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L'Inter, la plus inclassable des grandes équipes d'Italie

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 20/11/2016 à 12:29 GMT+1

SERIE A - Un nouvel actionnaire majoritaire bien portant, 100 M€ investis cash lors du dernier mercato, trois coaches en trois mois, une 9ème place en championnat et déjà au bord de l'élimination en Ligue Europa : l'Inter navigue en eaux troubles, comme souvent finalement...

Inter Milan contre Cagliari en Serie A le 16 octobre 2016

Crédit: AFP

J'ai vingt ans de football italien derrière moi, c'est peu et beaucoup à la fois, c'est en tout cas largement suffisant pour me faire une idée d'ensemble. En outre, j'ai toujours été attiré par l'histoire du Calcio, dévorant bouquins et rétrospectives dès que le temps me le permet, compensant ainsi mon relatif jeune âge malgré les précoces mèches grises. D'aucuns diront que mes sympathies milanistes (l'écharpe de tifoso a été raccrochée au porte-manteau depuis belle lurette) déforment mon jugement. Je ne suis là pour convaincre personne, mais c'est justement en suivant de près les péripéties du Milan que j'ai été très au fait de ce qui se passait et se passe chez le cousin. Presque un spectateur privilégié en somme. Et rarement un club a été aussi difficile à déchiffrer.

Une référence en noir et blanc

L'Inter fait évidemment partie des trois plus grands clubs transalpins. Chronologiquement, elle a beau être seulement le quatrième club de la ville de Milan à avoir participé au championnat italien - en plus d'être née des suites d'une mutinerie au sein de l'AC - elle est rapidement devenue la deuxième force du pays, marquant sa présence au palmarès à chaque décennie. Jusqu'au début des années 70, les Nerazzurri ont même très bien tenu le rythme effréné imposé par la Juve avec 11 scudetti glanés contre 13 pour cette dernière. Voilà pourquoi leur affrontement porte encore aujourd'hui le nom de "derby d'Italie", puisqu' ils étaient les rivaux se disputant le plus souvent le titre suprême.
Surtout, l'Inter a été la première formation italienne à établir une véritable domination sur la scène européenne. Deux Coupes d'Europe des clubs champions, une demi-finale et une finale de 1964 à 1967. C'était l'Inter de Moratti Senior, du Mago Helenio Herrera, de Facchetti, Mazzola et autres Suarez. Une référence nationale et internationale. Or, près d'un demi-siècle est passé depuis.

Une blague en couleurs ?

"C'est l'histoire d'un Chinois, d'un Anglais et d'un Indonésien qui veulent nous faire redevenir la blague d'Italie". Voilà ce qu'on pouvait lire sur la longue banderole déroulée par les ultras de l'Inter au sein de la Curva Nord lors du dernier match de championnat contre Crotone. En italien dans le texte : "barzelletta d'Italia". Un des petits noms affublés à cette équipe par les tifosi adverses et presque un curieux mea culpa de la part des personnes ciblées.
Depuis la fin de la Grande Inter jusqu'à 2006, deux seuls autres titres de champion ont atterri dans l'escarcelle, la belle moisson européenne des années 90 (3 Coupes de l'UEFA) garnissant un peu plus le palmarès. Oui mais voilà, depuis le retour des Moratti en 1995, l'Inter était une équipe construite chaque année pour tout gagner. C'est d'ailleurs à peu près à ce moment-là que je découvre le foot et un club à part.
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Zlatan Ibrahimovic buteur lors de Inter Milan - Ascoli en Serie A le 5 novembre 2006

Crédit: AFP

Un étrange mix de champions hors-normes (Ronaldo, Baggio, Zanetti, Blanc pour ne citer qu'eux), de transferts ratés et de joueurs improbables, sans parler des échanges ubuesques (Carini-Cannavaro !). Pendant que les exceptionnelles générations de la Juve et du Milan asseyaient leur domination sur l'Italie et l'Europe et que même les clubs romains s'invitaient à la fête, l'Inter se plantait à intervalles réguliers, provoquant de l'amusement, de la tendresse, parfois de l'admiration mais rarement de la crainte. Un constat toujours valable, comme-ci rien n'avait changé.

Un syndrome nerazzurro

Rassurez-vous, je n'ai pas oublié la période 2006-2010 conclue en beauté par le triplé championnat-Coupe-Ligue des champions, exploit qu'aucun club italien n'avait jamais réalisé et qui sera difficile à réitérer, mais peut-on parler de cycle marquant ? En Italie, certainement, avec les quatre titres d'affilé plus celui sur tapis vert. En Europe non, avec des éliminations souvent dès les 8èmes de finale. Un exploit isolé, pas une ère comme celle de la Grande Inter des années 60 qui surclasse son héritière dans tous les domaines. Une parenthèse enchantée ouverte avec l'affaire Calciopoli.
Dix ans plus tard, j'attends toujours la moindre preuve tangible de ce système frauduleux mis en place pour favoriser une équipe et en pénaliser une autre et ayant parvenu à ses fins. On le voit depuis quelques années, l'Inter n'a besoin de personne pour se mettre dans des situations inconfortables. Manque de clairvoyance, bipolarité, improvisation et tout le toutim. Et pourtant, ce manichéisme appliqué pour imposer une distinction du bien et du mal au sein du football italien est toujours en verve.
L'Inter est l'unique responsable et cette fois, elle ne pourra pas compter sur un coup du destin pour se remettre sur les bons rails. D'ailleurs, elle a les cartes en main pour le faire avec ses propres moyens. Un nouveau proprio opulent et prêt à investir, une base de supporters fidèles et un effectif de qualité. S'inspirer de la stabilité et la prévoyance des modèles gagnants serait la première chose à faire, mais pas pour Javier Zanetti, désormais vice-président, qui déclare : "La Juve n'est pas notre point de repère, nous sommes deux clubs différents en tout."
Chacun son identité, soit, mais dans ce cas, cette Inter romantique, naïve, passionnée, idéaliste - bref tout adjectif ayant pour but de la distinguer de la masse et prendre un peu de haut la concurrence - est condamnée à rester dans sa dimension. Celle d'un club historique, mais seulement capable de trop rares coups d'éclat dans l'ère du foot moderne.
Erick Thohir, président de l'Inter Milan le 6 juin 2016
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