A Milan, "Gigi" Donnarumma s'ajoute à la liste des successeurs de "Gigi" Buffon

L'histoire est un éternel recommencement. En voilà une belle lapalissade, mais elle sied parfaitement à la situation. Il y a vingt ans, précisément le 19 Novembre 1995, Gianluigi Buffon faisait ses grands débuts dans le monde du football professionnel. Alors à Parme, il affrontait le grand Milan de Capello, la rencontre se terminant sur le score de 0-0 grâce aux parades de ce néophyte de 17 ans et demi. Pour fêter cette récurrence, celui qui est tout simplement devenu "Gigi" affronte de nouveau les rossoneri dont les buts sont gardés depuis peu par son homonyme à la trajectoire identique.

En proie à de grosses difficultés depuis plusieurs saisons, le Milan est défaillant dans de nombreux secteurs de jeu : manque de qualité au milieu de terrain, absence d'un vrai goleador, défense-gruyère, etc… En fait, seul le poste de gardien de but était épargné. Débarqué gratuitement l'an passé en provenance du Real Madrid, Diego Lopez avait sauvé les arrières de ses coéquipiers à maintes occasions. Sans lui, les rossoneri se seraient fort probablement retrouvés dans la seconde partie de tableau. Au moment de faire le point sur les individualités, il était, et de loin, le meilleur joueur milanais de la saison. En outre, son remplaçant n'était autre que Christian Abbiati, valeur sûre et portier ayant disputé le plus de matches dans l'histoire du club.

C'est d'ailleurs ce duo qui reste aux commandes au début de l'exercice 2015-16, Donnarumma récupérant la place de numéro 3 laissée vacante par Michael Agazzi. Arrivé au club en juin, Mihajlovic ne touche pas à la hiérarchie mais se pose déjà des questions suite aux quelques apparitions du jeune prodige durant les amicaux estivaux. Le natif de Castellamare di Stabia monte d'un cran, et après les petites erreurs du titulaire espagnol lors des premières journées, le technicien serbe annonce la décision de tout miser sur ce gardien de 16 ans. Il s'agit là d'une punition objectivement très sévère pour Diego Lopez, moins en vue certes, mais loin d'être responsable des nouvelles errances de son équipe.

S'il y a bien un problème au Milan, c'est la porosité de son arrière-garde, plusieurs duos de défenseurs axiaux ont été essayés sans jamais totalement convaincre (on est maintenant sur du Romagnoli-Alex, mouais...), tandis que les latéraux rivalisent de médiocrité (jusqu'où ira l'involution de De Sciglio, ex-futur Maldini ?). Lancer Donnarumma dans le bain, c'est en faire le dernier rempart de l'actuelle onzième meilleure défense de Serie A (16 buts encaissés en 12 journées) et l'exposer aux nombreuses offensives adverses. Un baptême du feu terrible. A l'inverse, quand Buffon a franchi le pas, il pouvait compter sur un trio Couto-Sensini-Cannavaro pour le protéger. Les chiffres l'attestent : en quatre rencontres, le nouveau titulaire a été contraint d'effectuer 13 parades.

C'est d'ailleurs allé crescendo avec un match plutôt tranquille contre Sassuolo, contre le Chievo, il a été mis à contribution, face à la Lazio encore plus et contre l'Atalanta, il a carrément enchainé les miracles pour éviter la défaite. Des prestations qui donnent raison à Mihajlovic, tout comme le premier bilan chiffré de seulement deux buts encaissés en quatre matches, mais justement sur des petites erreurs de Donnarumma. Un mauvais placement sur le coup-franc de Berardi, et un but sur son poteau sur la réduction du score de Kishna. Des imprécisions qui peuvent se corriger avec le temps contrairement à la personnalité. Une qualité que l'on a ou on n'a pas. Et en ce mois de folie, il a fait preuve d'un sang-froid digne des plus grands.

Reste maintenant à suivre la progression de ce gaillard d'1m97 dont le grand frère évolue au même poste au Genoa mais en tant que troisième portier. Depuis le changement de hiérarchie, Diego Lopez souffre de problèmes physiques, hasard ou coïncidence ? Toujours est-il que cela facilite l'implantation de Donnarumma dans le onze-type. L'ancien madrilène pourrait être d'ailleurs vendu cet hiver, Abbiati ayant un meilleur profil de numéro deux. Un autre Gigi, Di Biagio, n'a pas attendu pour le convoquer avec les Espoirs italiens, sans le faire débuter cependant. Les choses s'accélèrent également d'un point de vue contractuel. Quoi de plus normal lorsqu'on a le célébrissime Mino Raiola comme agent. Un gage pour décrocher un joli salaire mais aussi l'assurance de finir en une des journaux pour des rumeurs de transferts. Un aspect qu'il faudra vite apprendre à gérer.

En attendant, Buffon, qui est évidemment son modèle, a adoubé Donnarumma en conférence de presse d'avant match : "Il doit penser à grandir dans le calme et ne pas se mettre la pression, même s'il est compliqué d'encaisser l'impact d'un poste titulaire si jeune dans un grand club. Il a fait ses débuts un an avant moi et les premiers matches font penser à une carrière extraordinaire. Je lui conseille de mûrir le plus vite possible pour distinguer les bonnes et mauvaises choses du monde du foot." Un discours probablement prononcé il y a deux ans lorsque Simone Scuffet était intronisé titulaire de l'Udinese à 17 ans et faisait également le buzz. Il est aujourd'hui gardien de l'équipe de Côme, lanterne rouge de Serie B. Moral de l'histoire, n'est pas Buffon qui veut.