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Hockenheim : 5 grands prix d'Allemagne mémorables

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 19/07/2014 à 10:53 GMT+2

Hockenheim a accueilli son premier Grand Prix d'Allemagne en 1970. Voici cinq éditions appartenant à l'histoire de l'épreuve.

Eurosport

Crédit: Eurosport

1977 : Heyer en liberté

Hans Heyer n'aurait jamais dû courir en Formule 1 à l'occasion du deuxième Grand Prix d'Allemagne de l'histoire jugé à Hockenheim, mais il s'est invité à la grande fête. A l'approche de sa course nationale, l'écurie ATS a estimé que l'événement vaut d'engager une seconde voiture, en plus de l'habituelle PC-4 confiée à Jean-Pierre Jarier ; et c'est sur lui que le choix s'est porté. Il est un pilote assidu à l'Endurance mais moins à la monoplace. Avec un seul départ en F2 en 1976, on pourrait même le classer en "touriste." Mais quand l'opportunité se présente de se glisser dans le châssis qui a remporté le Grand Prix d'Autriche en 1976 avec John Watson, comment refuser ?
Alors que le Français se qualifie 12e, le débutant de 34 ans signe le 25e chrono. Les 24 plus rapides sont admis au départ mais pour un obstiné comme lui, ce n'est pas très grave. D'autant qu'un statut de premier suppléant justifie sa présence dans la pit lane le dimanche avant le départ... Un forfait, même à la dernière minute, peut toujours survenir ou les officiels manquer de vigilance dans la frénésie du départ... Évidemment, cette solution est la plus sûre et comme aucune voiture ne faillit et que la tentation est trop grande, le natif de Mönchengladbach se lance en solitaire sur l'Hockenheimring, à bonne distance des leaders. Qu'importe si neuf tours plus tard sa boîte de vitesses cède et qu'il est disqualifié.
Pourquoi c'est inoubliable : parce que c'est une belle histoire pour une unique participation en grand prix.

1982 : l'effroyable accident de Pironi, la rage de Piquet

Le 8 mai, Gilles Villeneuve s'est tué lors de la qualification du Grand Prix de Belgique, à Zolder. Le 7 août, la Scuderia est décapitée en Allemagne : Didier Pironi vient de subir un accident effroyable à Hockenheim. Le Français détient la pole position depuis la séance qualif 1 de la veille disputée sur le sec, car des trombes d'eau noient cette seconde session. Il fonçait lorsqu'il a vu trop tard la Renault d'Alain Prost, à haute vitesse... La 126C2 s'est envolée, est retombée sur le capot avant et a broyé les jambes de son occupant, qui déclarera avoir vu la cime des arbres...
"Pironi était conscient, et il avait enlevé son casque, tout en sachant que ses jambes étaient terriblement touchées", racontera le professeur Sid Watkins, le médecin des grands prix, dans ses mémoires (La vie à la limite, aux éditions Solar). Et d'ajouter : "Il m'implora de tout tenter pour les sauver, et je lui donnai ma parole. (…) On lui administra des analgésiques puissants. Le garçon s'endormit et ne souffrit plus. La Ferrari était une véritable épave, et il fallut couper dans le métal pour désincarcérer les jambes(…) Qu'il fût encore en vie était surprenant."
"Pironi est resté vingt minutes prisonnier de sa coque avant que quelqu'un ait l'idée d'apporter un parapluie pour protéger son visage", rapportera un journaliste de The Sunday Times. Sid Watkins se défendit de toute négligence, assurant que le pilote était déjà inconscient à cet instant. A l'hôpital universitaire de Heidelberg, le professeur Mischkowski fit des miracles. "Lorsque je le revis quelques mois plus tard, il boitait un peu mais marchait correctement", se souviendra Sid Watkins.
Le dimanche, Nelson Piquet était parti pour faire triompher sa Brabham lorsqu'il croisa Eliseo Salazar (ATS), retardataire trop fier et pas tellement malin. L'accrochage fut banal mais la suite beaucoup moins : le Brésilien s'extirpa de sa machine pour aller boxer le Chilien même casqué.
Pourquoi c'est inoubliable : un accident choquant et un destin brisé. Didier Pironi menait le Mondial et devait être champion.

