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La Roma qui pousse Totti vers la sortie, un sacrilège ? Non, juste une tâche ingrate

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 21/04/2016 à 14:39 GMT+2

SERIE A - Pratiquement décisif à chacune de ses entrées en jeu malgré ses 39 ans, Francesco Totti, légendaire capitaine de la Roma, ne sera cependant pas prolongé. Une décision aussi difficile qu'inévitable qui ne dépend pas que du terrain.

Roma's forward from Italy Francesco Totti controls the ball during the Italian Serie A football match Roma vs Bologna on April 11, 2016 at Olympic stadium in Rome

Crédit: AFP

Connaissez-vous la tradition télévisuelle italienne du "Tapiro d’oro" ? Chaque jour, l’envoyé spécial de l’émission "Striscia la notizia" se lance à la poursuite de personnes célèbres afin de leur remettre ce tapir miniature, une distinction ironique pour s’être fait remarquer de façon plus ou moins négative. Lundi dernier, Francesco Totti et Luciano Spalletti ont reçu chacun le leur avec le sourire, il s’agissait de les récompenser après leur prise de bec dans les vestiaires la veille. Roma TV, la chaine officielle du club, y est quant à elle allée de sa vidéo avec les deux protagonistes discutant sereinement durant la séance d’entrainement. Un petit coup de propagande histoire de faire croire à une réconciliation, mais personne n’est dupe.

Spalletti ou Totti ? Il faut choisir

"Vous n’en avez pas marre de faire honte ? Vous n’en avez pas marre de ne rien gagner depuis dix ans ?" Ce sont les phrases prononcées par Spalletti à ses joueurs après le match nul 3-3 contre l’Atalanta. Une rencontre que les giallorossi ont d’abord mené 2-0 avant s'en prendre trois puis d’égaliser par Totti, néo-entrant. Le capitaine n’a pas encaissé ces reproches et ne s’est pas privé de le faire remarquer. L’énième épisode du rapport difficile qu’entretiennent les deux hommes, le feuilleton dure depuis maintenant deux mois et la presse italienne en parle en permanence, instaurant un clivage de plus en plus marqué. Pas le choix, il faut choisir son camp. Ecouter son cœur et être du côté de Totti pour sa fidélité, son talent et ce qu’il a représenté et représente. Raisonner avec sa tête et soutenir Spalletti qui a relancé le club après la difficile fin de l’ère Garcia (13 matches sans défaite et la qualification en Ligues des champions est bien engagée).
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Francesco Totti et Mohamed Salah lors de Roma - Bologne en Serie A le 11 avril 2016

Crédit: AFP

Un antagonisme difficile à imaginer lorsque le Toscan et le Romain se sont retrouvés début janvier. On avait encore tous en tête le splendide binôme qu’ils avaient formé lors de leur première cohabitation, c’était entre 2005 et 2009, la Roma régalait l’Italie, voire même l’Europe avec un Totti repositionné en pointe. Une illumination tactique de Spalletti qui avait prolongé la carrière de son numéro 10. Le fort caractère de chacun avait déjà produit quelques étincelles, mais rien de rédhibitoire. Aujourd’hui, la situation est tout autre, selon certains, le coach aurait été rappelé pour pratiquer du "Totting", jeu de mot basé sur le terme "mobbing" que la langue de Dante a emprunté à celle de Shakespeare pour désigner le harcèlement moral. Un peu fort mais cela résume l’attitude générale du club envers son symbole, tout est fait pour le pousser vers la sortie à la fin d'un contrat qui se termine en juin prochain.

Une emprise à 360 degrés

Seulement voilà, "Er Pupone" n’a aucune intention de raccrocher les crampons, et ça, les propriétaires ne l’avaient pas prévu. On est passé des lapalissades "il arrêtera quand il voudra" pour le brosser dans le sens du poil à des déclarations beaucoup moins mielleuses, mais sans pour autant faire d’annonce officielle. Les supporters de la Roma aiment à dire "Totti logora chi non ce l’ha", Totti use qui ne l’a pas… mais désormais aussi ceux qui le possèdent. Une présence encombrante qu’il est difficile de marginaliser et c’est à Spalletti que l’on a refilé le sale boulot. Evidemment, un club visant des trophées ne peut s’en remettre à un attaquant de 40 ans, mais là n’est pas la question, le capitaine n’a aucune exigence de titularisation. Et c’est là que le bât blesse, même sur le banc de touche, Totti influe sur l’environnement du club voire les prestations de ses coéquipiers.
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Francesco Totti et Daniele de Rossi lors de AS Roma - Inter Milan en Serie A le 19 mars 2016

Crédit: AFP

"Il ne se passe rien concernant Dzeko. C’est un grand joueur juste un peu trop sensible à certains dualismes que l’on veut établir." Voilà comment le technicien italien défendait l’avant-centre bosnien encore coupable d’incroyables loupés. Non, Francesco n’est pas un prêtre vaudou, mais sans le vouloir, il centralise toutes les discussions autour d’un club qui baigne dans un environnement très exposé médiatiquement. En outre, Rome n’est pas Milan ou Turin, son contexte est un frein historique à la progression de son club le plus populaire, Spalletti toujours : "Rome est tentatrice, sa beauté, le soleil, cet air de vacances détourne les attentions." En découlent un dilettantisme ambiant, une rigueur branchée sur courant alternatif et une autosatisfaction illégitime. Des défauts incarnés par ses joueurs les plus représentatifs puisqu’issus du sérail. De ce point de vue, la présence de Totti est perçue comme un ancrage avec ces mauvaises habitudes et donc un obstacle pour enfin amorcer un changement de cap mental.

L'homme qui devient club, avec ses qualités et ses défauts

"Totti est la Roma", une autre belle formule qui fait la fierté des romanisti sans qu'ils se rendent compte des limites de cette personnification. Totti est un magnifique symbole et un des plus grands joueurs de l’histoire du football italien. Constat qui ne permet aucune objection. Cependant, la nature de son leadership varie trop selon que les intérêts sont collectifs ou individuels. Une tendance à la négativité et au fatalisme dans les moments creux. En deux décennies, le club s'est inévitablement imprégné de ces traits de caractère. Un "Totting" inversé. Après cinq ans, les proprios américains ont compris l’importance de cet aspect et les déclarations de Spalletti vont dans ce sens même si elles sont parfois maladroites et manquent de diplomatie. Ce n’est pas de l’orgueil mal-placé de la part du "mister", mais bien une volonté d'enfin adopter une attitude et un état d'esprit conformes aux ambitions du club. Plus de place pour le romantisme.
Reste le terrain, là où Francesco s’exprime le mieux parce que le talent reste intact. 9 matches, 288 minutes de jeu toutes, 4 buts et 3 passes décisives, ainsi que deux courtes apparitions en Ligues des champions contre le Real Madrid. Un costume d’impact player qui sied très bien à un physique légitimement vieillissant. Son coach avait vu juste en le titillant, un tel rendement serait utopique en débutant les rencontres. Stats à la main, il pourrait rempiler une dernière saison comme il le souhaite. Néanmoins, les considérations techniques ne suffisent plus, chaque paramètre doit être pris en compte, même les plus abstraits voire mystiques. D’où cette désagréable sensation d’ingratitude. Le foot ne fait pas sentiments, mais souvent, il n'en a pas le choix.
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Luciano Spaletti et Francesco Totti en 2007, quand le duo était encore souriant

Crédit: AFP

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