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Et si on interdisait les prêts ?

Maxime Dupuis

Mis à jour 19/01/2018 à 11:25 GMT+1

Le prêt de joueurs fait partie intégrante du paysage du marché des transferts depuis longtemps. Vendredi, Alexander Ceferin a laissé entendre qu'il pourrait les interdire. Voire, les supprimer. Une excellente idée dont on vous parlait en juin dernier alors que le principe même du prêt est perverti car il permet aux clubs puissants d’assoir un peu plus leur prédominance aux dépens des autres.

Loïc Rémy fait partie des nombreux joueurs prêtés par Chelsea

Crédit: Getty Images

Article écrit le 29 juin 2017
Imaginez un peu la scène : vous arrivez demain matin au bureau. Vous allez prendre un café et, quelques minutes après avoir allumé votre ordinateur, vous apprenez que votre patron va vous céder temporairement à une entreprise concurrente. Pendant un an. Pourquoi ? Parce que vous êtes jeune et encore un peu tendre. Autant vous donner des responsabilités dans une PME. Parce que la multinationale, ce n'est pas (encore) fait pour vous. Quand vous reviendrez au bercail, on pourra vous donner le poste qui vous convient. Ça vous semble bizarre ? Oui, évidemment. Eh bien, en football, c'est comme ça. Et personne n'y trouve rien à redire.
Je vous entends d'ici : "Ce n'est pas pareil, on parle de foot là". Vous avez raison… et tort à la fois. Car le procédé est le même. Les clubs de football rappellent assez souvent à qui veut l'entendre qu'ils sont des "entreprises comme les autres". Problème : elles ne se comportent pas comme telles.
A la base, le prêt est une idée estimable : elle peut permettre à un jeune joueur de se lancer, ou à un joueur en difficulté de se relancer. Ainsi, leur permettre de revenir quand ils seront prêts ou plus en phase avec le club auquel ils appartiennent. L'idée de la deuxième chance en quelque sorte. C'est louable.
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Crédit: Eurosport

Un modèle perverti

Le souci est que le principe même du prêt a été perverti et qu'il ne rend service à personne aujourd'hui. Enfin si… avant tout aux clubs qui ont les moyens de prêter des joueurs et de se constituer un effectif XXL, en premier lieu. Donc les plus riches, qui minimisent le risque de leur investissement, tout en maximisant leurs chances de faire de l'argent à la revente. Cela engendre une relation de dépendance entre les puissances qui utilisent ce type de transactions et les formations qui accueillent leurs ouailles. Les clubs receveurs y trouvent un intérêt sur le court terme mais, à l'arrivée, construisent leur avenir sur du sable. Du bricolage en quelque sorte qui ne solidifie que rarement les fondations quand l'édifice est brinquebalant.
Aujourd'hui, dans un football plus inégalitaire qu'il ne l'a jamais été, un club comme Chelsea ou la Juventus – pour ne pas les citer – peut se bâtir une armée de footballeurs et prêter la moitié de ses soldats aux quatre coins de l'Europe. Non pas pour les faire grandir puisqu'ils ne seront que très peu à pouvoir intégrer un jour l'équipe A. Mais avant tout pour les revendre plus cher et spéculer sur leur dos. En faisant en sorte, si possible, que ledit joueur ne croise pas la route de son club propriétaire. Rappelez-vous du cas Courtois en 2014. L'UEFA avait, heureusement, mis fin à ce conflit d'intérêts inacceptable.
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FOOTBALL 2012 Dijon-Nice (Kakuta)

Crédit: AFP

Quid du prêté ? C'est moins net. Le jeune joueur va trouver du temps de jeu, c'est évident. Mais est-ce forcément un tremplin ? La réponse est plus nuancée. Regardez Gaël Kakuta, prêté six fois par les Blues. Evidemment, le cas de l'ancien espoir du football français est caricatural. Mais cela n'a pas favorisé son éclosion, c'est le moins qu'on puisse dire. Sans doute eut-il été plus sain qu'il pose ses valises définitivement dans un club pour grandir.
Il arrive cependant que le prêté y trouve son compte. Prenez le cas Adrien Rabiot. Il est allé passer six mois à Toulouse en 2013/2014, alors qu'il s'impatientait dans l'ombre du trio de l'entrejeu parisien. Revenu dans la capitale, il a commencé à faire son trou, petit à petit. Son prêt ne l'a pas desservi. Néanmoins, on peut aussi avancer, sans trop se tromper, qu'il aurait percé au fil des mois et que le prêt n'a pas été un élément décisif. Le talent du joueur était trop criant pour échapper aux dirigeants et techniciens du club de la capitale.

Faut-il interdire le prêt ?

Alors, que faire ? Interdire le prêt ? Le sport US n'y a pas recours et ne se porte pas plus mal pour autant. Prenez la NBA. Les effectifs sont strictement limités, ce qui empêche l'empilement de talents comme le fond certains clubs de football en Europe. Hormis envoyer un joueur en ligue de développement ou laisser le "prospect" grandir de l'autre côté de l'Atlantique, les franchises NBA n'ont pas d'autre recours. Toute cession d'un joueur est définitive. Ça peut sembler un peu brutal. Mais c'est aussi une règle qui pousse les dirigeants à réfléchir avant d'acheter, de drafter un joueur… ou de le laisser partir. Et, aussi, leur commande de laisser un peu de champ et de temps de jeu aux jeunes pour voir ce qu'ils ont dans le ventre.
Une telle irrévocabilité appliquée au football aurait deux conséquences majeures :
  • Elle éviterait la spéculation liée aux prêts.
  • Et, ce n'est pas la moindre de ses qualités, permettrait de mieux repartir les forces vives en évitant les concentrations superficielles de joueurs dans des clubs pouvant se permettre d'accueillir 40 à 60 footballeurs sous contrat.
En gros, de rééquilibrer quelque peu le foot européen. Voire l'assainir un petit peu. Un vœu pieu.
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