Inter, les Canadiens à l'Ascoli, les Anglais à Monza et même les Chinois à Pavie. Six clubs professionnels transalpins (sur un total de 101) désormais contrôlés par des investisseurs étrangers en l'espace de seulement trois ans. Et Bari devrait vite emboîter le pas. Quelles sont les raisons de ce phénomène de masse ?

Le mécénat à l'italienne rend peu à peu les armes

En Italie plus qu’ailleurs, on identifie un club à un joueur, à un entraîneur, mais aussi à un président. Ces mécènes millionnaires ou milliardaires qui ont investi une partie de leur fortune par amour pour leur club et souvent à travers les générations. Les Agnelli à la Juve, les Berlusconi au Milan, les Moratti à l'Inter, les Sensi à la Roma. Parfois, ça se finit même en banqueroute avec la Lazio de Cragnotti, le Parma de Tanzi ou encore la Fiorentina de Cecchi Gori. Un régime qui a connu ses belles heures durant les années 80-90 avant, d’être pénalisé par son incapacité à gérer les comptes et être dépassé par l'arrivée des nouveaux riches russes et émirati.
Ce modèle - plombé par la crise économique qui a touché l'Italie de plein fouet - est désormais obsolète. D'où l'arrivée de capitaux étrangers qui ont également permis de limiter l’hémorragie concernant la disparition régulière de clubs historiques. De la Serie A à la Lega Pro, ces nouveaux investisseurs viennent de tous horizons et avec un projet bien précis.

Des villes ou clubs musées mal exploités

L'Italie, sous-entendu la nation, possède un gigantesque patrimoine culturel, peut-être le plus diversifié au monde. C'est le pays des villes musées dotées d'un incroyable prestige telles que Rome ou Venise. Quelque chose que les Italiens eux-mêmes ont parfois du mal à réellement valoriser, sous-estimant leur propre histoire. A travers leur regard de touriste, les entrepreneurs étrangers voient en ces villes une image de marque au potentiel infini, ainsi qu’une occasion rêvée de développer un produit extrêmement bancable, à la manière des qataris du PSG qui exploitent la réputation mondiale de la Ville Lumière.
Les Américains qui ont débarqué à Rome l'ont bien compris : la Roma ce n'est pas seulement le club de Francesco Totti. C'est le Colisée, l'Empire romain et même la place Saint-Pierre. Même chose pour le Russe Yuri Korablin à Venise, dont le club évolue en Lega Pro, mais qui était en Serie A au début des années 2000. Plus de dix millions de touristes arpentent chaque année les artères de la Ville lagunaire, ça en fait des potentiels produits dérivés à vendre !

Des méthodes modernes freinées par le folklore à l’italienne

Ces investisseurs étrangers sont arrivés avec leur know-how dernier cri dans un football encore très archaïque, forts également d'une expérience importante dans les sports US, le DC United pour Erick Thohir, les Boston Celtics pour James Pallotta. En ce sens, le magnat indonésien de l'Inter a débauché quelques-uns des plus grands managers de la planète, notamment Michael Bolingbroke de General Motors et Claire Lewis d'Apple. L'organigramme nerazzurro impressionnerait presque plus que l'effectif. Le président de la Roma vient, lui, de faire signer un manager qui officiait jusqu'à alors chez...Disney !
Une nouvelle génération de dirigeants dynamiques et capables de réorganiser les finances et le secteur marketing, le tout combiné à un projet sportif viable et en adéquation avec le Fair-play financier made in UEFA. Alors, c'est moins romantique que la gestion "à papa", mais c'est tout le football italien qui s'enrichira de ces nouvelles méthodes…si ses institutions footballistiques contre-productives ne les freinent pas. On raconte en effet que ces nouveaux managers assistent bouches-bée aux empoignades folkloriques lors des réunions au sein de la Ligue de Serie A…

Implantation nationale voire locale

Puisque nous ne sommes pas dans le monde des bisounours, les intérêts de ces investisseurs sont avant tout économiques, même si tout part souvent d'un pari avec des situations financières très fragiles. Nous parlons d'hommes d'affaires rompus aux joutes du monde des finances et qui savent très bien ce qu'ils font. Le profit à l'international est donc au goût du jour, mais c'est un discours encore différent concernant les clubs à dimension nationale voire locale. A Monza (en Lega Pro depuis quinze ans), c'est l'anglo-brésilien Anthony Armstrong Emery qui a pris la succession de Clarence Seedorf. S'il est un passionné de foot, il est surtout propriétaire d'une entreprise ingénierie civile. Il a ainsi pu installer des bureaux à Milan avec vue sur la riche Brianza, afin de s’implanter dans le marché italien.
Situation similaire à Pavie, où ce sont les Chinois qui ont débarqué. Ce club végète pourtant au mieux en troisième division depuis plus d’un demi-siècle, mais la ville se situe à une cinquantaine de kilomètres au Sud de Milan. Comme leurs confrères étrangers, les propriétaires  Xiaodong Zhu et Qiangming Wang envisagent de moderniser les infrastructures, stade à l'anglaise et ouvert sept jours sur sept avec centre commercial et restaurants, centre de formation tout neuf et collaboration avec le football chinois. Mais nous ne sommes pas dupes. A Pavie, personne ou presque ne supporte l'équipe locale. Les intérêts sont surtout dans le secteur de l’immobilier et l'Expo universelle qui a lieu à Milan l'année prochaine.

Un zeste de romantisme pour finir

Et puis il y a la belle histoire de Francesco Bellini. Immigré au Quebec depuis quarante ans et naturalisé canadien, il n'a pu rester insensible à la situation du club de sa ville natale : l’Ascoli. Scientifique très reconnu dans le monde de la pharmaceutique, il a décidé de racheter son équipe de cœur quand il a su qu'elle faisait faillite (les Bianconeri sont désormais en Lega Pro). "J’ai vu une ville démoralisée, je ne l’ai pas fait pour l’argent ou pour la gloire, mais pour les gens. J’ai dépensé beaucoup de sous dans ma vie, mais ceux-là sont ceux que j’ai le mieux dépensés." Un geste d’amour qui vaut peut-être bien tous les stades high-tech et managers multi-diplômés du monde.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité