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Jesus, c'est l'anti-Mourinho qui est sacré au Portugal avec le Benfica

Nicolas Vilas

Mis à jour 21/04/2014 à 15:08 GMT+2

Auréolé d’un deuxième titre de champion du Portugal le dimanche de Pâques, Jesus s’est fait un nom et une réputation. L’entraîneur du Benfica possède avec un parcours et des méthodes bien à lui et assez éloignées de ce qui caractérise José Mourinho…

Jesus, Benfica, 2014

Crédit: AFP

Même s’il était suspendu  à la “Catedral” de la Luz, Jesus a choisi le dimanche de Pâques pour ressusciter. Un an après son long chemin de croix, le voilà auréolé d’un deuxième titre de champion du Portugal. Mister Jorge voit sa cote grimper en flèche. A 59 ans, il figure dans le top 10 des entraîneurs du Football Coach World Ranking. Avec 4 millions d’euros annuels, il est le technicien le mieux payé de son pays. Mais loin, très loin de José Mourinho avec qui il partage un certain goût pour la provocation.
Ses trois doigts ont fait le tour du monde. Le mois dernier, lorsque Luisão a inscrit le 3-1 sur le gazon de Tottenham, Jorge Jesus s’est tournée vers Tim Sherwood et lui a érigé index, majeur et annulaire. Défait en ce huitième aller de Ligue Europa, le manager des Spurs n’apprécie pas : “Le Benfica est un grand club avec un entraîneur sans classe.” JJ tente d’expliquer qu’il lui indiquait le numéro du double buteur. Sauf que Luisão porte le 4…  Jesus va finir par avouer : “La vérité c’est que je suis portugais et j’ai une bonne relation avec André Villas-Boas.” Le technicien du SLB n’a pas aimé que son pote, jadis son bourreau avec Porto, se fasse savonner la planche par Sherwood et il le venge à sa façon. Son amitié avec AVB – qui avouait en septembre dernier que sa relation avec Mourinho était “terminée” - en fait un peu plus encore une espèce d’entraîneur à part. Si le Mou est souvent présenté comme LA référence, Jesus s’en distance. Et pas seulement en s’affichant comme un pote d’AVB.
Oui, ses attitudes sont parfois provocatrices, voire arrogantes, mais aucun de ses doigts ne s’est planté dans l’œil de son adversaire. Oui, il est lui aussi un “fils de”, celui de Virgolino de Jesus ancien joueur du Sporting des années 40, mais son paternel qui s’est reconverti comme employé dans un entreprise de câblage électrique ne lui a pas servi de piston. Garay qui a bossé avec les deux  constate : “Ils se ressemblent dans la façon de travailler et de vivre le football.” Mais au-delà de ça, Jesus incarne, sans forcément le chercher, ce que Mourinho n’est pas.
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Benfica's Jorge Jesus (L) tries to shake hands with Tottenham Hotspur's manager Tim Sherwood (AFP)

Crédit: AFP

Pas de cursus scolaire

Jorge Jesus est parfois moqué pour son portugais hésitant et ses fautes de langages. “Souvent, on a essayé de me dévaloriser parce que je prononçais pas bien un mot ou un autre dans un portugais correct mais ils oublient qu'un entraîneur n'est pas un polyglotte. ” Le “traducteur”, c’est le surnom un brin dépréciatif que donnent les Barcelonais à Mourinho, l’ex-interprète de Bobby Robson. Mister Jesus n’est pas un diplômé et ça dénote dans un futebol où le “Professor” s’est fait une place belle (Jesualdo, Carlos Queiroz, Mourinho, Villas-Boas…). Pour Jorge, l’école s’est arrêtée avant le collège. Contrarié de voir son môme tiraillé entre le ballon et les bouquins, Virgolino lui a lancé un ultimatum : “Les cours ou tu cours !
Jorge sera formé à l’Estrela da Amadora puis au Sporting. Il fera une honnête carrière dans l’élite. Un rêve que José a à peine effleuré. En 1990, il offre ses derniers coups de rein au Almancilense (D4). Son charisme n’échappe pas au président du Amora qui lui offre une place de coach. “Il a compris que j’étais l’entraîneur sur le terrain”, glissera JJ qui mènera ce club de la banlieue de Setubal - autrefois entraîné par un certain Félix Mourinho (père de) - à la montée. Il en connaitra d’autres.

Inspiré par Cruyff

C’est au Barça que Jorge Jesus a effectué l’un de ses premiers stages d’entraîneur. En 1992, c’est Grancharov, son ancien coéquipier au Farense et proche de Stoichkov, qui lui arrange le coup. L’entraîneur du FC Barcelone est alors Johan Cruyff. Il devient le mentor de JJ qui s’enorgueillit : “J'ai appris au même endroit que Guardiola : au Barça de Cruyff. ” Pep, le grand rival de Mourinho, celui qui lui a collé une “manita” en pleine face. Le Batave reste l’un des plus beaux ennemis du Mou, à ce jour. Les deux hommes se sont livrés à de nombreuses séances de taillage par média interposé. Jesus lui piquera notamment la défense à trois qu’il transposera à Felgueiras avec quelques beaux succès.

