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Championnat du Portugal 2012-2013 : menaces de grève et crise économique aiguë pour les clubs

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 05/04/2013 à 22:30 GMT+2

Une menace de grève planait sur le Olhanense – Benfica de ce week-end. A défaut d’avoir la paie, les footballeurs portugais ont recours à la guerre. La Liga portugaise traverse une crise économique conséquence de celle qui touche l'ensemble du pays. Les salaires sont faibles et de moins en moins souvent versés. Etat des lieux.

Olhanense, grève

Crédit: Eurosport

Le cirque continue au Portugal. Mais ces (et ses) numéros ne font rire personne. Il y a un, l’União faisait la farce. Lassés de jouer les funambules, les joueurs de Leiria rémunérés à la bulle résiliaient en masse, la veille d’un important match face au Feirense. José Dominguez parvenait à bricoler une équipe de huit joueurs et s’inclinait (0-4). Normal. La colère et la honte sont devenues tout aussi banales dans un pays meurtri par la crise et le chômage (17,5%). Cette semaine, c’est le Olhanense qui a fait un buzz dont il se serait bien passé. Impayés depuis quatre mois, les joueurs avaient déposé un préavis de grève avant l’affiche de ce dimanche face au "glorieux” Benfica. Le président Isidro Sousa s’en sort avec l’aide d’un ami dont les 288.000 euros injectés ramènent les arriérés à "seulement" deux mois. Ce Olhanense – Benfica incarne un duel entre deux mondes ; une réalité dont il convient de n’omettre aucune facette. Les millions des géants Porto et Benfica ne sauraient cacher l’agonie de nombreux petits clubs.
Paie à leur âme
Hommage d’abord aux disparus. Le début des années 2000 marque l’origine du déclin. Durant presque une décennie, la croissance économique du Portugal a été molle avant de devenir nulle. Manque de compétitivité, mauvaise utilisation des fonds européens, effet de l’euro, ont poussé les décideurs politiques à adopter l’austérité. L’endettement public et privé asphyxie l’économie nationale. Et c’est là que réside le mal. La majorité des clubs portugais s’appuient sur le tissu local. Si  on exclut les trois grands (Benfica, Porto, Sporting), le budget moyen des clubs de la Liga est de 3 millions d’euros. Le salaire médian – en comptabilisant les trois grands - ne dépasse pas les 5000 euros. Une partie de ces revenus est souvent versée au black. Un tabou qui commence à tomber.
Pour survivre, comme les ménages, les clubs vivent à crédit et s’enterrent un peu plus. Voilà comment Campomaiorense (2002), Salgueiros (2004), Alverca (2005), Farense (2006), Felgueiras (2007), Estrela da Amadora (2009) ont sucombé à la crise. Et leurs promesses sont mortes avec eux. Le Lensois Deme N’Diaye a partagé la dernière année de l’Estrela : “Nous n’avons pas été payés de la saison. Je vivais grâce à ma famille qui m’envoyait de l’argent du Sénégal. C’était le monde à l’envers…”
Personne n’est en paie
Avant de quitter la présidence du Sporting, Godinho Lopes a reconnu les graves problèmes de trésorerie du SCP. Le grand Lion tire la langue et peine à honorer ses salariés. Pour faire face, il vient de brader son meilleur buteur van Wolfswinkel à Norwich pour 10 millions d’euros. Les Lisboètes n’en toucheront qu’une partie puisqu’ils ont vendu 65% de ses droits, entretemps… Le plus aristo des clubs portugais trime comme les gueux. Peu à peu, les langues se délient. Le président Oliveira du Vitoria de Setubal avoue les retards de salaires de son club. A Guimarães, les problèmes financiers sont connus de tous et les arriérés s’accumulent. La Direction s’est pourtant délestée de ses plus grosses fiches de paie à l’intersaison mais elle peine à trouver des fonds. Même constat pour le doyen l’Académica.
Au Beira-Mar, le richissime homme d’affaire Madjid Pishyar joue les radins. Le budget ne décolle pas, l’équipe, dernière de la Liga, non plus et les salaires tombent au compte-goutte. Les socios d’Aveiro balisent en repensant aux précédents Admira Wacker et Servette où l’Iranien a laissé quelques ardoises… En D2, c’est la Naval qui traine ses dossiers depuis maintenant plusieurs années. Certains comme Kévin Gomis, aujourd’hui à Nice, ont préféré lâché l’affaire : “Ils me devaient un salaire. Mais je ne suis pas le plus à plaindre. D’autres joueurs dont le président ne voulait plus et qui étaient encore sous contrat n’ont pas été payés du tout de la saison.” La formation de Figueira da Foz n’est que la tête d’affiche d’une division acculée par les dettes.
Traités de paie ?
Afin de répondre aux dérives de certains dirigeants, les instances du football portugais ont (enfin) pris des mesures. La DNCG demeure une exception française mais un nouveau règlement a été mis en place cette saison au Portugal. Deux contrôles financiers menés par la Ligue sont imposés. Le premier se déroule le 15 décembre. Le second intervient le 15 avril et vérifie que “les salaires inscrits dans les contrats de travail ont été respectés pour la période du 11 novembre au 10 mars.” Théoriquement et selon l’article 74 du règlement disciplinaire de la Ligue, les mauvais payeurs encourent de deux à cinq points de retrait. D’ici quelques jours, la Ligue pourrait – et devrait - donc sévir. Son président, Mário Figueiredo, établit son propre diagnostic : “Le problème du football portugais est la recette, pas la dépense.“
Les droits télés individualisés et vampirisés par les grands, le manque de ressources dans le domaine du sponsoring et du merchandising, les faibles revenus en billetterie des clubs moyens et petits limitent le développement de ceux-ci. Figueiredo s’attaque aux problèmes mais se heurte aux vieux lobbies et anciennes habitudes. Il déjà a contribué à une avancée importante. En 2013/14, les clubs professionnels devront adopter le statut juridique de société anonyme sportive (SAD) ou de société sportive unipersonnelle par actions (SDUQ Lda). Une obligation légale instaurée en France en 1984 (et renforcée en 1999) qui vise à plus de transparence dans les gestions des clubs. Et ça, le Portugal en a bien besoin…
Nicolas VILAS : Commentateur du championnat portugais sur Ma Chaine Sport, Nicolas Vilas ne manque pas de promouvoir "sa" Liga via bloGolo.fr ou sur les ondes de RMC. Débats, analyses, interviews, il vit sa passion pour le "futebol" avec le sourire. Et tente, autant que possible, de le transmettre...
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