1986 : Prost pousse sa McLaren

En cette saison 1986, l'allocation en carburant a été réduite à 195 litres par course (11% de moins qu'en 1985) et nombre de pilotes sont comme l'année précédente régulièrement surpris par la gourmandise de leurs moteurs. Au Grand Prix de Saint-Marin, Riccardo Patrese (Brabham) et Keke Rosberg (McLaren) ont fini en panne sèche et Alain Prost (McLaren) a triomphé en secouant sa machine dans tous les sens pour en soutirer les dernières gouttes afin de gagner sur son élan la ligne d'arrivée située - par chance - au bout d'une descente.
"Je ne voudrais pas que la consommation d'un moteur prenne le pas sur tout le reste", s'inquiète-t-il. Pourtant, il n'est pas au bout de ses peines, et un sommet de l'angoisse l'atteint quelques semaines plus tard à Hockenheim. Alors que le Grand Prix d'Allemagne vit son final, Keke Rosberg (McLaren) est stoppé net, à sec, tandis que Nelson Piquet (Williams) gagne au ralenti avec 2 litres dans le réservoir, devant Ayrton Senna (Lotus) qui ramène un demi-litre dans sa Lotus en tirant des bords.
On a déjà vu ça. En revanche, le reste est plus inattendu. En effet, Alain Prost (McLaren), longtemps en lice pour le podium, est en perte de vitesse totale. "J'ai eu un véritable coup au cœur lorsque mon ordinateur de bord m'a montré que j'étais en panne cent mètres avant la ligne", confiera-t-il. Sa MP-4 assoiffée va mourir avant la ligne s'il ne fait rien. Dans la dernière ligne droite, il saute donc de son bolide en marche et profite de sa faible vitesse pour l'accompagner... Mais il doit bientôt le pousser. Dans ce théâtre d'improvisation, la foule compatit, l'acclame. La ligne se rapproche, et dans un dernier coup de rein qu'il valide sa sixième place, à un tour.
Pourquoi c'est mémorable : son point peut-être le plus chèrement acquis.

2000 : l'épopée de Barrichello

Rubens Barrichello a multiplié les promesses depuis son arrivée en 1993, vu gagner son coéquipier Johnny Herbert chez Stewart. Il vient d'arriver pour faire le porteur d'eau de Michael Schumacher chez Ferrari et l'image d'éternel second lui colle à la peau. Jusqu'à ce que l'édition 2000 du Grand Prix d'Allemagne lui ouvre les portes de la gloire ; sur un concours de circonstances.
Quand il s'installe sur le 18e emplacement de la grille, victime de deux averses en qualification, personne ne fait attention à lui. Mais au départ, il gagne huit places. Et le festival ne fait que commencer, car au 18e tour, le Pauliste est sixième après la première vague de pit stops. Il a même pointé troisième, au 15e tour. Puis c'est le coup de théâtre, au 25e passage : un inconscient entre sur la piste pour protester contre son licenciement par Mercedes, la voiture de sécurité entre à son tour... "Rubinho" était cinquième à 35 secondes des McLaren leaders de Mika Häkkinen et David Coulthard, et le voilà soudainement au contact. L'Ecossais se saborde en ne rentrant pas au stand et glisse derrière la Ferrari. La chance du Sud-américain s'arrête là car son talent prend le relais, de superbe manière : sous l'averse qui s'abat au 33e tour, il reste en "slick". Häkkinen et Trulli rentrent comme les autres prendre des "pluie", lui offrant un leadership trois tours plus tard. Il le gardera pour dédier cette première victoire à Ayrton Senna.
Pourquoi c'est héroïque : un numéro d'équilibriste sur l'ancien et intimidant Hockenheimring. Jamais un pilote n'avait attaqué un Grand Prix d'Allemagne si loin pour gagner.

2010 : Ferrari sacrifie Massa pour Alonso

Chez Ferrari, Fernando Alonso a Felipe Massa a sa botte depuis le début de la saison. Il est venu pour être le numéro un et n'a pas été floué sur le casting. Sauf que le Grand Prix d'Allemagne prend une tournure inhabituelle lorsqu'il voit le Brésilien lui filer sous le nez au départ, et patronner le grand prix. Sur le muret des stands, Stefano Domenicali comprend que la star espagnole va perdre des points précieux dans sa lutte pour le titre face à Lewis Hamilton (Mclaren), Mark Webber et Sebastian Vettel (Red Bull).
"C'est ridicule", se lamente à la radio le double champion du monde, qui se heurte à un mur. Au 49e tour, Rod Smedley appelle pour annoncer la consigne la plus célèbre de l'histoire : "Fernando est plus rapide que toi. Peux-tu me confirmer que tu as compris le message ?" L'annonce sèche est suivie d'un "désolé" assez penaud. Le Brésilien s'exécute en hésitant opportunément sur un changement de rapport à la sortie d'une courbe. Alonso file vers une victoire pas assumée. "Je ne sais pas ce qui s'est passé", raconte-t-il en conférence de presse. "A la sortie du virage 6, j'ai vu Felipe un peu lent et j'ai essayé de le doubler. Il faut saisir chaque opportunité." A côté de lui, Massa préfère l'ironie : il assure qu'il n'y a pas de consigne chez Ferrari et jure en ricanant qu'il a choisi de donner sa victoire, un an jour pour jour après son accident du Grand Prix de Hongrie. Personne n'est dupe, et surtout pas la FIA. Les consignes sont interdites et elle inflige une amende de 100.000 dollars à Maranello.
Pourquoi c'est impardonnable : un mépris du sport. Ferrari avait déjà fait le coup en Autriche en 2002.
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