Peu de palmarès

Il le concède lui-même : “Il me manque des titres, être champion d'Europe, remporter une Coupe du Monde avec la sélection nationale. ” Non, le palmarès de Jesus n’est pas vierge. Mais avec deux titres de champion du Portugal (2010 et 2014) et trois Coupes de la Ligue (2010 à 2012), le technicien de 59 ans peine à étoffer son CV. Et surtout à s’internationaliser. JJ a effectué toute sa carrière de joueur et d’entraîneur au pays. A 51 ans, le “Special One”, lui, compte déjà une vingtaine de trophées dans quatre pays différents. Au final, le Benfica, seul endroit où il a échoué, est celui où JJ a vaincu. Toujours engagé en Coupe du Portugal, Coupe de la Ligue et surtout en Ligue Europa, Jesus espère effacer l’image d’éternel second qu’il porte comme une croix depuis ses finales perdues (Coupe du Portugal en 2007 avec le Belenenses et le Benfica en 2013 ; Ligue Europa 2013).

Un vendeur plus qu’un acheteur

Au cours du mercato d’hiver, la vente de Matic au Chelsea de… Mourinho a rapporté 25 millions d’euros au SLB. En moins de cinq saisons, Jesus a généré plus de 200 millions d’euros rien qu’en vente de joueurs. En cela, nul ne l’égale au Portugal. Malgré ces départs répétés, il compense, il comble, il puise et valorise. Celui à qui l’on reprochait de ne parier que sur des joueurs étrangers s’est même mis au goût du jour : il lance maintenant des jeunes de la maison. Une partie de cet argent a été réinvesti dans le recrutement mais ce pognon sert surtout à combler le passif colossal du club. A Chelsea, comme il l’avait fait à l’Inter ou au Real, José, lui, achète. Il a déjà “donné” près de 100 millions aux Aigles (Tiago, Di Maria, Coentrão, Matic).

Pas besoin d'agent, ni même de Mendes

L’écrasante majorité des juteux transferts motivés par Mourinho sont menés par son agent : Jorge Mendes. Il n’est plus d’affaire impliquant un joueur ou un club portugais de renommé qui n’échappe au contrôle de la Gestifute. Avant de signer sa première prolongation de contrat à la Luz en 2010, Jesus avait été annoncé partant à l’Atletico Madrid. Un dossier géré par Mendes. JJ restera fidèle aux “Encarnados” et négociera directement avec le président son salaire à 4 millions. Des chiffres retoqués l’été dernier. Il a accepté de revoir son salaire de base et s’est engagé avec un contrat d’objectifs. Si le Mou joue, sans trop se cacher, le VRP de la Gestifute, Jesus prend ses distances : “Je ne réponds pas aux agents. Je suis fait de convictions. ” Un homme qui, pour rejoindre le SLB en 2009, avait payé de sa poche la clause libératoire le liant à Braga : 345.000 euros. Mais alors que son nom commence à faire écho en Espagne, il se pourrait qu’il accepte de collaborer avec l’autre Monsieur Jorge…

Un bâtisseur

Au Benfica, j’ai mon mot à dire.” En acceptant de s’engager au SLB, Jorge Jesus avait posé certaines conditions, à commencer par celle de ne pas être l’entraîneur  de “la structure” ; ne pas être qu’un coach (comme c’est le cas au FC Porto par exemple) mais avoir un droit de regard sur le recrutement, notamment. Il est consulté mais son pouvoir n’a rien à voir avec celui d’un Mourinho qui, partout où il passe, veut tout maitriser : du domaine sportif à la communication. Avec le Mou, aucune “structure” n’est tolérée si ce n’est la sienne et lorsqu’elle s’effrite et prend fin, c’est fatidiquement le chaos. C’est ainsi qu’il a quitté Madrid. Tout aussi affaibli par sa fin de saison dernière, Jesus a accepté de poursuivre. Il a tendu la joue aux plus de 230.000 socios benfiquistes : “J’en assume la responsabilité.” Oubliées les critiques, les manifestations demandant son départ. En septembre dernier, il s’est jeté sur un policier bloquant au sol un supporter du Benfica ayant envahi le terrain. Depuis, il bat lui aussi un record : celui de la fidélité. Il approche des 272 matches aux commandes du SLB détenus par Jonas Bini (1939-1947).

Une autre forme de nationalisme

Dans l’histoire d’un Benfica dont les socios n’ont accepté l’inscription de joueurs étrangers qu’en 1979, Jesus restera comme le premier entraîneur à avoir aligné un onze sans aucun Portugais. Avec cinq autochtones utilisés, son SLB 2014 est le champion le moins patriote de 110 ans d’existence du club. “Pour moi, il n’y a pas de Portugais ni d’étrangers mais des joueurs du Benfica”, répond-il. JJ n’est donc pas là pour sustenter la Seleção. Et ça se ressent. Bien que la tendance s’améliore, le SLB était le “Grande” qui alimentait le moins la sélection portugaise, l’année dernière. Rien à voir avec le FC Porto de Mourinho des années 2000 dont 80% de l’effectif portugais.
Depuis qu’il a émigré, José continue de s’entourer de Lusitaniens, dans son staff et son effectif. Cette saison fait presque exception. A Chelsea, il ne compte qu’un seul compatriote dans son équipe (Hilario). Si JJ se dit dévoué à la cause de son club, le Mou, lui, aime attiser la fibre patriotique. Avant que Bento ne soit nommé sélectionneur, il avait demandé au président Florentino Pérez de le laisser “piger” pour son pays. Requête refusée. Mourinho ne semblait pas si pressé en 2009 lorsqu’il annonçait qu’il serait sélectionneur “d’ici quinze ans.”  Ambition partagée par Jesus, qui, peu de temps après, déclare : “Etre sélectionneur est un objectif. Je suis un nationaliste pur. ” La fédé portugaise ne devrait pas manquer de candidats après le départ de Paulo Bento…   
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Mourinho Blanc PSG Chelsea 2014

Crédit: Panoramic

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